Nacer Djabi, sociologue, enseignant universitaire et chercheur en �conomie appliqu�e et d�veloppement au Cread, estime que les �meutes qui secouent le pays ne sont pas le fait du seul marasme socio-�conomique. Pour lui, la dimension politique est �galement � prendre en compte. Entretien r�alis� par Sofiane Ait Iflis Le Soir d�Alg�rie : L�augmentation des prix de l�huile et du sucre a provoqu� lundi des �meutes circonscrites � deux localit�s de l�Ouest-alg�rois avant de s��tendre, encore plus violentes, mercredi mais surtout jeudi au Tout-Alger et � d�autres villes du pays. Quelle lecture faites-vous de cet embrasement social particuli�rement violent ? Nacer Djabi : De tradition, les contestations sociales en Alg�rie ne sont pas violentes, et m�me s�il arrive qu�il ait violence celle-ci n�est que symbolique. Ce qui a caract�ris� la contestation sociale de ces derniers jours c�est qu�elle a pris naissance, en r�alit�, � Oran pour atteindre ensuite Alger en passant par la wilaya de Tipasa, avant de s��tendre au centre et � l�est du pays. Le mouvement de contestation n�est pas de caract�re r�gional. Son �tendue est nationale. Il diff�re donc, si la comparaison est permise, de ce qui se passe en Tunisie o� ce sont les populations du centre et du sud du pays qui se plaignent de la mauvaise r�partition des richesses. S�agissant des �meutes qui ont �clat� � la fin de la semaine �coul�e, d�aucuns auront constat� leur similitude avec les �v�nements d�Octobre 1988. Cette contestation sociale a pour cause apparente une revendication �conomique (la hausse des prix de certains produits de consommation). Mais, en v�rit�, des causes encore plus profondes sont � l�origine de cette mobilisation des jeunes des quartiers populaires. La dimension politique n�est pas en reste dans cette mobilisation. Les verrouillages politique et m�diatique qui singularisent le r�gime alg�rien mais aussi les choix �conomiques et la qualit� de la gouvernance y ont agi en causes profondes. L�essaimage de ces �meutes et leur rapide propagation font dire � certains que derri�re, il y a des mains manipulatrices. Qu�en pensez- vous ? Je ne le pense pas. Les mouvements de contestation en Alg�rie ont pour caract�ristique la faiblesse de l�organisation et d�encadrement. Ce sont donc ce qu�il convient d�appeler des contestations � l��tat brut. Ce sont des contestations anim�es par des jeunes inexp�riment�s et sans encadrement partisan ni syndical. Si on regarde ce qui se passe en Tunisie, on voit bien que les contestations b�n�ficient d�un encadrement syndical, du moins dans les r�gions du sud et du centre du pays. Les partis et certaines cat�gories professionnelles comme les avocats s�y sont aussi impliqu�s. Ce qui n�est pas le cas en Alg�rie. Nous sommes face � des jeunes des quartiers populaires sans exp�rience et sans encadrement et, donc, face � une faiblesse d�organisation. La caract�ristique de tels mouvements populaires c�est qu�ils peuvent facilement se renouveler d�eux-m�mes. S�agissant du dernier mouvement en date, il demeure encore muet. Aussi il est difficile de le d�coder politiquement. Ce mouvement de protestation social risque-t-il de faire l�objet, comme en 1988, de r�cup�ration politique, celle islamiste plus particuli�rement ? Pour le moment, aucun courant politique n�est parvenu � enfourcher ce mouvement de contestation. Beaucoup d�Alg�riens avaient craint que les courants islamistes, du moins ce qui en reste, allaient phagocyter le mouvement d�s vendredi, apr�s la pri�re. Cela ne s�est pas produit. Il semble que les citoyens ont appris la le�on et n�ont pas laiss� ces courants, affaiblis aujourd�hui, r�cup�rer leur mouvement. Il est cependant � d�plorer que les autres courants politiques ainsi que les �lites qui auraient pu encadrer le mouvement et lui donner un sens politique se soient av�r�s eux aussi incapables de le faire. Lors du soul�vement populaire d�Octobre 1988, la r�ponse du gouvernement a �t� aussi mais plus fondamentalement politique. Peut-on s�attendre � une r�ponse similaire cette fois-ci ? La r�ponse des pouvoirs publics �tait attendue pour ce d�but de semaine, le temps que les diff�rents centres de d�cision politiques se mettent d�accord sur la mani�re de se comporter avec ce mouvement. Par ailleurs, pour pouvoir anticiper sur la r�ponse officielle qui sera oppos�e � ce mouvement, il aurait fallu d�abord cerner la nature des luttes au sein du pouvoir. On ne sait pas donc si l�attitude du pouvoir restera d�fensive et s�curitaire ou alors elle �voluera vers une r�ponse politique.