Par Arab Aknine, �tudiant en sciences exactes au Centre universitaire de Tizi-Ouzou en 1980 Notre pr�c�dente mise au point cosign�e par Ramdane Achab, Hend Sadi et moi-m�me parue dans Le Soir d�Alg�rie du 03/10/2010 a suscit� les r�actions, �galement parues dans Le Soir d�Alg�rie, de deux autres acteurs du Printemps berb�re : d�abord Ramdane Hakem (06/10/2010), ensuite G�rard Lamari (11/10/2010). Le point de d�part de la controverse est le t�moignage de Tari Aziz dans lequel ce dernier met en cause Hend Sadi qu�il pr�sente comme absent volontaire de la r�union du comit� anti-r�pression dans la nuit du 19 au 20 avril 1980, c�est-�-dire la nuit de l�assaut donn� par les forces de r�pression aux campus universitaires de Tizi-Ouzou en gr�ve et occup�s. Cette attaque des campus et des autres sites occup�s a provoqu� l�embrasement g�n�ral de la Kabylie pendant plusieurs jours. Notre texte se voulait � la fois un correctif � une affirmation infond�e impliquant gravement un militant et puis aussi un �clairage autour des faits et des acteurs impliqu�s. Pour un lecteur non averti, notre contribution peut para�tre tout au plus comme une controverse autour d�une pr�sence � une r�union. La teneur des r�ponses qu�elle a suscit�es prouve qu�elle a bien mis le doigt sur de vraies questions. L�analyse des contenus de deux r�ponses fait ressortir des contradictions qui m�ritent d��tre examin�es soigneusement pour faciliter la compr�hension des soubassements et des enjeux qui les entourent. 1- De l�article de Tari Aziz Dans son article, Tari Aziz a tent� un travail de reconstruction de m�moire autour des faits qui se sont d�roul�s trente ans plus t�t. En soi, c�est un travail d�histoire et le d�bat sur ce sujet est � l�ordre du jour dans notre pays. Nous connaissons tous l�ampleur des d�g�ts caus�s par les manipulations de l�histoire d�Alg�rie, prise en otage et transform�e en source de l�gitimation du pouvoir de l�arbitraire. M�me avertie, notre g�n�ration doit rester vigilante pour ne pas sombrer dans les erreurs du pass�. Il faut donc s�armer de toute l�honn�tet� et l�objectivit� requises � l�exercice de reconstruction de la m�moire. Mais bien de la reconstruction de la m�moire. Apr�s avoir affirm� de fa�on cat�gorique l�absence inattendue et bizarre de Hend Sadi � la r�union qui s�est d�roul�e dans la nuit du 19 au 20 avril 1980, l�article de Tari Aziz pousse plus loin dans la subtilit� en usant d�un style interrogatif sur la pr�sence de Hend Sadi � Paris alors qu�il le croyait arr�t� par la police comme tous ses autres camarades. Il est �vident que ce sont l� les relents de techniques affin�es de manipulation pour cultiver le doute et la suspicion. Cette mise en sc�ne m�rite bien d��tre cern�e et d�voil�e au grand jour. Pour ma part, j�ai quitt� la r�union vers 22 heures en compagnie de mon ami Tigrine Rachid, �tudiant en sciences physiques, laissant derri�re nous Hend Sadi et les autres continuer la r�union. Le sc�nario d�Aziz Tari rel�ve de l�affabulation qu�il a b�tie sur une affirmation et la base de son affirmation est un mensonge pur. Pourquoi Tari Aziz ne s�est-il pas entour� d�un minimum de pr�cautions, de v�rifications pr�alables des faits qu�il relate trente ans plus tard ? N�a-t-il pas �t� averti par Arezki A�t Larbi, coordinateur de l�ouvrage, qui conna�t pourtant assez bien les labyrinthes et les m�andres du mouvement ? Les r�ponses � ces questions nous aideraient, � coup s�r, � bien cerner l��nigme. Sur ce point, je ne reviens pas sur la r�ponse d�taill�e que nous avons apport�e � l�article de Tari Aziz. 