C'est un sanglier, mais pas n'importe lequel, on vous le dit ! C'est, comme on dit en latin, un sus scrofa d'un genre particulier, mais pas le mammifère omnivore, forestier, proche du porc, bien sûr. Lui, mesdames et messieurs, ce n'est pas un porc, c'est vraiment un sanglier, et un sanglier qui a toujours eu le sang rouge ! Lorsque vous cherchez «le sanglier rouge» sur internet, Google vous donne comme première référence «Le sanglier rouge, en fait une marque, une référence, une garantie». Dans ce cas, il évoque une société du Vaucluse «dynamique et innovante, créée par un chasseur pour servir un monde avec qui il partage une passion commune, les chiens et la chasse». Mais en réalité, le «Sanglier Rouge» dont il est question ici est un sanglier ardennais, qui est lui aussi, à sa manière, une marque, une référence et une garantie. Précisément une marque éditoriale, une référence en matière de blogging et une garantie du point de vue de la fidélité à ses principes idéologiques et ses valeurs politiques. Ce sanglier-là est un fervent et ardent communiste français qui n'a jamais changé la couleur du sang de ses convictions permanentes. Cet éternel sanglier, c'est Jacques Tourtaux, jeune octogénaire, blogueur prolifique et insatiable, marxiste d'eau pure, qui est comme un poisson dans l'eau du Web et dont le blog vous édifie à chaque article lu. Ce «sanglier rouge» est un anticolonialiste de la première heure. Un antifasciste indéfectible, un militant syndicaliste au long cours, un tiers-mondiste convaincu et généreux. Convaincu qu'il est toujours que la lutte des classes n'est jamais finie, car elle change juste de terrains de lutte même si elle n'a pas toujours des visages facilement identifiables. Mais que de chemin parcouru depuis février 1961, date à laquelle Jacques Tourteaux, comme des milliers de jeunes Français avant lui, exprima les mêmes fortes réticences à participer à cette guerre d'Algérie, «imbécile et sans issue». Mais à la différence de nombre de bidasses aux mains innocentes, il est, lui, déjà communiste à l'époque. C'est-à-dire doté de cette conscience politique qui lui permettait de savoir parfaitement pourquoi il refusait cette sale guerre : il savait donc où étaient la vérité et le droit, comme a dit de lui Henri Alleg, l'auteur de La Question. Soldat malgré lui, il n'était donc pas du côté des gros colons exploiteurs, des gouvernants à leur solde et de l'armée coloniale à leur service. Pour lui, l'Algérie, ce n'était pas la France, et son cœur comme sa conscience étaient du côté des Algériens qui luttaient justement pour l'indépendance de leur pays, comme du côté des Français, ces Justes qui les soutenaient. Dans les circonstances de l'implacable guerre d'Algérie, il est catalogué alors comme une «forte tête» et soumis alors aux brimades et autres mesures disciplinaires des plus rudes. Malgré cela, comme l'écrira encore Henri Alleg dans l'avant-propos d'un de ses livres, «il s'efforcera avec les pauvres moyens à sa disposition (...) de faire entendre la voix des partisans de la paix, de la liberté, de l'entente fraternelle avec le peuple algérien». Du centre d'instruction de Oued Smar à Teleghma, en passant par Mouzaïa-Ville, le jeune conscrit ressentira profondément les souffrances atroces imposées par la guerre coloniale aux Algériens et Algériennes révoltés contre l'exploitation, l'injustice et le mépris dont il est le témoin régulier et qu'il n'oubliera jamais. Ratissages réguliers, bombardements au napalm, gourbis incendiés, maisons détruites, exécutions sommaires de combattants et de civils, tortures et viols à grande échelle. Autant d'événements qui sont autant de traumatismes qui hantent encore ses vieux jours de blogueur militant et particulièrement actif. Et c'est lui-même qui le dit, avec les mots de ses souffrances antérieures et postérieures. «Depuis mon retour d'Algérie, j'ai toujours