Au soul�vement populaire particuli�rement violent qui a secou� nombre de wilayas du pays, le gouvernement a r�pondu par une prise de mesures �conomiques, en l�occurrence des exon�rations fiscales, parafiscales et douani�res pour les producteurs et les importateurs de l�huile et du sucre. A travers sa d�marche, le gouvernement atteste comprendre la r�volte juv�nile comme une �meute de la faim, sans plus. Or, partis politiques, acteurs sociaux, politologues et sociologues qui ont eu � s�y exprimer se sont rejoints � dire que les �meutes, d�clench�es certes par une subite augmentation des prix de l�huile et du sucre, ont aussi mais d�abord une dimension politique. Pour eux, la hausse vertigineuse des prix de certains produits de consommation de base n�a �t�, en v�rit�, que le d�tonateur, les ingr�dients pour une telle explosion sociale ayant �t� r�unis par l�effet synergique de l��touffement des libert�s et du mal-vivre social. Les �meutes, celles g�n�ralis�es de la fin de semaine pass�e comme celles d�auparavant circonscrites aux bourgades, ont mis en fait � nu un s�rieux probl�me de gouvernance. Fondamentalement, ce qui pousse les jeunes � la fr�quentation assidue des barricades, c�est le syst�me politique qui a �rig� l�interdit en mode de gouvernance. Ce qui provoque ces explosions de col�res juv�niles, c�est l�obstruction par attitude autoritaire des voies et canaux de dialogue social. Sevr�s de toute �mancipation, les jeunes �touffent. Tellement qu�ils prennent le risque de se noyer en haute mer que de survivre dans un pays o� m�me aimer et vivre son amour est p�nalis�. L�arrogance d�un gouvernement qui vit dans la virtualit� de sa propre statistique est ressentie par les jeunes comme une provocation de trop. Des jeunes qui ont tant � dire, � r�clamer, � juste titre, mais que le gouvernement n�est jamais dispos� � entendre. Sauf quand ils grondent, comme ils viennent de le faire. Mais encore de quelle oreille ! S. A. I. MA�TRE FATMAZOHRA BENBRAHAM, AVOCATE : �Il faut exploiter cette r�volte et non pas la museler� �Ce petit brasier est un mouvement de jeunesse. Il faut n�anmoins lui accorder de l�importance car un train peut en cacher un autre et c�est justement � cet autre qu�il faut s�int�resser. Ce ph�nom�ne, je l�ai vu venir � travers les nombreuses affaires r�primant les jeunes et les causes minimes donnant lieu � des peines tr�s s�v�res. Le cri des jeunes n�est jamais entendu. Aujourd�hui, il faut consid�rer cette r�volte comme une sonnette d�alarme. Je pense qu�il ne faut surtout pas punir ces enfants qui ont manifest� dans les rues, ils ne sont que le r�sultat d�un syst�me. Il faut exploiter cette r�volte et non pas la museler. Le mal ne peut pas �tre trait� en surface. Il faut au contraire chercher des solutions plus profondes. Il faut une justice plus juste. Le pr�sident de la R�publique aurait pu s�adresser aux jeunes, un mot de lui aurait suffi.� SALEM SADALI, SG DU SYNDICAT AUTONOME DES TRAVAILLEURS DE L'�DUCATION ET DE LA FORMATION (SATEF) : �Il faut transformer la r�volte en profond changement� �Ce qui se passe n�est que le r�sultat de la politique du pouvoir qui refuse de reconna�tre le poids de la soci�t� sur fond de corruption et d�injustice. Ce qui devait arriver arriva. Nous regrettons que la violence soit devenue le seul moyen d�expression. Maintenant, les organisations autonomes de la soci�t� civile doivent donner un sens � cette r�volte. C�est le moment pour qu�elles deviennent le relais afin que la r�volte aboutisse � un changement profond dans le pays. Cette r�volte, contrairement � ce qu�on veut faire croire, n�est pas la r�volte du pain. Il y a une malvie, les jeunes sont sans perspective. Ce qui s�est pass� �tait pr�visible. Plusieurs fois, nous avions averti � ce sujet. L�Alg�rie �tait assise sur un volcan. Nous esp�rons qu�apr�s cette r�volte, l�Alg�rie pourra avoir un meilleur avenir � l�image des terres qui deviennent plus fertiles apr�s l�irruption d�un volcan.