2- De la r�ponse de Ramdane Hakem La premi�re r�action � notre d�claration est venue de Ramdane Hakem sur un site Internet qui avait mis en ligne notre d�claration. Par la suite, il peaufine sa r�plique qui sera publi�e dans Le Soir d�Alg�rie du 06 octobre 2010. D�entr�e, il dit que son propos ne vise pas � d�fendre Aziz Tari mais vient plut�t pour d�jouer une man�uvre. Il s�oublie vite et s�en prend aux fr�res Sadi, alors que seul Hend Sadi est signataire de la d�claration. Il r�cuse pourtant le contenu de l�article de Tari Aziz sur un point-cl� et affirme que Hend Sadi �tait bel et bien � la r�union du 19 avril 1980. Il pousse davantage dans la pr�cision et le d�tail � Hend Sadi �tait le seul �l�ment du FFS � voter pour la continuit� du mouvement, ajoute-t-il. Soulignons d�embl�e le recours � la premi�re personne du pluriel : nous. Il en use pour se poser de fait en p�le du mouvement d�Avril 1980 sans apporter davantage de pr�cisions sur la nature et les fondements de ce p�le et laisser ensuite libre cours � sa diatribe contre les fr�res Sadi et le FFS qu�il pr�sente partag� sur la conduite � tenir dans le mouvement. Cette lecture des �v�nements, d�j� pr�sente dans l�article de Tari Aziz, est reprise ensuite � la fois dans la r�ponse venue de Ramdane Hakem et celle de G�rard Lamari. Cette similitude d�analyses est int�ressante, car elle vient de personnes qui, � l��poque, avaient fait de l�attaque aux opposants du r�gime, le FFS, le PRS et le FUAA � mais jamais du PAGS �, une ligne de conduite permanente et r�currente. Examinons le floril�ge des d�clarations de Ramdane Hakem : �Je confirme �galement que ce fut l�un des rares (le seul ?) �l�ment du FFS qui �tait en accord avec nous pour ne pas mettre fin au mouvement de gr�ve avec occupation cette nuit-l�. [Il s�agit bien s�r de Hend Sadi]. De fait, � cette r�union de coordination qui dura toute la nuit, des militants FFS (faut-il citer des noms ?) �taient venus nous demander de tout arr�ter, sans qu�aucune de nos revendications ne soit accept�e. Toutes nos souffrances pour rien ! Nous �tions habitu�s � ces positions allant de �c�est l��tincelle qui va donner le feu � toute la prairie� � �nous ne pouvons rien. Ils sont trop forts !�. �Pour l�histoire, c�est Sidi-Sa�d, l�actuel et indigne SG de l�UGTA, qui avait �t� charg� d�informer les dirigeants FFS de l�universit� que l�attaque allait avoir lieu.� Ramdane Hakem est cens� s�exprimer ici sur le 19 avril 1980. Revenons en arri�re de trois jours seulement, c'est-�-dire le 16 avril 1980. Une gr�ve g�n�rale sans pr�c�dent avait paralys� l�ensemble de la Kabylie touchant tous les secteurs d�activit�, administration comprise. Mieux que quiconque Ramdane Hakem sait, pour l�avoir d�nonc� en son temps, qui a �t� � l�origine de cette gr�ve. Revenons encore en arri�re de neuf jours, c'est-�-dire au 7 avril 1980. Une manifestation publique sur la place d�Alger a �t� r�prim�e par la police. L� encore, Ramdane Hakem sait tout autant que le commun des mortels qui est derri�re cette manifestation. Que Ramdane Hakem nous explique bien comment, alors qu�il �tait engag� dans une logique d�actions allant crescendo, le FFS pouvait lui proposer d�arr�ter le mouvement ? Il entoure soigneusement de parenth�ses : (faut-il citer des noms ?) Allez-y monsieur Hakem, dites qui des militants du FFS � donnez leurs noms � sont venus vous proposer l�arr�t du mouvement, puisque vous vous �tes investi de l�autorit� de d�miurge dans le mouvement d�Avril 1980. Je pense qu�en 1980 � l�universit�, personne n�avait entendu parler de Madjid