Otage de crises internes et plongée dans les bourbiers sahélien, libyen et ivoirien, la France tente de se jouer de l'opinion. Prise entre le marteau de la crise économique et l'enclume de la crise sociale au plan interne, la France officielle tente d'orienter l'opinion publique sur des débats de politique extérieure. Pour cela, elle essaye de faire diversion en surfant sur des crises à l'extérieur de l'Hexagone. Le brasier le plus en vue et dans lequel la France s'est foncièrement impliquée est celui de la Libye. Le président Nicolas Sarkozy a agi auprès de la communauté internationale pour faire adopter la résolution onusienne 1973, portant la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne contre le régime d'El Gueddafi. Néanmoins, l'acharnement de Nicolas Sarkozy contre El Gueddafi l'a mené à engager l'Otan dans des bombardements intensifs, visant la Libye. Insatisfait et affolé, d'une part, par la position de l'Union africaine privilégiant la solution politique et, de l'autre, par un éventuel revirement de l'opinion française. M. Sarkozy plonge encore plus profondément dans le bourbier libyen. Outre ces deux craintes suscitées, une autre question s'impose, à savoir, le pourquoi de l'intervention de la France en Libye. A cela s'ajoute également la position algérienne constituant, paraît-il, un écueil aux desseins géostratégiques de Nicolas Sarkozy, d'où la campagne de rumeurs visant l'Algérie, qui s'accentue. Faisant de la rumeur un discours officiel, accusant l'Algérie d'avoir prêté main forte au régime de Mouamar El Gueddafi, la France tente, sans preuve aucune, d'impliquer l'Algérie dans sa mascarade militaire. Néanmoins, cette «aventure sarkozienne dans l'incendie libyen» obéit-elle à une feuille de route répondant à des projets bien précis? Une autre question s'impose à savoir: «El Gueddafi sauvera-t-il Sarkozy?» Une telle intention soulève autant de questions, qui demeurent sans réponses. Alors, pourquoi cet acharnement contre l'Algérie? Quel est l'objectif de cette campagne de rumeurs? La France perdrait-elle le contrôle des évènements en Libye? Qu'elle soit le résultat d'une planification hostile ou spontanée, cette campagne de rumeurs contre Alger est révélatrice d'une panne de perspective de la diplomatie française sachant que la position algérienne à ce sujet est claire. «L'Algérie ne s'ingère pas dans les affaires internes d'un pays et refuse à ce que l'on s'ingère dans ses affaires internes», a déclaré Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères. Versatile, la France (version Sarkozy) fait de ses alliés d'hier ses ennemis d'aujourd'hui. Ainsi, elle déclare la guerre à ceux pour lesquels elle avait déroulé le tapis rouge il y a à peine quelques mois. Les révélations sur les comptes bancaires et le gel des avoirs des Hosni Moubarak, Ben Ali et Mouamar El Gueddafi en sont une preuve incontestable. C'est dire que la France ne se met que du côté des gagnants et maîtres de l'heure. Engagée sur plusieurs fronts dont l'objet est confus et aux résultats incertains, voire sans le consentement de la communauté internationale, y compris ses voisins immédiats, en l'occurrence l'Allemagne, la France cherche-t-elle à se repositionner après son échec dans la gestion des évènements de Tunisie? Ou ne s'agit-il que d'une stratégie électoraliste pour résorber le mécontentement de l'opinion française à l'endroit du bilan de Sarkozy, jugé des plus critiques? Les crises économique et sociale qui frappent de plein fouet la France, renseignent sur l'échec, de Sarkozy dans la gestion des affaires de l'Hexagone. Cela s'explique, d'ailleurs, par les récents sondages, en prévision de l'élection présidentielle. M.Sarkozy serait éliminé dès le premier tour de l'élection. C'est un résultat que révèle un sondage BVA pour «Orange, L'Express et France Inter». En fait, le candidat socialiste, Dominique Strauss-Kahn ou Martine Aubry, n'affronterait donc que Marine Le Pen au second tour. Plongée dans les bourbiers sahélo-saharien, libyen, ivoirien et afghan, la France officielle s'est affolée et tente, contre vents et marées, d'impliquer autour d'elle d'autres pays. Conscient de ce résultat, Nicolas Sarkozy a limogé des ministres et rappelé d'autres à son secours. Ainsi, le retour à l'Elysée de l'ex-Premier ministre Alain Juppé, pour remplacer Michèle Alliot-Marie aux Affaires étrangères, constitue pour Sarkozy une stratégie à même de rattraper les échecs de ses aventures militaires au Sahel, où des opérations militaires françaises ont été signalées, lors des tentatives de libérer l'un des otages français, retenu par Aqmi, les interventions en Côte d'Ivoire et enfin les bombardements contre la Libye, s'inscrivant dans le cadre de la résolution onusienne 1973. Refusant le dialogue et la solution pacifique donc politique en Libye, comme l'ont si bien soutenu l'Union africaine, la Russie et la Chine, la France a choisi l'option militaire. Pis encore, elle s'est même ingérée dans les affaires internes du Conseil de transition libyen dans sa prise de décision. En effet, ce dernier ayant accepté lors de la première rencontre avec les représentants de l'UA l'arrêt des hostilités avec le régime d'El Gueddafi, n'a pas tardé à manifester un refus catégorique, après le déplacement de son chef en France. Ainsi, Sarkozy vient de s'offrir son propre «bourbier afghan». Des observateurs français estiment, quant à eux, que «Sarkozy veut tuer l'âme de la France, un pays qu'il veut rendre semblable au pays qui est son modèle: les Etats-Unis. Nicolas Sarkozy l'a dit à de nombreuses reprises: il veut en finir avec le modèle social français, lui préférant un modèle américain, caractérisé par une société inégalitaire, violente, et ultrarépressive.» Constat: les aventures militaires de la France constituent ainsi une aubaine pour celui qui a fait de l'insécurité le thème majeur de sa campagne.