L�affaire d�espionnage pr�sum�e dont a �t� victime le constructeur fran�ais Renault pose, de nouveau, la probl�matique de la pr�sence des soci�t�s de s�curit� �trang�res en Alg�rie. GEOS, Risk&Co, Contr�le Risk, Erys sont autant d�op�rateurs qui interviennent, en toute ill�galit�, dans un secteur hautement sensible. Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - Luc Michel, l�homme par qui le scandale est arriv�. Cet ancien officier des forces sp�ciales de l�arm�e fran�aise aurait fourni au constructeur automobile Renault des informations sur l�existence d�op�rations d�espionnage au profit d�industriels chinois. Il s�av�re que toutes ces informations ont �t� r�colt�es puis transmises � partir d�Alger, Luc Michel �tant, jusqu�au 1er f�vrier, directeur des op�rations de l�antenne locale de GEOS, le principal groupe fran�ais de s�curit�. En agissant en �free lance� (c�est la version pr�sent�e par son ex-employeur), il est d�finitivement sorti de l�ombre apr�s avoir activ� dans la plus totale discr�tion. Install� � Alger depuis 1994, il a rejoint officiellement l��quipe de GEOS Alg�rie en 2007, au plus fort des attentats kamikazes qui ont cibl� la capitale. Client assidu d�un restaurant italien des hauteurs de la ville, Luc Michel est connu pour �tre un grand sp�cialiste du dossier s�curitaire alg�rien. Son d�part �forc� constitue donc une perte r�elle pour GEOS. Ill�galit� Le scandale franco-fran�ais ne doit surtout pas occulter une r�alit� bien alg�rienne : les activit�s de GEOS se d�roulent dans la plus totale ill�galit�. Cela est valable pour l�ensemble des soci�t�s �trang�res de s�curit�. Cette situation n�est pas nouvelle, elle dure depuis plusieurs ann�es. �Nous n�avons pas d�livr� d�agr�ment � ces soci�t�s �trang�res. Elles n�ont aucune activit� en Alg�rie�, avait d�clar� Nouredine-Yazid Zerhouni, alors ministre de l�Int�rieur et des Collectivit�s locales (voir Le Soir d�Alg�rie du 25 mai 2009). Quelques mois plus tard, Abdelkader Ouali, le secr�taire g�n�ral de ce d�partement, avait adress� un s�rieux rappel � l�ordre � l�ensemble des soci�t�s priv�es de gardiennage afin qu�elles n�entretiennent aucune relation avec ces op�rateurs �trangers. �Les textes qui r�gissent les activit�s de gardiennage, de transport de fonds et de produits sensibles (d�cret l�gislatif n�16-93 du 4 d�cembre 1993 ainsi que ses textes d�application) explicitent les conditions et les modalit�s d�exercice de ces activit�s afin d��viter les d�rives et les d�passements. Dans le cadre du suivi des activit�s de ces entreprises, des d�passements ont �t� constat�s en mati�re de sous-traitance et de partenariat au profit de soci�t�s �trang�res dans le domaine des prestations de s�curit�. Ces actes sont consid�r�s comme une violation dangereuse du cadre r�glementaire et exposent les contrevenants � de s�v�res sanctions. (�) Les risques que comportent ces violations m�incitent � vous rappeler que vous �tes tenu de vous conformer pleinement � la l�gislation et aux directives (du minist�re de l�Int�rieur) afin d��viter toute forme de partenariat avec des soci�t�s �trang�res dans le domaine des prestations de s�curit� �, pr�cise cette note dat�e du 12 ao�t 2009 (voir Le Soir d�Alg�rie du 27 ao�t 2009). Chasse-gard�e Mais il semble que rien n�ait chang� depuis. Le march� de la s�curit� en Alg�rie reste une chasse-gard�e que se partage une trentaine de groupes �trangers. Ils sont essentiellement d�origine fran�aise. Il y a bien s�r GEOS, Risk&Co, Control Risk ou encore Erys. Ils s�accordent un semblant d�existence �l�gale� en s�inscrivant au Centre national du registre du commerce (CNRC) sous couvert du statut d�agence de consulting et disposent tous de bureaux de repr�sentation � Alger. Mais l�essentiel de leurs relations commerciales est trait� en Europe selon un syst�me bien rod�. Lorsqu�une entreprise d�croche un contrat en Alg�rie, elle fait appel � un groupe de s�curit� pour prendre en charge la gestion s�curitaire. Ce dernier �labore des �tudes en se basant sur des informations s�curitaires qu�elle collecte � diff�rents niveaux. Des informations hautement sensibles qui, th�oriquement, ne rel�vent que des services de s�curit�. Au terme de cette premi�re phase, la soci�t� de s�curit� pr�sente � son client un �plan de d�fense du site�. Comme son nom l�indique, ce document comprend toutes les donn�es en termes de menaces, de risques ainsi que les moyens � mettre en �uvre pour y faire face. Mais voil�, l��laboration et la mise en �uvre d�un plan de d�fense d�un site industriel sont strictement r�glement�es en Alg�rie. Elles sont du ressort exclusif de la Commission de s�curit� de wilaya. Pr�sid�e par le wali, cette instance est compos�e du commandant de groupement de la Gendarmerie nationale, du chef de S�ret� de wilaya, du commandant du secteur op�rationnel de l�ANP, du directeur de la Protection civile et du repr�sentant du CTRI. Ce document est d�autant plus sensible qu�il repr�sente un segment du plan de d�fense national. Mais voil�, toutes ces informations sont d�tourn�es et vendues au prix fort. G�n�ralement, il n�existe aucune trace de ces prestations en Alg�rie puisqu�elles sont �chang�es � l�ext�rieur du pays. Violation Outre les services de consulting, les groupes comme GEOS se chargent �galement du suivi des op�rations durant la phase de r�alisation du projet ou, � plus long terme encore, lorsqu�il s�agit d�une unit� de production. Afin d�assurer cette mission, les soci�t�s font appel � des �personnels tr�s qualifi�s �. Ce sont g�n�ralement d�anciens officiers des services de renseignement, des gendarmes, des policiers et des officiers de troupes d��lite, des l�gionnaires notamment. Officiellement, ces hommes occupent le poste de �coordinateur logistique� alors que sur le terrain, ils agissent en qualit� de chef de la s�ret�. Pour la rel�ve mensuelle, ou back-to-back, la soci�t� engage un rempla�ant qui, g�n�ralement, entre sur le territoire alg�rien avec un visa d�affaire ou de tourisme. Ce dernier n�est jamais d�clar� aupr�s des organismes alg�riens charg�s du travail et de la s�curit� sociale. En plus d�avoir sous ses ordres des dizaines d�agents de s�curit� alg�riens, le chef de s�ret� a �galement pour mission de transmettre tous types d�informations � l�antenne d�Alger. De par son implantation, GEOS peut aujourd�hui avoir une vue d�ensemble de la situation s�curitaire du pays. Autant dire que les violations des principes de base souverainet� sont multiples. Mais le plus �trange dans ce business reste le silence des autorit�s alg�riennes. Comment expliquer que des entreprises �trang�res puissent activer en totale ill�galit� dans un secteur aussi sensible. La question reste, aujourd�hui encore, sans r�ponse.