Sidi-Sa�d. Je garde un seul souvenir de lui que je situe aux alentours du 27-28 mai 1980 pendant que nous �tions en contact direct dans les ateliers avec les travailleurs de l�unit� de confection de la Sonitex de la route du Lyc�e Polyvalent. D�o� tenez-vous que Madjid Sidi-Sa�d a �inform� les dirigeants FFS de l�universit� que l�attaque allait avoir lieu� ? Et qui a-t-il donc inform� ? Donnez des noms, M. Hakem ! Il est vrai que vous n��tes pas � une manipulation pr�s, M. Hakem ! Nous �tions Djaffar Ouahioune, Rachid Tigrine, deux �tudiantes dont j�ai oubli� les noms, et moi-m�me en train de collecter des signatures pour la p�tition demandant la lib�ration des 24 d�tenus et de ramasser des fonds de solidarit�. Faut-il rappeler � l�intention de Monsieur Hakem la r�probation qu�il provoqua chez nous lorsqu�il nous a propos� de dissocier les �tudiants des non-�tudiants parmi les 24 d�tenus. La m�me proposition a �t� colport�e par les milieux pagsites � Alger. Le SNESup de l��poque, sous influence du PAGS, s�est m�me essay� sournoisement � cette man�uvre qu�il a tr�s vite d� abandonner. M. Hakem use de techniques bien connues de la diversion et du subterfuge, il corrige un mensonge mais en fabrique aussit�t un autre. S�il admet la pr�sence de Hend Sadi � la r�union du 19 avril, c�est pour avancer que Sa�d Sadi n�a pas �t� arr�t� le 20 avril mais bien apr�s : �Qui a fait en sorte que Sa�d Sadi ne soit arr�t� que plusieurs jours apr�s ?� Et d�ajouter : �A-t-il subi le m�me traitement que les autres militants (notamment du FFS) ? Pourquoi ?� Pourtant, a priori, rien n�autorise M. Hakem � se livrer � de telles divagations. Mais pour bien clarifier les choses, rappelons que Sa�d Sadi a �t� arr�t� au matin du 20 avril par les services de la s�curit� militaire dans une salle de soins de l�h�pital de Tizi-Ouzou au m�me moment que la majorit� de ses camarades et confr�res. Il a �t� conduit au secteur militaire de Tizi-Ouzou et battu en public sous les regards des habitants de la cit� mitoyenne du secteur militaire. L�information de son arrestation s�est r�pandue rapidement en d�but de matin�e parmi toute la population de la ville. L��thique des Droits de l�homme, inscrits, je sais, au registre des soucis mineurs de Hakem et ses amis, ne semble nullement le g�ner dans la d�mesure : aucun militant du FFS ou d�un autre parti n�a fait objet de torture � la baignoire en 1980. Que peuvent bien alors cacher ces fabulations � profusion ? Qu�il soit bien entendu, M. Hakem, je ne vous reproche pas votre appartenance politique. Je salue tous les citoyens qui, comme nous, avaient assum� le risque que nous avions encouru. C��tait l� tout le sens et la signification de notre combat de jeunes militants. D�fier publiquement et ouvertement le syst�me de la terreur pour arracher nos compatriotes et toute la soci�t� � la peur et � la passivit�. Par notre acte d�Avril 1980, nous venions de d�sarmer la dictature et de rendre espoir � toute la soci�t�. Pluralisme, langues populaires, libert�, identit� et plus tard Droits de l�homme �taient les ma�tres-mots et leitmotivs de notre dynamique. Nous venions par l� d�offrir � la soci�t� tout enti�re des th�matiques nouvelles de combat qui seront vite adopt�es et reprises en ch�ur. Autant de th�mes qui repr�sentent le parent pauvre dans le parcours de Ramdane Hakem. Il refuse de l�admettre �videmment. La loyaut� individuelle repr�sente le premier B.A.