Par Zineddine Sekfali, ancien ministre Le jeudi 10 mars 2011, r�sonnant comme un coup de tonnerre dans le ciel des diplomaties timor�es et desdites realpolitiks cyniques, le pr�sident fran�ais, qui est issu comme on le sait de la droite, a pris deux d�cisions qu�il a aussit�t mises en �uvre : d�abord, recevoir officiellement et publiquement des �rebelles libyens�, ensuite reconna�tre leur �Conseil national de transition�. Last but not least, il a parl� d��ventuelles �frappes a�riennes cibl�es� contres les armes et les forces r�pressives de Kadhafi� Les chancelleries � l�ambiance ronronnant se sont subitement anim�es et les diplomates, dont un c�l�bre �crivain ambassadeur aimait � rappeler �la douce incomp�tence �, se sont affol�s invoquant toutes sortes d�arguments pour que, en d�finitive, rien ne bouge et rien ne change. Mais que ne se rappellent-ils ce qu�il advint du Front populaire et de la R�publique espagnols, abandonn�s sans secours ni assistance, et livr�s aux �nationalistes�, au nom d�un principe de �non-intervention � invent� pour les besoins de la cause pour excuser leur non-assistance � une d�mocratie naissante. Pendant presque trois ans, ce fut alors �le temps des sanguinaires : pas de gr�ce, pas de quartier !�, pour reprendre des mots de V. Hugo. La r�pression fut tellement sauvage que la dictature perdura jusqu�� la mort du dictateur en 1975. Il y a, en effet, soixante-quinze ans de cela, pr�cis�ment en ao�t 1936, le g�n�ral Franco, qui �tait en garnison au Maroc, d�barquait en Espagne � la t�te de nombreuses troupes coloniales �Los Terceros� et �Los Mauros�, pour donner la chasse aux R�publicains et renverser la R�publique proclam�e cinq ans auparavant. Des milliers d�Espagnols se r�fugi�rent en Alg�rie, notamment � l�ouest du pays ; les gens de mon �ge ont en connu quelques-uns dans les ann�es 1950 et ne les oublient pas. Or, il y avait en France � cette ann�e 1936, une R�publique, un Front populaire, et � la t�te du gouvernement, un socialiste : L�on Blum. L�histoire a retenu que c�est lui qui a invent� sinon invoqu� le fameux �principe de non-intervention�, l�a d�fendu bec et ongles devant ses amis de gauche qui n�en voulaient pas et l�a ensuite transform� en �pacte� qu�il fit signer � une vingtaine de pays d�mocratiques, qu�ils fussent des r�publiques ou des monarchies, comme le Royaume-Uni. Trois Etats europ�ens refus�rent de signer cet engagement ; c��tait en l�occurrence : l�Allemagne de Hitler, l�Italie de Mussolini et le Portugal de Salazar. Ces dictateurs fournirent � leur coll�gue espagnol armes, munitions, troupes aguerries et m�me des appuis a�riens. Les dictateurs faisaient donc corps entre eux, pendant que les d�mocraties, pour un principe pr�fabriqu� sans apparemment en avoir calcul� ses cons�quences, �taient en train de s�affaiblir ou en tout cas, en train d�afficher au grand jour toutes leurs faiblesses et d�faillances. L�honneur fut cependant, sauf gr�ce � quelques hommes, brillants intellectuels et patriotes �pris de libert� ; je citerai parmi les plus embl�matiques, deux d�entre eux : Andr� Malraux et Jean Moulin, que l�on remarquera plus tard encore, port�s par le cours de l�Histoire de leur pays. Demain ou apr�s-demain, vont se r�unir plusieurs ar�opages, comme la Ligue arabe, l�Union europ�enne, l�Otan et le Conseil de s�curit� des Nations Unies, qui a d�faut d��tre des c�nacles de sages, sont des conf�rences internationales, lieux de conflits feutr�s mais f�roces, de compromis plus ou moins �quilibr�s, de compromissions peu avouables, � l�occasion desquelles les int�r�ts �tatiques priment souvent sur l�int�r�t g�n�ral, les droits nationaux sur le droit international, le p�trole et les affaires sur les droits de l�homme et sur sa dignit�. Est-ce que cette affaire libyenne qui a rallum� les espoirs l�gitimes de la �rue arabe� et laiss� quasiment aphasiques les politiques arabes pourtant amoureux de l�art oratoire, va changer la donne dans ces ar�opages, comme elle a d�j� r�ussi � le faire gr�ce � l�opini�tret� du peuple libyen et � son amour de la libert� et de la d�mocratie, dans les opinions publiques du monde entier ? Ou est-ce que la bestiale sauvagerie d�un fou du pouvoir et les extravagances de sa prog�niture vont finir par l�emporter sur la morale et le droit ? Nous le saurons bient�t.