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Le serpent qui se mord la queue
Publié dans Le Soir d'Algérie le 13 - 01 - 2011


Par Zoubir SOUISSI
Les clameurs se sont tues et un calme pr�caire s�est install�. La r�volte violente des jeunes ne s�est pour autant pas estomp�e, comme ont tendance � le proclamer les tenants du pouvoir et leurs supp�ts. Ce ne sont pas les mesurettes consenties en direction du bazar qui vont r�gler d�finitivement le probl�me. C�est d�ailleurs une forme extr�me de m�pris que de r�duire le mouvement � une question de tube digestif ou de panier de la m�nag�re.
Les incidents de ces derniers jours doivent �tre interpr�t�s comme un avertissement s�v�re � l�endroit de ceux qui ont (th�oriquement) en charge le devenir de la communaut� nationale, ce qui pourrait �ventuellement contribuer � leur remettre les pieds sur terre, car pris par l�ivresse de la pratique du pouvoir, ils ont fini par perdre le sens de la mesure et des convenances sociales. C�est un fait que depuis des d�cennies, le niveau des hommes (des femmes aussi h�las) qui gouvernent subit une r�elle et irr�versible �rosion. Par les temps qui courent, il atteint des niveaux de m�diocrit� impensables. Il suffit de se r�f�rer aux r�centes d�clarations de certains �t�nors� du syst�me. Pour le superministre et chef tr�s controvers� de l�ex-parti unique Abdelaziz Belkhadem, les manifestants de ces derniers jours ne sont pas �civilis�s�. Au lieu de d�filer dans l�ordre et la discipline, ils ont os� affronter les services de s�curit� et prof�r� des slogans hostiles au r�gime. Il est �vident que M. Belkhadem a perdu une occasion de se taire lui qui doit savoir, en tant qu�ancien chef de l�ex�cutif et quasi perp�tuel ministre, qu�il est interdit de manifester pacifiquement depuis dix-neuf longues ann�es, pour cause d��tat d�urgence. Et c�est un internaute qui lui a r�pondu avec beaucoup d�humour : �On veut bien manifester comme les Scandinaves avec une rose � la main, mais il faudrait pour cela que le r�gime l�ve l��tat de si�ge ! � Et pan sur le bec ! Le coll�gue de Belkhadem et ci-devant ministre de l�Int�rieur M. Ould-Kablia, n�a pas fait dans la dentelle lui non plus. Dans un entretien accord� � l�APS et au site �Alg�rie plus�, il fait une analyse somme toute acceptable m�me si elle est excessive, quand il tente de situer l�origine du mal qui ronge la jeunesse. Selon lui, les jeunes : �aiment toutes les choses qu�ils ne sont pas en mesure d�acqu�rir autrement que par le vol, par la contrebande, le trafic de drogue� � Ce n�est pas tout � fait faux, admettons-le. Mais l� o� notre ministre perd, � notre humble avis, le sens des r�alit�s, c�est quand il affirme toujours � propos des jeunes : �Ils ne trouvent pas de d�rivatifs dans la musique, le sport, les voyages. Leur univers, c�est la rue de leur quartier !!!� On croit r�ver et on est bien oblig� de se demander si son excellence Monsieur le Ministre parle bien de l�Alg�rie, s�il conna�t bien ledit pays et s�il lui arrive de temps en temps de quitter son univers � lui, confortable et aseptis�, pour aller voir celui de la rue qu�il fustige. Le sport, la musique, d�accord, mais o� ? Avec quels moyens ? Quant aux voyages, l� on est intimement convaincu que le ministre est un sacr� plaisantin, dans la mesure o� pr�sentement comme on dit en Afrique, les seuls voyages organis�s qui existent sont ceux de la harga, qui voient des jeunes risquer leur vie sur des embarcations de fortune pour tenter de rallier des rivages de plus en plus inhospitaliers, d�o� ils seront in�luctablement refoul�s pour peu qu�ils r�ussissent � y prendre pied. Pour en revenir aux motifs r�els