- BA de la modernit� politique. C�est pour �a que je vous tiens rigueur de vous �tre livr� � des d�nonciations de militants de l�opposition politique ; besogne qui, dans un r�gime de dictature, incombe � la police politique et � ses succursales (organisations de masse�). Au-del� de la r�ponse publi�e dans Le Soir d�Alg�rie, examinons les sarcasmes de Ramdane Hakem sur son blog : �Alors que vous d�barquiez de Paris [�videmment il s�adresse � mes a�n�s], vous nous apportiez plus d�ouverture sur le monde et nous vous donnions plus d�ancrage dans les luttes ; [�]Mobiliser autour des revendications irr�alistes c�est conduire les gens � l�abattoir ; [�] et quand des individus ou groupes �ext�rieurs� viennent parasiter son action (par des tracts, des interventions irresponsables en AG�), il [le mouvement de masse] ne peut l�accepter. Si ces individus ne comprennent pas l�exigence �l�mentaire d�autonomie des collectifs en lutte, il convient de les d�noncer publiquement pour les neutraliser. Le sens et l�avenir du mouvement ne peuvent �tre laiss�s � la merci des forces ext�rieures, sinon c�est la catastrophe assur�e.� Ces passages repr�sentent des extraits d�un long d�veloppement rh�torique stalinien de manipulation des mouvements de masse. Et le mouvement de masse ici n�est autre que le mouvement d�Avril 1980. Je ne vois vraiment pas de quel ancrage pouvait se pr�valoir Ramdane Hakem pour l�offrir au mouvement d�Avril 1980. L�Acad�mie berb�re a fait l�essentiel de la sensibilisation dans les milieux ouvriers � et j�insiste bien dans les milieux ouvriers � �migr�s durant une bonne d�cennie. Les professeurs Mouloud Mammeri � l�universit� d�Alger et M�Barek Redjala � Paris ont cr�� � leur tour des foyers qui ont rayonn� dans les milieux estudiantins et universitaires. Les archives et documents existent au besoin. C�est par ses propres capacit�s que le mouvement d�Avril 1980 a assur� son ancrage. Je rappelle certaines �vidences � Ramdane Hakem sur les milieux syndicaux des deux bastions industriels de Tizi-Ouzou des ann�es 1980 qui ont relay� et �tendu notre mouvement (Sonitex Dra� Ben- Khedda et la Sonelec). La pl�iade de ces syndicalistes �tait en majorit� proche de nous et seulement deux pouvaient �tre apparent�s au PAGS � Dra� Ben-Khedda. Je sais que cette v�rit� est am�re pour lui, mais il en �tait ainsi. Ramdane Hakem excelle dans l�art de dire une chose et son contraire en m�me temps. D�noncer les militants politiques opposants au r�gime ne peut �tre compatible avec les id�aux du mouvement d�Avril 1980. Vous ne pouvez pas vous r�clamer du sacerdoce de la d�mocratie et �tre en rupture avec ses principes de base. En m�me temps que vous �tes libre et souverain dans le choix du cadre qui r�pond le mieux � vos ambitions, vous �tes �galement libre de revenir sur des choix qui ne vous conviennent pas. Mais il convient de le faire dans la clart�. �Mobiliser autour des revendications irr�alistes c�est conduire les gens � l�abattoir.� Ce ne sont ni le FFS ni les fr�res Sadi qui vous font dire ceci ; c�est en ligne sur votre blog. M�me dans les annales de propagande r�volutionnaire les plus acerbes, on ne retrouvera pas de telles affirmations. Bien entendu, le surfeur sur les vagues finit toujours par perdre son �quilibre. La revendication du droit de cit� des langues populaires du mouvement d�Avril 1980 est irr�aliste et les militants qui s�en revendiquaient �taient les bouchers de l�abattoir. M�me les militants ba�th/FLN n�ont jamais trouv� cette dose de courage qu�il faut pour franchir cette ligne. Le chapitre des d�lires de Ramdane Hakem peut se d�rouler � l�infini. A l�en croire aujourd�hui, c�est lui qui a r�gent� le mouvement pour la culture berb�re il