�Elle ne sait plus si elle �crit � t�tons / Ou si les mots se jettent � sa face / Elle ne sait plus avec quel b�ton fouiller / Quel espace / Elle �crit en aveugle / Et la peur l�accompagne � ( Blessures au vent, P. 133). La po�tesse et romanci�re marocaine Rachida Madani r�sume dans ces vers son engagement dans l�acte d��crire. Et c�est cette r�volte, cette rage qui vient des tripes, cette soif d�amour et de libert� qui font qu�elle fait partie de la race des vrais po�tes. Son �criture est d�une force telle que son cri de douleur, de d�sespoir et de r�bellion traverse le temps au point de donner au temps lui-m�me sa propre teneur. �J�ai mal jusqu�� mon ombre projet�e sur l�autre trottoir�, dit-elle dans sa complainte de la douleur. On l�aura compris, �quand Shahrazade prend la parole� (Shahrazade c�est moi, nous a-t-elle presque chuchot�), c�est ce d�sir absolu de libert� qu�elle revendique. Pr�sente � la rencontre euromaghr�bine des �crivaines qui s�est tenue � Alger les 18 et 19 octobre derniers, elle nous a surpris par sa grande discr�tion, sa modestie, comme si elle voulait s�excuser presque d��tre l�. �Je pr�f�re que les gens viennent � moi�, nous dit-elle pour expliquer ce trait de caract�re. Qu�on ne s�y trompe pas : cette femme qui para�t comme une mer tranquille a ce regard profond qui cache le feu sous la cendre. Elle s�anime aussit�t quand elle �voque l�acte d��crire. �Moi, rappelle Rachida Madani, je r�pugne � parler de ma vie. Je pr�f�re coller au maximum � la r�alit� du v�cu, poussant mon engagement de sinc�rit� le plus loin possible.� Elle est alors ce �po�te des mauvais jours�, comme elle dit si bien � propos d�elle-m�me, et qui aime aller aude-l� de la douleur, du d�sespoir, de la mort, de l�oubli, du d�part et de toutes ces �blessures au vent�. Car tout cela ne saurait vaincre la puissance de l�amour et la soif de libert�. C�est de cette th�matique puis�e de ses tripes et de la rage de vivre que Rachida Madani nourrit sa plume, pour offrir au lecteur �un soleil � port�e de main� ; ou encore (pour reprendre Albert Camus dans Noces ) �cette joie �trange qui descend du ciel vers la mer�. Rachida Madani est �galement romanci�re, auteure de l�unique roman L�histoire peut attendre. Un genre litt�raire qui, l� aussi, exige de l��crivain beaucoup de sinc�rit�. Et ici, �la sinc�rit� c�est montrer les fils blancs avec lesquels on va coudre l�histoire�. Dans cet univers de fiction o� l�imagination d�borde, le lecteur va prendre avec la narratrice un train et une histoire en marche. Ce qui implique un r�cit vacillant, comme adapt� � l�allure d�un train, et soumis au souffle du doute et de l�espoir. Il s�op�re alors un glissement de l��crit autobiographique vers l�auto-fiction (et vice-versa), le r�cit se transformant en multiples versions de la m�me histoire. Dans L�histoire peut attendre, la narration est lib�r�e gr�ce � cette �criture fragmentaire, qui ressemble, nous dit son auteure, � �la technique de fil de fer utilis�e dans la dessin�. Car pour Rachida Madani, �l��crivain, finalement, n�est qu�un d�clencheur du sens�. Elle consid�re qu�il ne faut surtout pas �emprisonner le lecteur dans une v�rit� unique et qui est la n�tre� (celle de l'�crivain). Il s�agit donc bien d�un atelier d��criture, d�une litt�rature en train de se faire. Qu�te de l��crivain, de soi-m�me... Rachida Madani a voulu, en signant ce roman, explorer un peu plus l�espace et le temps. Ce qu�on peut dire, c�est qu�elle est all�e loin dans cette qu�te de libert� nouvelle. Rachida Madani est n�e en 1951 � Tanger. Elle est licenci�e en litt�rature fran�aise et enseigne dans le secondaire. Femme je suis, son premier recueil de po�sie, a �t� publi� en France en 1981 (�ditions Barbares). Vingt ans plus tard, en 2001, elle publie au Maroc (�ditions Forkane) son deuxi�me recueil Contes d�une t�te tranch�e, �crit entre 1981 et 1984. Son premier roman L�histoire peut attendre a �t� publi� en 2006, en France, (�ditions La diff�rence). La m�me ann�e, chez le m�me �diteur, Rachida Madani a publi� ses deux pr�c�dents recueils de po�sie sous le titre Blessures au vent.