Photo : Riad Par Samir Azzoug Les trois marches organisées hier par la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) à dominance RCD n'ont pas eu lieu. Au bout de la quatrième semaine de tentative, cette fois avec des variantes de stratégie et de lieux, l'échec est le même. Peut-être encore plus amer. Les mouvements qui devaient s'ébranler de trois quartiers différents de la capitale ont été touchés de catalepsie. Peu nombreux, les manifestants RCDistes sont acculés, encerclés et pris à partie, par des jeunes pro-Bouteflika, des riverains, les policiers. Ces derniers, qui s'affairaient les semaines passées à empêcher les marches, se sont occupés, hier, de la protection des marcheurs. Drôle de retournement de situation. Les agents de police qui neutralisent les riverains et les jeunes contre-manifestants (manipulés ou pas, là n'est plus la question), en évitant le lynchage de manifestants anti-pouvoir, c'est quand même atypique. L'union fait la force et le nombre l'emporte en démocratie. Or, en tout et pour tout, selon les comptes rendus de nos journalistes présents à Aïn Benian, Hussein Dey et El Madania, les marcheurs totalisent à peine une centaine de personnes. La mayonnaise du changement de régime ne prend pas avec cette forme de coordination. La marche de la CNCD à dominance RCD, censée s'ébranler de la place du 1er-Juillet à El Madania vers le siège de la télévision nationale (boulevard des Martyrs) n'a pas eu lieu. Comme ses deux sœurs jumelles. Quatrième semaine successive de tentative de mobilisation, la CNCD/RCD essaie de mobiliser ou d'occuper l'espace public. Ce samedi, nouvelle stratégie, même résultat. Des événements mort-nés. Place du 1er-Juillet, 10 heures, un dispositif policier allégé, une centaine d'agents sans arme et sans matraques, sans commune mesure avec celui déployé durant les premières tentatives de marche à la place du 1er-Mai. L'exiguïté des lieux rend difficile l'accès. Au départ, on a du mal à distinguer les «marcheurs». Ils sont en fait moins d'une dizaine encadrés par le double de policiers. Silencieux, les manifestants sont «canalisés» sur un bout de trottoir et pris à partie par les pro-Bouteflika et les riverains. Aucune banderole, pas de slogan, les quelques membres du RCD répondent aux interpellations verbales des jeunes et des riverains qui les somment de quitter les lieux. 10h30, mouvement de panique. Les forces antiémeute courent le long de la rue Mohamed-Bellaredj. Plus d'une centaine de jeunes venus des quartiers voisins, probablement Diar Echems et Saada, font une descente impressionnante. A pas de course, brandissant des portraits de Bouteflika, ils sont venus en «découdre avec les taghouts», crie l'un d'eux. Rapidement maîtrisés, eux aussi, par des policiers et des personnes qui semblent les guider, ils entrent à la place du 1er-Juillet calmement. Entre-temps, c'est le moment où entre en scène le président du RCD. A peine descendu de voiture, il est pris à partie par les contre-manifestants. Malmené, presque lynché, il remonte dans le véhicule et quitte rapidement les lieux. En à peine cinq minutes, les partisans de la marche disparaissent de la place de l'ex-Clos Salembier. «Je suis contre ce régime. Mais la transition ne se fera pas de cette manière. Car là, la nation est en danger. Il y a un clivage qui commence à être dangereux. Et beaucoup de mauvaises manipulations basées sur le régionalisme. Je suis pour une transition en douceur», argue un quinquagénaire qui habite à «dix mètres de la placette». «Un clivage dangereux», ce sont ces propos anti-Kabyles qui fusaient de la foule. Ces allusions régionalistes qui émanaient des jeunes. Là est le véritable danger. Car la marche, elle, n'a pas tenu la route.