48 heures après son élimination face à l'Egypte, en demi-finale de la CAN, le Cameroun s'est refait une petite santé en s'offrant la médaille de bronze du tournoi grâce à une folle remontada lors du match de la 3e place, samedi soir, contre le Burkina Faso. Les Lions Indomptables ont relativement soigné leur mental après la gifle contre les Pharaons, jeudi. Lors d'une petite finale qui ressemblait quasiment à ce match d'ouverture du 9 janvier dernier, les Camerounais sont allés chercher dans leurs tripes une victoire qui semblait leur échapper pendant plus de 70 minutes. Menés 0-3, ils ont réalisé une remontée spectaculaire, aidés en cela par un team burkinabé complètement à la rue et un arbitre marocain des plus complaisants. Mais au-delà d'un succès qui a remis de l'ordre dans les esprits de ceux qui défendent les couleurs camerounaises, des signes fort inquiétants ont apparu au lendemain de l'élimination des Lions Indomptables en demi-finale face à l'Egypte. Le discours re-mobilisateur du président de la Fecafoot, Samuel Eto'o, au sortir de ce match épique contre les Pharaons ne semblait pas avoir eu de l'effet sur le mental de Ngadeu et ses coéquipiers. La déclaration de Vincent Aboubakar pleine de vérité mais qui a fait mal à certains cadres de l'équipe avait déjà sonné le glas à un début de crise interne qui s'est confirmée à la veille de la rencontre de samedi soir face aux Etalons du Burkina Faso. Lors du point de presse qui a précédé ce rendez-vous ouest-africain, le sélectionneur portugais du Cameroun, Antonio Conceiçao, avait annoncé un profond turn-over au sein de l'équipe, samedi soir. Il expliquera ses choix par l'état de fatigue et de démobilisation de ses troupes. «Ce n'est pas facile de jouer 48 heures après avoir joué 120 minutes. Scientifiquement c'est prouvé que les joueurs n'auront pas récupéré totalement. C'est difficile qu'un joueur récupère à 100%. On a pris une gifle, car on n'a pas atteint nos objectifs. Emotionnellement, les joueurs étaient très abattus. On va essayer de travailler leur motivation. On va aussi essayer de rafraîchir l'équipe. Je ne vais pas vous le cacher car c'est impossible d'aligner les mêmes après 120 minutes, 48 heures après», a-t-il fait savoir. Un message qui n'est pas passé chez les médias camerounais qui semblaient l'attendre au tournant pour les dézinguer. A l'annonce du 11 de départ, ce sont 9 changements que l'entraîneur des Lions Indomptables apportera sur sa composante habituelle. Point de Ngamaleu, ni de Ngadeu, Aboubakar et encore Fai et Ekambi. Mais, ce n'est pas tant ses absences qui intrigueront ceux qui étaient au stade Ahmadou-Ahidjo, samedi. Inscrit sur la feuille de match, le Munichois Maxim Choupo-Moting a refusé de jouer. Il a même rejoint les tribunes pour signifier son refus de cautionner les décisions de son coach de la sélection. La tuile Choupo-Moting Le match terminé, la remontada réalisée, l'attaquant du Bayern Munich se présentera devant les médias pour expliquer sa décision de boycotter la rencontre. «J'ai dit au coach que je ne pouvais pas jouer ce match parce que je ne me sentais pas bien psychologiquement, à cause de tout ce qui s'est passé. Je suis venu aider l'équipe à gagner la CAN. Le coach m'a montré qu'il ne compte pas à 100% sur moi. On a joué 120 minutes en demi-finale, et il ne m'a même pas fait entrer. Pour moi, c'est un manque de respect. J'étais obligé de dire la vérité au coach. Je suis très déçu et très frustré. Je ne pouvais pas jouer ce soir, mais j'étais à 100% avec l'équipe», dira-t-il devant des journalistes amusés et qui n'attendaient que ce moment pour lancer leurs flammes sur le technicien portugais, accusé d'être le premier responsable de l'échec durant cette compétition. En présence de son père et non moins manager, l'ancien parisien se montrera dur envers Antonio Conceiçao avec qui il ne travaillera plus. «Je suis triste et déçu pour ce qui s'est passé. Je respecte toujours les choix du coach, mais il faut aussi respecter les joueurs. J'aime mon pays le Cameroun. J'adore représenter les couleurs du Cameroun. Mais j'ai dit au coach qu'avec lui, ce n'est plus possible pour moi», affirmait celui qui n'a disputé que 160 minutes en sept rencontres de cette Coupe d'Afrique des nations où il n'a été inscrit dans le 11 de départ qu'à deux reprises, restant en deux occasions sur le banc sans faire son apparition sur le terrain (Gambie en quart e de finale et Egypte en demi-finale). Mauvaise humeur ou crise collective ? Pour une fois que le problème de la sélection camerounaise n'est pas lié aux primes à encaisser, même s'il est certain que ce «détail» était le fond de toutes les discussions que les joueurs ont eues avec le nouveau président de la Fecafoot et les responsables du ministère des Sports, la question de l'engagement des joueurs de la sélection camerounaise était mise à l'épreuve à l'occasion de ce tournoi que le pays organisait pour la deuxième fois après cinquante ans (1972). Les propos des principaux acteurs de l'équipe, entraîneurs, joueurs et dirigeants, portaient certes sur l'attachement aux couleurs du pays pour réaliser l'objectif, celui d'une sixième consécration africaine, mais sur ce qui vient de se passer, de nombreux points obscurs sont apparus pour démontrer que les bons résultats étaient cet arbre qui cachait la forêt. Comme pour l'équipe algérienne que certains ont vite fait de dévaloriser malgré plus de trois années d'invincibilité et des victoires qui ont redonné le sourire aux Algériens, le Cameroun a vite enterré le «rêve» de revoir leurs Lions redevenir Indomptables comme durant les heures de gloire de Milla, Abéga, Jonkep, Eto'o et autre Foe. Quand le buteur de la CAN dit accuser certains de ses camarades d'excès d'individualisme, cela signifie que le groupe vivait mal une situation où Aboubakar et Ekambi se livraient un duel de chasseurs de buts sans se soucier du reste. D'ailleurs, le premier à avoir réagi aux propos de Vincent Aboubakar fut l'attaquant lyonnais qui répliquait qu'«il (Aboubakar, ndlr) pense ce qu'il veut, il dit ce qu'il veut». Mais, attention. Ce genre de comportements ne présage de rien. S'il est vrai que l'entraîneur portugais n'est pas et ne sera pas épargné par les critiques, même s'il est inimaginable de s'attendre à ce qu'il soit éjecté de son poste d'ici le mois de mars, il n'en demeure pas moins que le groupe, Choupo-Moting mis à part, est encore attaché à réaliser l'autre objectif de cette année 2022 qui consiste à permettre au Cameroun de se qualifier une 8e fois à la phase finale d'une Coupe du monde. Il n'y a qu'à voir la réaction des joueurs à la fin du match du classement face aux Burkinabés. Des Lions Indomptables qui ont retrouvé leur appétit et un sourire grand comme ça. M. B.