� ABDELMALIK RAHMANI, COORDONNATEUR NATIONAL DU CONSEIL NATIONAL DES ENSEIGNANTS DU SUP�RIEUR (CNES) : �Ce mouvement doit servir de le�on� �Apr�s ce qui s�est pass�, les pouvoirs publics devront prendre les d�cisions qu�il faut. Nous n�avons pas besoin que de mesures d�accompagnement. Il faudra que ce mouvement serve de le�on pour la soci�t� civile qui doit s�organiser de mani�re urgente et oublier les luttes intestines. Tout le monde a �t� d�pass� par l�ampleur et la violence des �meutes. Ce qu�il faut, ce sont des mesures en profondeur. Il faut revoir le dialogue entre les pouvoirs publics et les organisations syndicales, les politiques et tous les repr�sentants de la soci�t� civile. S�il faut des d�cisions �conomiques certes, des d�cisions politiques s�imposent �galement. Il faudra �viter � l�Alg�rie des �meutes cycliques tous les dix ans. Il faut entamer de toute urgence le dialogue.� HADJ TAHAR BOULENOUAR, L'UNION G�N�RALE DES COMMER�ANTS ET ARTISANS ALG�RIENS (UGCAA) : �Il ne faut pas se contenter de mesures temporaires� �Les mesures prises par le gouvernement sont temporaires pour au moins deux raisons : les baisses des taxes sont limit�es dans le temps. Que va-t-il se passer apr�s la date-butoir ? Le gouvernement donne l�impression de ne pas avoir de vision � long terme. Il y a absence de perspectives. Ce qu�il faudrait, c�est des r�unions � l�avenir mais qui seraient consacr�es � un th�me beaucoup plus large, � savoir l�organisation du march� local. Le march� est d�pendant du contexte mondial et subit � chaque fois les contrecoups des augmentations sur les march�s ext�rieurs.� MOHAMED NOUARA, SG DE L�UNION G�N�RALE DES ETUDIANTS LIBRES (UGEL) : �Il faut des mesures pour sortir du marasme� �Nous consid�rons que les revendications des jeunes sont l�gitimes mais la mani�re dont elles sont exprim�es n�est pas appropri�e. Nous appelons le gouvernement � prendre en charge l�ensemble des probl�mes de la jeunesse. Ce ne sont certainement pas les mesures qui ont �t� annonc�es qui vont r�gler les probl�mes, il faut des m�canismes plus profonds pour sortir les jeunes du marasme qu�ils vivent au quotidien.� ZOUBIR AROUS, SOCIOLOGUE, CHERCHEUR ASSOCI� AU CREAD : �Il faut renouveler le discours politique� �Ce qu�il faut, c�est d�abord comprendre la nature de ces �meutes. C�est beaucoup plus profond que la question des prix. C��est l�absence de libert�s, le non-respect des droits de l�homme, les pressions exerc�es sur les jeunes qui en sont � l�origine. Les jeunes ont �t� priv�s de toute logique de vie, de travail, et sont rejet�s de partout. Les �meutes sont l�expression de besoins vitaux. Le pouvoir a perdu la capacit� de comprendre les jeunes. En l�absence d�outils de m�diation et de soci�t� civile, il ne reste plus qu�un recours : la rue. Il y a une v�ritable qu�te de libert�. Si cela n�est pas pris en consid�ration, si la soci�t� civile et les partis politiques ne reprennent pas leurs droits, l�arr�t de la protestation ne sera que momentan�. La protestation reviendra et sera plus virulente car non organis�e. Ce qu�il faut, c�est le renouvellement du discours politique afin qu�il r�ponde aux v�ritables aspirations des jeunes.� ABDELHAK BRERHI, COMIT� DES CITOYENS POUR LA D�FENSE DE LA R�PUBLIQUE (CCDR) : �Seule une transition d�mocratique r�elle peut �tre la solution� �Ce qui vient de se passer ne d�note pas seulement d�un probl�me de revendications relatives � des augmentations de prix de denr�es essentielles. Le probl�me est profond�ment politique et la r�action du pouvoir n�est pas � la mesure des probl�mes r�elles. Il n�y a eu aucune r�action du chef de l�Etat alors que nous voyons que dans plusieurs pays, des pr�sidents s�expriment pour des probl�mes nettement moins graves. En fait, c�est le probl�me d�un changement r�el dans le pays qui se pose � travers ces r�actions citoyennes. Il ne peut y avoir de solution aux probl�mes sociaux ou de d�veloppement sans une d�mocratie authentique mais le danger, c�est de voir une r�cup�ration de ce mouvement, seule une transition d�mocratique r�elle peut �tre la solution pour donner � notre pays la possibilit� de pouvoir faire face � tous les probl�mes sociaux et politiques et redonner l�espoir au peuple alg�rien. Le CCDR avait appel� � une transition et avait mis en garde contre l�issue de la rue et il continuera � agir pacifiquement pour un grand rassemblement r�publicain pour ouvrir un dialogue afin que cette d�marche aboutisse � un Etat d�mocratique, avec le respect des libert�s et l�ouverture universelle.