- Dis ! C'est quoi ton pronostic pour Sénégal-Egypte ? - Brest ! Après prolongations ! - ??? Au début, il est clair que c'est eux que je supportais à cette Coupe d'Afrique des Nations. C'est ensuite que ça s'est gâté ! Eux partis, rentrés au pays - enfin, dans les pays où ils jouent et vivent - mon horloge interne du supporter s'est déglinguée. J'ai promis une tournée générale de thé, au café du quartier si la Sierra Leone mordait la poussière pour son deuxième match. Ensuite, j'ai contacté des amis, coiffeurs au Cameroun, et j'ai mis un « contrat » sur la tête d'Iban Salvador Edu, dit le Teigneux. Oh, pas un crime ! Non, juste une boule à zéro. Je n'ai rien contre les cheveux fuchsia, mais dans mon état, je commençais à voir des éléphants roses. Tiens ! Ben, les Eléphants, justement ! Pour ce coup-là, c'est moi qui me suis planté. C'est ce qui arrive lorsqu'on vous présente un raqi de la banlieue-est de Sidi-Zekri, en vous jurant que c'est le meilleur sur la place africaine, et que vous lui accordez une confiance aveugle. Leurs sorciers et les amulettes accrochées aux cous de Sangaré et de Pépé étaient plus puissants que mon raqi en soldes et payé en dinars dévalués. À 3-1 et une raclée mémorable, j'ai laissé tomber les sorciers et pris attache directement avec Kaïs Saïed. Oui ! Oui ! Le Président tunisien en personne. Au point où j'en étais, je ne pouvais plus reculer devant rien. Sur un ton aussi mielleux que la zalabia de Sidi Boussaïd, un soir de Ramadhan, je l'ai imploré d'accepter une gratification hautement symbolique si les Aigles de Carthage arrivaient à ratatiner les Super Eagles de Lagos. Pourquoi le Nigeria, puisqu'ils n'étaient pas dans notre groupe ? Ben ... juste pour passer un coup de fil à Kaïs et lui rappeler la finale de la Coupe arabe. J'adore la tronche qu'il fait à chacun de mes rappels. Ah ! Oui ! C'est comme ça ! Cette CAN me fait devenir trivial au diable ! Habess ! Mais ne m'interrompez pas avec vos questions ! Parce que l'affaire a continué. Avant qu'il ne prenne l'avion pour se rendre en Egypte, j'ai glissé deux mots dans l'oreille de Djidji. Et en deux mots et un ordre martial du général Sissi, je me suis rabiboché avec mes anciens ennemis jurés, les Egyptiens. Non sans rappeler au passage à mes potes coiffeurs à Yaoundé que le contrat sur Edu courait toujours. Lui, je n'allais pas le lâcher ! Bon ! À quelques minutes de la demi-finale Cameroun-Egypte, tout est parti en sucette. Ma femme a dû appeler le Samu-psy. J'avais accroché des drapeaux de «Misr Oum El Dounia» dans tout l'appartement, et j'avais mis Oum Kalthoum à fond. En cellule, sanglé d'une camisole, j'ai tout de même bondi au plafond lorsque l'Egypte a éliminé Eto'o. Bon ! Je me suis fait mal, la camisole n'étant pas équipée d'airbag. Mais qu'importe ! Sénégal-Egypte en finale de la CAN ! Enfin apaisé ? Que le meilleur gagne ? Que nenni ! Mon œil ! Les meilleurs avaient quitté la compét' dès le premier tour. Et mon problème maintenant, ce sont les jardiniers de Japoma et d'Olembé que je n'arrive toujours pas à joindre ! Comment alors tenir jusqu'en mars ? En fumant du thé et en restant éveillé à mon cauchemar qui continue. H. L.