El-Madania (ex-Salembier). Les premiers rayons d�un soleil capricieux commen�aient � peine � darder que la placette voit se former une timide grappe de baltaguis. Des jeunes d�s�uvr�s qui, ce samedi, se sont exceptionnellement r�veill�s aux premi�res aurores pour accomplir une sombre perspective : casser du manifestant. Sofiane A�t-Iflis - Alger (Le Soir) - Leur excitation �tait telle que l�on se demande si ceux qui se sont mis � cette basse et dangereuse manipulation n�ont pas �t� exceptionnellement g�n�reux. Il faut avoir la patte bien graiss�e pour rager contre des Alg�riens qui militent pacifiquement pour le droit de marcher dans une ville d�Alg�rie, en l�esp�ce Alger, la capitale. Il faut avoir �t� assur� de l�impunit� pour d�ambuler couteaux et autres armes blanches � la main au milieu de tant d�uniformes de policiers. Le pire �tait pr�visible, attendu. Il a failli se produire n��tait la bravoure de jeunes militants du RCD qui firent bouclier autour de Sa�d Sadi, cible de baltaguis qui ont os� attenter � son int�grit� physique, � sa vie, sous le regard impassible des policiers. C��tait peu avant 11 heures, horaire pr�vu pour l��branlement de la marche � laquelle a appel� la Coordination nationale pour le changement et la d�mocratie (CNCD). En citoyen, Sa�d Sadi, sans sa garde rapproch�e, dont on apprendra qu�il s�est s�par�, �tait arriv� pour participer � la marche pacifique qui devait prendre �lan de la placette de Salembier jusqu�au boulevard des Martyrs, si�ge de l�Entreprise nationale de t�l�vision. Il n�aura pas le temps d�atteindre la placette que les baltaguis, qui se trouvaient en haut en niveau de la placette, certainement avertis de son arriv�e, se sont ru�s pour le lyncher. Les forces de police, d�ploy�es en grand nombre, laissent faire. Le pr�sident a d� son salut � quelques braves jeunes gens qui ont accouru pour dresser un bouclier autour de sa personne. Il est n�anmoins bless� � la main en parant un coup de couteau ass�n� par un baltagui. En d�autres temps et en d�autres circonstances, cela s�appelle tentative de meurtre avec pr�m�ditation. Mais, hier, la loi a c�d� la place au gangst�risme. Passe sur les invectives bassement racistes du genre �sale Kabyle�, �juif�, les billets de banque ont fait prof�rer � des jeunes dont le pouvoir exploite l�inconscience. �Alors que j��tais � 150 m�tres de la place d�o� devait s��branler la marche de la CNCD, les policiers ont signal� mon arriv�e par talkies walkies�, a d�clar� Sa�d Sadi. Ajoutant : �Il est arriv�, disaient-ils.� En effet, peu avant 11 heures, alors que les baltaguis, regroup�s au niveau de la placette de Salembier, scandaient des slogans propouvoir et pro-Bouteflika, une ru�e vers le contrebas s�est subitement �branl�e. L�information que Sa�d Sadi �tait arriv� a �t� certainement transmise � ces jeunes dont la police encadrait et s�curisait la transe. Sa�d Sadi n�aura pas le temps de faire quelques pas qu�une horde de baltaguis se rue vers lui et l�encercle, certains tellement excit�s qu�ils voulaient franchement verser du sang. �A peine descendu de ma voiture, un groupe de personnes m�a encercl�, environ une quarantaine, prof�rant des insultes � mon endroit. Ce sont les policiers qui les ont rameut�s vers moi. Je les entendais crier �d�gage, sale Kabyle�, �sale juif� et �� mort Sa�d sadi�. Les policiers m�ont livr� aux baltaguis en faisant bouclier autour de moi pour me livrer�, a t�moign� Sadi, poursuivant �dans la cohue, un jeune tente de m�ass�ner un coup de couteau. Je l�ve mon bras gauche pour le parer et la lame de son couteau me blesse l�g�rement aux doigts.