souffert, sans savoir que je souffrais de là-bas. Plus de 40 ans après, je me réveille régulièrement en sursaut. Difficile de remonter la pente : sautes d'humeur, phobies, rendent souvent la vie difficilement supportable à mon entourage. Depuis de nombreuses années, mon sommeil est agité, troublé par des insomnies, cauchemars et anxiétés. Les troubles graves endurés encore aujourd'hui sont la conséquence directe des mauvais traitements subis et qui m'ont été infligés volontairement du fait de l'institution militaire lors de la guerre d'Algérie.» Pour exorciser un tant soit peu les démons de la guerre et de l'oppression coloniales, il se fera écrivain modeste mais méthodique et sérieux, avant d'être un blogueur qui ne blague pas avec la rigueur de la veille anticolonialiste et anti-impérialiste de tous les instants. Il livrera son témoignage qui est aussi un vibrant hommage à ces soldats anticolonialistes qui, comme lui, et après avoir milité clandestinement dans leur unité contre la guerre, n'ont pas hésité, le moment venu, à se dresser, au péril de leur vie, pour barrer la route à l'OAS et aux généraux factieux et fascistes. Et même si l'Histoire (avec un H majuscule) n'est pas un livre uchronique, Jacques Tourtaux pose, avec sagacité, cette question sur la manière dont l'Histoire aurait pu se faire : que serait-il advenu si, en avril 1961, le contingent mobilisé en Algérie, avait suivi les officiers félons et leurs chefs ? Et si lui-même n'a jamais livré la moindre réponse, il continue depuis le combat anticolonialiste, anti-impérialiste, antifasciste et anticapitaliste, au bénéfice des peuples du Tiers-Monde qui luttent contre l'ordre impérial, et à l'avantage de classes laborieuses, ouvrières et salariées en première ligne. C'est ainsi que Jacques Tourtaux, auquel l'Etat français a refusé une pension d'invalidité de guerre, s'est naturellement investi sur le terrain des luttes syndicales. Avec le rouge comme couleur permanente du juste combat pour les justes causes. Sans jamais changer sa veste de cheminot cégétiste. Celle de ses convictions immuables de travailleur du rail. Et depuis la création de son blog malicieusement intitulé le «Sanglier Rouge», le grand Jacques, comme aurait dit de lui Jacques Brel, fait «la guerre à la guerre», pour reprendre une formule de l'ancien chroniqueur de La Tribune, son camarade de luttes algériennes, Mohamed Bouhamidi. Et il le fait sur tous les fronts de guerre : l'Afrique en lutte, les luttes ouvrières, la Syrie, le Yémen, l'Irak, la Palestine, le racisme, assurant d'autre part une veille technologique rudement efficace qui fait de son blog, créé en 2006, un des plus suivis de la blogosphère francophone : 40 000 articles et un peu plus de 50 000 commentaires subséquents. Et excusez du peu, rien qu'en 2016, plus de 1 984 000 visiteurs uniques et rien que pour le mois d'août de la même année, 466 153 visiteurs uniques et 595 741 pages vues ! Le blog de Jacques Tourtaux résume bien son auteur, mais ce sont ses livres qui le mettent un peu mieux en équation. «Guerre d'Algérie-Souvenirs d'un appelé anticolonialiste», «le Chemin et l'honneur d'un travailleur du rail», «les Apparatchiks» et «l'Enfant de la misère : l'Etat colonial et sa justice de classe». Une équation personnelle définie aussi par la symbolique du sanglier, symbolique riche chez les Celtes et présente également dans les mythes indo-européens : la Grèce mycénienne, l'Inde védique et chez les Germains. Il représente la force et le courage mais aussi la connaissance. Et chez les Grecs, c'est le quatrième des 12 travaux d'Hercule qui était de rapporter vivant le sanglier d'Erymanthe, cet énorme sus scrofa qui terrifiait les habitants de l'Erymanthe en Arcadie. C'est peut-être «ça» Jacques Tourtaux qui terrifie fascistes, réactionnaires, racistes, révisionnistes, sionistes, impérialistes et sangsues capitalistes sur la Toile ! N. K.