y a trente ans. Mais en avril 1980, la r�alit� �tait qu�il consacrait l�essentiel de son temps � propager rumeurs et d�nigrements sur l�intellectuel bourgeois qu��tait Mouloud Mammeri, le chanteur bourgeois qu��tait Idir et le po�te bourgeois qu��tait Ben Mohamed. Alors que peu de temps apr�s, en 1982, il encadrait de jeunes �tudiants innocents et na�fs, pour faire une exposition de photos, au hall de la facult� des lettres arabes de l�universit� de Tizi-Ouzou, sur� les grandes r�alisations des dirigeants communistes d�Afghanistan. Pour terminer avec Hakem, je lui demande ceci : plut�t que de sp�culer sur d�hypoth�tiques faveurs dont auraient b�n�fici� telle ou telle personne, que Hakem nous explique donc comment, lui, qui se pr�sente comme le p�le du mouvement, ne soit m�me pas interpell� lors de l�assaut du 20 avril 1980? Pourtant, l�agent Khellaf �tait bien l� pour reconna�tre et d�signer les t�tes � arr�ter. Par ailleurs, je rappelle que, du 22 avril au 15 mai 1980, nous nous sommes retrouv�s repli�s � Alger � la Facult� centrale avec quelques �tudiants de Tizi-Ouzou dont Ouahioune Djaffer. Je garde le souvenir de ces �tudiants d�Alger mobilis�s autour de la collecte d�informations sur les arrestations, l��tat des d�tenus, etc. (Hamouda Abderezak, Mustapha Benkhemou, Ghania Moufok, une �tudiante du nom de Yasmina). O� �tait Monsieur Hakem, entre le 20 avril 1980, jour de l�assaut, et le 17 mai 1980, jour de la r�ouverture de l�universit� de Tizi-Ouzou o� il a r�apparu subitement ? 3- De la r�ponse de G�rard Lamari En toute sinc�rit�, apr�s lecture et relecture de la d�claration de G�rard Lamari, rien d�important n�a retenu mon attention qui m�riterait vraiment d��tre analys� et comment�. Rien, sinon l�aigreur qui se d�gage de chaque ligne. On a un r�cit reconstitu� trente ans apr�s par un acteur qui, pendant longtemps, a cumul� de l�air vici� dans sa caverne. Une histoire rapport�e � sa propre mesure. Quand tu vois, mon cher G�rard, dans notre mise au point une d�claration d�insultes � l�endroit de Tari Aziz, comment qualifierais-tu alors ta propre r�ponse ? Notre intervention n�est rien d�autre qu�une mise au point relevant du d�bat contradictoire, vertu cardinale de la d�mocratie et son corollaire le libre d�bat. Je passe sur tes �initiatives hautes ou basses� et sur bien d�autres points o� la v�rit� est malmen�e. D�s que tu sors de tes affirmations que tu �nonces avec v�h�mence pour leur donner du cr�dit, la r�alit� te rattrape. Tu te r�f�res � Rachid Chaker, enseignant � l�institut des sciences �conomiques de l�universit� de Tizi-Ouzou, au travail qu�il a fait, en particulier � son journal chronologique des �v�nements d�avril 1980. Tu as la m�moire courte, tr�s courte, mon cher G�rard. Car Rachid Chaker que tu salues, toi, est le m�me homme que ton ami Tari Aziz, que tu d�fends t�te baiss�e, qualifie de tra�tre dans son t�moignage. Rachid Chaker, en effet, �tait tr�s pr�cis�ment dans le groupe de militants du PRS qui se seraient livr�s � une �trahison � en cette fameuse nuit du 19 avril 1980 aux dires de ton ami Tari� Comment peux-tu concilier vos deux points de vue ? Mais pour te rafra�chir la m�moire et te mettre face aux �v�nements tels qu�ils se sont d�roul�s et non pas tels que tu les reconstitues dans ton film, je te renvoie au m�me Rachid Chaker. Voici ce qu�il �crit dans son journal : - Jeudi 20 mars 1980 [�] �A Tizi-Ouzou, les �tudiants tiennent une AG assez houleuse, au cours de laquelle certains d�noncent les manipulations des partis politiques d�opposition, FFS, FUAA et PRS ; certains