� Pendant que s�op�rait cette tentative de meurtre, les policiers observaient. Un jeune portant la balafre visible sur le haut de la paupi�re dit avoir �t� touch� par un objet contondant alors qu�il s�est jet� pour parer un coup visant Sa�d Sadi. De son c�t�, Arezki Aider, d�put� du RCD t�moigne : �Outre les jeunes qu�on a pay�s pour nous lyncher, il y a aussi des policiers en civil qui incitaient � ces exp�ditions visant � casser du manifestant. Ce sont les m�mes qu�on retrouve � chacune des marches de la Coordination.� Le d�put� n�avait pas fini de t�moigner de l�apocalypse v�cu que quelqu�un l�apostrophe pour l�informer qu�un jeune militant du RCD venait d��tre embarqu� par la police. Rel�ch�, ce jeune a affirm� qu�ils lui ont subtilis� son appareil photo num�rique. Le pr�sident du RCD, face � cette op�ration de lynchage ordonn�e, a d� regagner sa voiture, non sans peine. Des hordes de voyous se sont attaqu�es � coups de pierres et de projectiles � sa voiture, sur le long du chemin qui l�a men� du lieu de d�marrage � la bifurcation qui l�a �loign� de la placette. La voiture a �t� saccag�e, sous le regard impavide des policiers. Pour Sa�d Sadi, ce qui s�est pass� � Salembier est un �acte politique tr�s grave�. Une fois Sa�d Sadi parti, les policiers, aux mines d�contract�es, remontaient la placette o� les baltaguis �taient encore � se rassembler. Celui qui devait �tre leur sup�rieur leur intimait, � voix suffisamment audible, d�aller molo avec eux. Autrement dit, se faire toute gentillesse lorsqu�il faudra demander leur dispersion. Ce qui fut d�ailleurs. C�est qui le baltagui ? En �gypte, ils �taient venus � cheval et � dos de chameaux s�attaquer aux jeunes r�volt�s qui occupaient place Tahrir. Parmi eux, ils comptent aussi bien des adeptes de Moubarak que des policiers les �moukhabarat � � l�accoutrement civil. Ceux qui avaient la malchance de tomber entre les mains des r�volutionnaires �gyptiens ont �t� d�masqu�s. On en �tait pas loin de ce sch�ma, hier, placette de Salembier, dromadaires et chevaux en moins. Le d�put� RCD Arezki Aider affirme qu�en t�te des �baltaguis se trouvent des policiers en civil qu�il reconna�t �. Mais pour le reste, des jeunes qu�on recrute pour dresser la barricade devant une marche pacifique. La r�ponse nous vient de ce cafetier de la placette qui, m�me s�il suit la manifestation derri�re son comptoir, ne trouve pas d�inconv�nient � ce qu�un baltagui se l�am�ne portant un portrait grand format de Bouteflika pour se mettre derri�re le comptoir et, accroupi, se saisit d�un marqueur � encre bleue et trace ces lignes : �Nous ne sommes pas des �gyptiens, ni des Tunisiens encore moins des Libyens.� Le baltagui ressort avec sa banderole d�ploy�e et le tenancier de l�estaminet, sourire aux l�vres, s�adresse � une connaissance accoud�e au comptoir : �Tu vois qui m�ne le bal ? C�est S. qui tant�t m�ne campagne pour le FLN, tant�t pour le RND et tant�t pour Bouteflika.� S. a visiblement une �r�putation� bien faite � Salembier. L�homme accoud� au comptoir jette un regard circulaire et r�plique, d�cid� � engager la conversation : �En fait, son fr�re vient juste d��tre incarc�r�.� Le tenancier du caf� maure acquiesce et part d�un rire qui se veut moqueur de cette r�publique qui s�accoude sur les plus vuln�rables pour s��viter d�affronter loyalement les plus conscients d�entre les citoyens.