C'était hier dans une grande surface de la capitale. Sur le ton de la curiosité ordinaire plus que celui du mécontentement, une dame demande à un employé du magasin pourquoi les prix ne figurent plus sur les produits dans les rayons. La réponse du jeune homme, manifestement sincère, est édifiante : «Les prix changent tous les jours depuis quelque temps, Madame. Si on s'amusait à adapter nos étiquettes, on ne ferait que ça» ! Sincère mais pas tout à fait exact, parce qu'en disant que les prix ne sont jamais les mêmes du jour au lendemain, le vendeur n'a pas précisé dans quel sens. Sans doute qu'il n'a pas jugé utile de le faire, puisque ça relevait de... l'évidence. C'était déjà assez rare, une façon polie de dire exclu, que le prix d'un produit baisse en temps «normal», quand il arrive au... marché d'en décider dans notre beau et vaste pays. On imagine alors les choses depuis que la folie des augmentations a pris ses quartiers dans nos commerces, sans le moindre signe que ça s'arrêterait un jour, sur un pan du territoire ou pour un produit particulier. Il faut dire aussi que ce genre de «nuance», on n'en a pas vraiment l'habitude. Chez nous, quand ça augmente, c'est pour longtemps, partout et parfois pour tout. Tout ce qui peut rendre la vie du citoyen encore plus pénible fait boule de neige, jamais le contraire ! Mais si ça peut soulager quelqu'un, il n'y a pas de...contraire, puisque ça ne fait que flamber. Les mécanismes de l'offre et de la demande, la concurrence, la liberté des prix et l'état de la consommation n'y peuvent rien. Les prix se décident ailleurs sur les «produits de consommation courante». Autant dire sur l'essentiel. Il restera la «différence» sur les... variétés d'orange, la provenance géographique de la pomme de terre et les caprices de la météo. Autrement dit, des broutilles par lesquelles on entretient l'illusion que les critères objectifs, les exceptions de conjoncture et le jeu des fluctuations qui déterminent les coûts dans les pays «normaux» sont aussi valables en Algérie. Pour cela, il suffit de voir le prix de la tomate au premier étal du marché et de continuer votre tournée. Il sera le même dans tous les autres, jusqu'au bout, quasiment sans nuance. N'y a-t-il pas un marchand intelligent qui peut baisser de cinq dinars son fruit et compenser sa recette par la quantité ? Non, il n'a pas le... droit, une loi de l'ombre l'en empêche. En face de la grande surface évoquée plus haut, il y a une supérette où une foule faisait la queue pour le lait en sachet, alors que la marchandise n'est pas encore arrivée. Ici, on n'a pas besoin d'afficher les prix. Un jour, peut-être. S. L.