y ajoutent le PAGS (qui effectivement manipulerait au moins un ou deux des �meneurs� estudiantins). - Mercredi 26 mars 1980 [�] Une seconde manifestation � Tizi-Ouzou [�] outre les banderoles habituelles les �tudiants influenc�s par les �pagsistes� introduisent des banderoles du genre �oui � la charte nationale et au socialisme �. Si je te disais que notre r�action aurait �t� identique si, � la place de Hend Sadi, c��tait toi ou l�un de tes amis qui s��tait trouv� mis en cause dans l�article de Aziz Tari, je sais que tu ne croirais pas � la sinc�rit� de mon propos. Rappelle-toi d�octobre 1981, nous (vous et nous en m�me temps) �tions en plein dans le naufrage de la r�pression et de la clandestinit�. Une nuit, nous nous sommes retrouv�s par pur hasard. Bien que cela ne f�t pas une partie de vill�giature pour nous (Djaffer, Hend et moi), nous nous sommes d�brouill�s pour que vous parveniez � la vall�e de la Soummam, en toute s�curit� et� avec escorte et �claireur. Sans doute as-tu oubli� cet �pisode, je mets cela sur le compte de la d�faillance de ta m�moire pour te sauver de l�ingratitude. Pour moi et mes amis, ce n��tait qu�un devoir militant. L� se situe justement la ligne de d�marcation entre votre groupe et nous. Car en 1985, lorsque la r�pression s��tait abattue sur notre groupe, tes amis, en tout cas ceux que tu revendiques comme tels et qui te le rendent bien, n�ont rien fait pour se monter solidaires des fondateurs de la premi�re ligue des droits de l�Homme, ou plut�t si, ils ont tout fait pour bloquer l�expression de toute solidarit� ! Tu crois utile de revenir dans ta d�claration � la revue Tafsut qui t�a �tonn� par la publication de votre d�claration de gr�ve de la faim � la prison de B�ja�a. La revue Tafsut a couvert pleinement cette p�riode de r�pression sur deux de ses num�ros (le n�3 et le n�4). J�ajouterai, au risque de t��tonner encore davantage, que toutes les informations ont �t� recueillies par Hend et moim�me gr�ce au concours d�un militant de la vall�e de la Soummam, plombier de formation, du nom de Mokrane Baziz. Son aide pr�cieuse nous a permis de b�n�ficier de la complicit� directe de gardiens de la prison de B�ja�a. Gr�ce � toutes ces informations et � ces deux num�ros de la revue Tafsut, j�ai entretenu une correspondance avec Amnesty International (et j�ai encore en ma possession l��crit d�Ana�k Merdrignac). Pourtant, j��tais bien seul alors que Hend �tait dans la clandestinit� � 600 km de Tizi-Ouzou et Ramdane au service national. Je me souviens avoir inform� Sa�d Sadi qui se pr�parait � se rendre en France qui a pu d�ailleurs rencontrer la responsable d�Amnesty International. C�est gr�ce � ce travail qu�Amnesty avait lanc� une campagne d�information et saisi les autorit�s alg�riennes pour votre lib�ration. En cette circonstance, seul l�imp�ratif militant nous avait guid�s, moi et mes amis, dans nos actes. Trente ans apr�s, nous ne r�clamons aucun m�rite et ne cherchons � tirer aucune l�gitimit� de cette action. Je suis d�sol� et m�me pein�, mon cher Lamari, que tu m�aies contraint � faire �talage de tout ceci. Ceux qui me connaissent savent que le narcissisme, la m�galomanie n�ont jamais �t� ma tasse de th�. Enfin, par-del� les proc�s d�intention et les contrev�rit�s que vous avez �nonc�s et qui sont d�mentis par les faits, je constate que vos propos ont, sur plusieurs questions, confirm� notre mise au point contre laquelle vous vous �tes insurg�s l�un et l�autre. Cette gesticulation n�est-elle qu�un brouillard visant � masquer des desseins inavou�s ? L�avenir nous le dira.