de la flamb�e de violence, il faut regarder la situation bien en face. De quelque c�t� qu�on se tourne, c�est la m�me et unique image de malvie. En 2011, dans notre Alg�rie, des choses aussi simples que se soigner, se procurer un document administratif, inscrire ses enfants � l��tat-civil et plus tard � l��cole, se d�placer intra-muros ou voyager � l�int�rieur du pays, voire � l��tranger, ces actions donc simples et ordinaires sous des cieux plus cl�ments, rel�vent de l�exploit ici m�me. Ce n�est pas �tre n�gativiste que de constater que la gal�re est le lot quotidien du citoyen. Il faut gal�rer pour tout ; pour manger, pour aller au travail, pour se loger, en un mot pour vivre normalement et cela dans un pays o� le pouvoir politique se fait un devoir de rappeler � tout bout de champ, le niveau des r�serves de change. Fatalement cela a abouti au r�sultat attendu pour les gens sens�s et tout � fait inattendu pour les gouvernants : le serpent qui se mord la queue. A ressasser partout et constamment que les r�serves de change s��l�vent � 155 milliards de dollars, comme si extraire le p�trole et le vendre �tait une performance �conomique, tout le monde aussi bien en Alg�rie qu�� l��tranger a fini par se poser la question : quand on dispose d�un matelas financier aussi �pais pourquoi laisser le niveau de vie des citoyens se d�grader � la vitesse grand V ? La morale qu�il convient de retenir de ces tragiques �v�nements est la demande pressante de la soci�t� pour de n�cessaires ouvertures politiques, �conomiques et structurelles. Durant ces journ�es o� la loi de la rue a r�gn�, les gouvernants et leurs auxiliaires ��lus du peuple� ont trembl� pour leurs acquis et leur rente. Puissent ces avertissements leur servir de le�on et leur permettre de mettre un b�mol � leur arrogance et leur m�pris pour les citoyens dont ils sont issus et pour lesquels, ils sont cens�s travailler d�arrachepied. Aujourd�hui, ces m�mes citoyens p�tissent de l�injustice et la hogra de la part de ces cohortes de policiers et de gendarmes qui prennent d�assaut nos villes et villages pour r�primer souvent sans discernement des infractions pour le moins virtuelles, tels ces retraits de permis qui ciblent les professionnels des transports, la m�re de famille qui emm�ne ses enfants � l��cole et tous ceux qui ne peuvent pas recourir au salutaire piston. Pour l�arrogance et le m�pris, la palme revient sans coup f�rir au ministre des Transports qui se veut intransigeant quant au permis de conduire. Ainsi soit-il. Dans le m�me ordre d�id�es, il faudrait �galement envisager des sanctions contre ces �ministrions� et ces �ministrettes� qui ont failli � leurs obligations. Par exemple le ministre dont on parle qui a pour mission premi�re non pas les retraits de permis, faut-il le rappeler, mais d�assurer aux citoyens que nous sommes des moyens de transport d�cents et performants. Au jour d�aujourd�hui, tout le secteur est paralys� : transport urbain, suburbain, r�gional, national, ferroviaire, maritime, a�rien et m�me terrestre sont sujets � probl�mes. Les retards horaires sont devenus par la force de la pratique un trait de civilisation tr�s alg�rien. Patientez, nous dit-on, il va y avoir le m�tro, le tramway, l�autoroute, etc., l�Arl�sienne quoi ! Il est vrai que quand on circule dans une limousine blind�e toutes sir�nes hurlantes, on ne vit pas les probl�mes du commun des citoyens. De m�me qu�il est plus ais� de sucrer (sans jeu de mots) des permis de conduire que de prendre � bras le corps la probl�matique du transport. On est loin, d�cid�ment, des prix de l�huile et du sucre.


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