Par Brahim Taouchichet Regarde la Tunisie, l��gypte� les autocrates n�ont pas d�autre choix que de tomber avec grand bruit ou de s�enfuir honteusement. La route qui m�ne de l�a�roport Houari-Boumedi�ne vers Alger est, ce samedi matin 12 f�vrier, inhabituellement d�serte quand bien m�me c�est jour de repos hebdomadaire. La circulation automobile est fluide, elle est � peine ralentie par le premier �checkpoint � au niveau de l�Agence nationale des autoroutes, proche de la cit� des Bananiers. Mais le filtrage tatillon au second �checkpoint � du Hamma augure un �v�nement tout aussi inhabituel. En effet, la place du 1er-Mai est quadrill�e par une multitude de policiers anti-�meutes � donner froid dans le dos. Rien n�est laiss� au hasard tant le plan de contr�le de la marche du 12 f�vrier � laquelle a appel� la CNCD (Coordination nationale pour le changement et la d�mocratie) semble bien �tudi� � l�avance. Toutes les rues adjacentes sont sous contr�le des policiers arm�s de gourdins, casques haut mont�s, boucliers et fusils lance-grenades lacrymog�nes. Les commentaires fusent : �Il y a plus de flics que de marcheurs. � Le pouvoir est-il en train de gagner la partie ? C�est aller trop vite en besogne. Les quelques centaines de participants � la marche tr�s officiellement interdite vont voir leurs rangs grossir au fil des heures. D�s 13h, on parle de plus de 3 000 marcheurs. Le coup d�envoi de cette marque qui, vu son interdiction, se transformera en un immense meeting, sera donn� part le chef du RCD, Sa�d Sadi, Ali Yahia Abdenour �d�m�nag�s� sans m�nagement, par ailleurs, par les policiers. Ironie de l�histoire, ce rassemblement appelant au changement du syst�me se tiendra � c�t� de la place de la Concorde. Belle journ�e pour une marche pacifique avec un ciel bleu azur que ne peut perturber le bruit sourd de l�h�licopt�re de la DGSN. Mais d�j� les premi�res interpellations. A cette heure matinale, hommes et femmes sont �cueillis� pour �tre amen�s avec brutalit� au commissariat du 7e arrondissement. Une s�natrice fait partie du lot. Elle sera aussit�t rel�ch�e mais non sans ses compatriotes f�minines. Quant aux hommes, ils devront prendre leur mal en patience. Les jeunes marcheurs � lyc�ens, �tudiants, employ�s et ch�meurs � sont majoritaires dans ce rendez-vous que l�on veut �tre le point de d�part de la fin du syst�me. Et c�est ce que veut croire Rachid, la soixantaine, � la tignasse bien blanche : ��a y est, le mouvement est bien enclench�, pla�ant ses espoirs dans cette jeunesse d�termin�e � en d�coudre avec le pouvoir. �Pouvoir assassin�, �pouvoir corrompu �, crient ces jeunes � gorges d�ploy�es. Amazigh Kateb se fraye un passage dans la foule accompagn� de plusieurs manifestants et scandant les m�mes mots d�ordre, appelant � mettre � bas le syst�me. L�on guette les nouvelles d�autres places d�Alger. Bab-El-Oued, place des Martyrs, �a bouge aussi signale-t-on. Un membre de la CNCD, tout fr�missant d�enthousiasme devant la masse des marcheurs qui grossit � vue d��il, nous signale qu�� Oran ��a marche� ! Des bandes de �casseurs� (voyous ou bentaguia � l��gyptienne) � la solde de la police tentent de crier plus fort que tous en scandant des slogans� des stades de foot et la faveur de Bouteflika enfon�ant dans la foul�e son Premier ministre Ouyahia, accus� de tous les maux ! Mais leur cin�ma ne durera pas longtemps. Ils finiront par se lasser de s��gosiller inutilement et finiront par fondre dans la masse sans cons�quence. 14h, les manifestants redoublent de clameurs contre le r�gime : �D�mocratie maintenant � ! �Djaza�r horra, d�mocratia�, �FLN au mus�e, RND d�gage�, �Djaza�r dialna �. Des slogans h�tivement �crits au gros feutre sur du papier A4 � d�faut de banderoles ad�quates. L�on a appris, � ce propos, que la CNCD avait, bien �videmment, confectionn� des banderoles avec les slogans appropri�s. La police aurait �ramass�, nous dit-on, le charg� de ces mat�riaux d�s sa sortie du local de la Coordination. Si l�on ne signale pas de d�rapage, compte tenu de la d�termination des manifestants et du nombre impressionnant de policiers dans un p�rim�tre aussi r�duit, le succ�s de ce grand sit-in � d�faut de marche �pacifique�, insiste-t-on, tient visiblement � la justesse de la cause partag�e. Car la veille d�j�, les sp�culations allaient bon train quant � l��cho � l�appel � la marche du 12 f�vrier. Mais la foule �tait l�, celle des grands jours aussi. �C�est bien parti�, ne cessait de r�p�ter Rachid comme s�il voulait s�en convaincre, embrassant d�un regard r�veur les groupes de jeunes qui rejoignaient la place. Il dit : �La jeunesse, c�est l�espoir de ce pays�. �Des manifs j�en ai v�cu : celles d�octobre 1988, les arouch en 2001 ou plus loin dans le temps, les luttes au sein de l�Unea (Union nationale des �tudiants alg�riens) ponctu�es de peines d�emprisonnement. � Nullement r�sign�, si ce n�est la maladie qui l�handicape, il formule le v�u que ce soit le �d�but des changements tant esp�r�s et que la soci�t� civile acc�dent, enfin, aux commandes du pays pour le plus grand bien du peuple�. �Regarde la Tunisie, l��gypte� les autocrates n�ont pas d�autre choix que de tomber avec grand bruit ou de s�enfuir honteusement.� Corrompus, voleurs� grands th�mes de discussions des marcheurs qui en font aussi leurs slogans. 14h50, � la surprise g�n�rale � car jusque-l� pas de matraquage des gens � la troupe fonce dans la masse. Les marcheurs se retirent en ordre dispers� tout en criant leur indignation et plus fort encore les slogans contre le r�gime. Caillou et divers projectiles pleuvent sur les rang�es de policiers. Plut�t d�go�t�s que d�courag�s par cette charge inattendue, ils seront refoul�s en direction de la Maison du peuple, si�ge de l�UGTA. Beaucoup ne quitteront pas les lieux de sit�t. Demain sera un autre jour