L'élimination du Cameroun, sur ses terres et devant son peuple, constitue-t-elle cet élément suffisant pour avancer que le duel Cameroun-Algérie, pour le compte des qualifications au Mondial-2022, tournera à l'avantage des Algériens ? Les Lions Indomptables n'accrocheront pas une sixième étoile sur leurs beaux maillots. L'élimination face à l'Egypte, jeudi soir au stade d'Olembé, en demi-finale de la CAN a été ressentie comme un séisme dans les sphères footballistiques et politiques au pays de Paul Biya. Un président qui misait beaucoup sur la réussite de ce tournoi panafricain, sur le double plan sportif et organisationnel, pour rallonger son règne qui dure depuis voilà 40 ans. L'échec de la sélection camerounaise constitue, à cet effet, un échec personnel à Paul Biya et tous ceux qui avaient misé gros sur cette équipe qui, quelques deux ans plus tôt, s'accrochait tant bien que mal dans le wagon des grands d'Afrique, en témoignent ses éliminations successives du Mondial 2019 en Russie et de la CAN-2019 mais surtout l'instabilité au niveau des structures dirigeantes et techniques. La Fecafoot est demeurée sous protectorat de la Fifa jusqu'au mois de décembre alors que l'EN camerounaise est passée entre les mains de plusieurs entraîneurs dont le dernier, le Portugais Antonio Conceiçao a subi les foudres des médias en raison notamment des prestations hachées et insipides durant les qualifications au Mondial-2022 ainsi que les matchs «à blanc» durant les éliminatoires de cette présente édition de la CAN. D'ailleurs, malgré une certaine accalmie retrouvée depuis l'entame de la compétition où le Cameroun a connu des difficultés face à des adversaires à sa portée (Burkina Faso, Cap-Vert, éthiopie, Comores et Gambie) et les résultats globalement positifs enregistrés n'avaient pas totalement convaincu médias et observateurs. Jeudi, ceux qui doutaient de la capacité réelle du Cameroun à succéder à l'équipe d'Algérie dans le palmarès de la Coupe d'Afrique sont revenus à la charge pour rappeler leurs griefs à l'encontre de cette sélection camerounaise qui au premier obstacle sérieux a déraillé. Si bien que ces mêmes médias et observateurs se sont immédiatement projetés sur le prochain Cameroun-Algérie en match de barrage de la Coupe du monde, en mars. Un rendez-vous qui scellera définitivement le sort des Lions Indomptables dont certains joueurs ont été choqués par les propos de leur capitaine Vincent Aboubakar à la fin du match. L'attaquant d'Al-Nasr Saoudi et buteur de cette CAN a porté en effet de graves accusations sur le collectif en insinuant que certains joueurs ont été par trop individualistes contre l'Egypte. «On a une grosse équipe et à chaque fois qu'on a joué collectif ,on a gagné. Aujourd'hui, chacun voulait montrer de quoi il est capable et voilà, en football, ça se paye cash», tancera le capitaine camerounais. Une déclaration qui a fait mal mais surtout a fait réagir pas mal de ses camarades à l'exemple du gardien de l'Ajax André Onana qui dira «je ne peux rien reprocher à ce groupe. Ces gars, ils ont tout donné. On a joué 120 minutes, ils sont allés à fond, ils ont tout donné. Honnêtement, on est restés positifs». L'autre buteur camerounais durant ce tournoi, Karl Toko Ekambi sera encore plus acide envers son capitaine. «Il pense ce qu'il veut, il dit ce qu'il veut. Je ne vais pas polémiquer sur ça. Je félicite l'équipe. On a essayé de marquer, mais on n'a pas réussi. Le football, c'est comme ça. Le penalty, c'est soit tu marques, soit tu rates. Il faut avoir le courage de tirer. On a fait ce qu'on pouvait pour aller le plus loin possible. Il reste le match pour la troisième place. On va essayer de bien le préparer», a-t-il confié amèremment. Pour mieux saisir la déclaration incendiaire de Vincent Aboubakar, rien de mieux que l'analyse d'un ancien sélectionneur des Lions Indomptables, le Français Claude Leroy. «Aboubakar dit n'importe quoi, ça va se retourner contre lui. Il manque d'indulgence envers ses coéquipiers qui viennent de vivre un véritable traumatisme par une élimination à domicile, encore une fois, 50 ans après, en demi-finale. Un Vincent Aboubakar qui n'a pas pesé du tout dans cette demi-finale. La frustration était peut-être individuelle, mais dans ce cas-là, il ne faut jamais qu'elle rejaillisse sur le collectif, surtout quand on est capitaine», affirmait-il au micro de Canal + Afrique. Une brèche pour les Verts ? Une telle polémique qui s'ajoute à l'immense déception du peuple camerounais va encore soulever des remous au sein de l'équipe. Une brèche qui devrait profiter au prochain adversaire des Lions Indomptables, l'Algérie de Belmadi en particulier ? Peu évident et tout simplement à écarter comme hypothèse. Durant les cinquante jours à venir, la pression générée par l'échec retombera. Les joueurs d'Antonio Conceiçao auront retrouvé d'autres sensations et d'autres motivations. Si la déception sera là, l'objectif d'une qualification à la Coupe du monde du Qatar a cette vertu de motiver les plus insensibles. Le Cameroun qui détient le record africain des qualifications à une phase finale du Mondial (7) ne dira pas non à une 8e présence au Qatar. Sur un plan individuel, de nombreux joueurs sinon tous aborderont cette échéance face à l'Algérie avec une détermination sans nulle autre pareille. Non seulement, ils se feront pardonner l'échec à cette Coupe d'Afrique du Cameroun mais ils verront leur CV grandement boosté avec tout ce que cela génère comme bénéfice sur la carrière d'un footballeur. Et puis, n'oublions pas que les capés de Djamel Belmadi, sortis d'une façon peu glorieuse de ce tournoi camerounais, auront vécu les mêmes stigmates, eux à qui beaucoup d'observateurs accordaient les faveurs des pronostics pour conserver le sacre de 2019. Ce sont, par conséquent, deux bêtes blessées qui vont se croiser en mars prochain. C'est celle qui aura le mieux maîtrisé ses doutes et ses peurs qui en sortira grandie à l'issue de la double confrontation. Ce sera, comme on dit, un match qui commence toujours par un 0-0, et qui offre, avant son début, 50% pour chaque équipe. Le Cameroun a cet avantage psychologique d'être une bête noire des sélections algériennes et l'Algérie dispose de cette chance de jouer la manche «retour» chez elle. Alors, balle au centre... M. B.