Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Est-ce le grand incendie avant le chaos ? Nous n�en savons strictement rien, sauf � conjecturer sur la suite des �v�nements comme le feraient des Cassandre dont la vocation mythique �tait de pr�dire les p�rils. Car si, jusque-l�, les �meutes des hameaux lointains ne semblaient �mouvoir ni d�ranger le pouvoir, le voil�, par contre, surpris par l�embrasement d�Alger, Oran et Constantine. Une col�re quasi-simultan�e qu�on a vite fait de mettre sur le compte d�une simple contestation de couffin ! En fait, la th�se semble trop courte m�me si le mot d�ordre �tait le m�me d�El-Hamri � Bab-El- Oued et en passant par Ziadia. La rapidit� avec laquelle la rue alg�rienne est en train de devenir un th��tre global d�affrontements peut-elle s�expliquer uniquement par une �pisodique conjoncture du march� mettant � mal le pouvoir d�achat des m�nages ? Plut�t que d�en faire la raison cardinale des troubles, ne faut-il pas le d�signer comme un d�tonateur de circonstance charg� de toutes les rancunes que gardent, � l�encontre des dirigeants, les populations ? A travers les �meutes qui investissent cycliquement la rue, fallait-il n�y voir chaque fois qu�un d�ficit de civisme de la soci�t� parce que quelques voitures sont incendi�es ou bien des �difices publics saccag�s ? Pourquoi n�a-ton jamais insist� sur ce qui a rendu possibles et souvent in�vitables de telles d�pr�dations ? Ce que la vulgate officielle d�signe comme �vandalisme� n�est-il pas justement le miroir de la d�composition des m�urs de l�Etat ? Un pouvoir politique, dont la petite vertu est d�sormais notoire, est-il encore cr�dible lorsqu�il recourt � la stigmatisation des contestations violentes tout en continuant � maquiller ses propres abus ? La suspicion qui affecte la confiance des petites gens en cet �Etat� est aujourd�hui telle qu�elle prend parfois des allures de dissidence populaire. Une soci�t� d�faite et malheureuse engrosse en son sein la prog�niture qui la vengera des humiliations. Les jeunes et les adolescents qui viennent d�allumer des pneus et de recourir � la lapidation des forces de s�curit� n�agissent autrement qu�au nom de la mis�re de leur foyer familial, de leur marginalit� et de l�iniquit� de l�Etat. Il est quand m�me significatif que ce vent du boulet qui siffle aux oreilles du r�gime n�a pu se lever que parce que trop de scandales en haut lieu b�n�fici�rent de la cl�mence politique, alors que dans le m�me temps l�on p�rorait sur les rigueurs budg�taires comme venait de le faire r�cemment un Premier ministre faussaire. Or, comment voler au secours d�un r�gime qui est malmen� par des manifestations constatant, � ses d�pens, que les faux-semblants en politique se retournent fatalement contre celui qui en abuse ? Lui qui indiquait d�s 1999 que la corruption sera son grand chantier, le voil� rattrap� et presque complice dans les magouilles de son entourage. Lui qui se disait pr�occup� par la condition sociale des cat�gories fragiles ne se r�v�le-t-il pas comme le plus inattentif des r�gimes ? Onze ann�es de subterfuges ont fini par lasser les strates les plus patientes. Ces derni�res n�h�sitent plus � l�interpeller � haute voix. Sans doute que cette �proc�dure � populaire in�dite risque de faire tache d�huile. L�gitimit� contre l�gitimit� en quelque sorte ! Le chef de l�Etat ne peut plus ignorer la premi�re dont il pr�tend avoir sollicit�e par trois fois son �lection. Apr�s les clans, les coteries et les lobbies auxquels il a tendu l�oreille et satisfait les exigences peut-il enfin consacrer les 36 mois de son mandat � dialoguer avec les sans-voix exc�d�s de n�avoir eu de voix qu�au chapitre des urnes ? Autrement dit, parce qu�il s�est voulu sans m�diation (laminage des partis et Parlement de pacotille), il se retrouve dans un t�te-�-t�te avec l�opinion du pays qu�il a fuie jusque-l�. Seule sa parole peut encore sauver un Etat qui se l�zarde et part par petits morceaux. Son �conomie coupable dans la communication directe (pas m�me des v�ux de la nation) alimente le trouble dans le pays. Une �trange vacance � l�origine de la d�stabilisation rampante des institutions dont il est pourtant l�unique garant. C�est cette d�plorable situation qui a progressivement install� l�Alg�rie dans un cr�puscule politique inqui�tant. Pour un pr�sident longtemps d�tach� des contingences de la gouvernance, il est temps qu�il se remette � sonder les �tats d��me de ses concitoyens car l�heure est grave. Tr�s grave m�me pour une nation ayant hypoth�qu� d�j� son capital confiance, car les feux de la col�re d�Oran, Alger, Constantine, Boum�rdes, B�ja�a, Souk-Ahras, Bouira, Bordj-Bou-Ar�ridj et Blida ne sont qu�une r�p�tition g�n�rale avant l�apoth�ose du s�isme.