�La libert� ne descend pas vers un peuple, un peuple doit s��lever jusqu�� la libert�.� Gandhi Le r�veil dont il est question ici s�applique moins � l�extraordinaire vague de r�voltes qui est en train de nettoyer les �curies d�Augias du monde arabe, qu�� un ph�nom�ne encore plus extraordinaire : le fait que cette vague semble aller dans le sens de l�Histoire. Je dis �semble� car un Alg�rien �chaud� craint les douches froides : croyant aller en 1988 vers le meilleur, nous nous sommes vite retrouv�s face au pire. Mais d�abord que sont ces r�voltes ? Un complot de l��tranger ou de la n�buleuse d�Al-Qa�da comme l�ont affirm� Ben Ali, Moubarak, Kadhafi et Ali Saleh ? Une brusque volont� de d�stabiliser leurs pays de la part de peuples r�put�s pour leur temp�rament pacifique ? Il s�est �coul� assez de temps pour pouvoir affirmer que ces soul�vements qui �voquent des ph�nom�nes telluriques ne peuvent pas avoir �t� orchestr�s, et qu�une pulsion suicidaire ne peut pas se propager d�un peuple � un autre. Cette contagion est celle d�un ras-le-bol g�n�ral devant les exc�s du despotisme, et la propagation � une m�me aire culturelle de la volont� des peuples de se r�approprier leur souverainet�. L��ruption � laquelle on assiste marque le r�veil tardif des Arabes dans un monde qui a beaucoup chang� au cours des derni�res d�cennies. La g�opolitique, l��conomie, la technologie, le climat, les m�dias, les id�es, ont connu de profonds remaniements sans perturber leur qui�tude s�culaire. Dans les ann�es qui ont suivi la chute du mur de Berlin, la plupart des nations qui vivaient sous le joug de pouvoirs totalitaires ont r�alis� l'une apr�s l'autre leur transition d�mocratique. Depuis, elles vivent en paix et poursuivent leur mise � niveau �conomique, sociale et culturelle pour se mettre au diapason des nations d�velopp�es. Dans les pays arabes o� les habitants ont souffert autant, sinon plus, du despotisme, de l'injustice et de la pauvret�, ceux-ci ne semblaient fr�mir qu'� l'id�e d'une transition vers un Etat islamique mythique, donnant l'impression de chercher � tout prix � s'�loigner des valeurs universelles et � prendre � contresens le chemin de l�Histoire. Ils �taient globalement m�pris�s pour leur asservissement consenti et leur maintien loin des standards internationaux, jusqu'� ce que le peuple tunisien pulv�rise ce clich� honteux. Les voil� d�sormais fr�missant du Golfe � l�Atlantique � l�id�e d�une transition vers la d�mocratie. L'exemple tunisien a stimul� le peuple �gyptien ; � son tour, l'exemple �gyptien a donn� du courage � d'autres peuples en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Ce que l�Histoire ne nous a pas donn� � voir en des si�cles, pour ne pas dire jamais, elle nous l�a servi � profusion en l�espace de quelques semaines, nous gavant d�images et de spectacles qu�on n�esp�rait pas voir de notre vivant. Incr�dules d�abord, les masses arabes ont suivi cette r�action en cha�ne � travers la couverture permanente des cha�nes satellitaires qu�on peut cr�diter d�un honorable pourcentage dans le succ�s de ces r�volutions, et d�couvert que le changement �tait possible pour ceux qui le voulaient. Le vent de la libert� est venu de l� o� personne ne l'attendait. En Tunisie m�me, il est parti d'un bourg de l'int�rieur du pays. Et dans ce bourg lui-m�me, ce n'est pas un parti, un syndicat ou un groupe d�intellectuels qui a d�clench� la temp�te, mais le geste d�une polici�re giflant un marchand ambulant que n�habitait aucune intention politique. Comme dans la fameuse th�orie de �l'effet papillon� en vertu de laquelle le battement d'aile d'un papillon � un bout du monde peut provoquer un ouragan � l�autre bout, le geste de Mohammed Bouazizi a enflamm� l�aire arabe et br�l� plusieurs despotes. Et la liste n�est pas close. Dans une r�cente lecture, je suis tomb� sur une citation du pr�sident Bourguiba o� il disait : �J'ai fait d'une poussi�re d'individus un peuple de citoyens.� Le peuple arabe le plus modernis�, gr�ce au syst�me �ducatif mis en place par Bourguiba justement, a r�ussi la premi�re r�volution d�mocratique dans le monde arabe, entra�nant dans son sillage plusieurs d�entre eux. En trois semaines le probl�me �tait r�gl�. Il y a eu certes des pillages et de la casse, ph�nom�nes in�vitables lors de mouvements de foules en col�re, mais les �meutes ont vite pris les contours d'une authentique r�volution politique. On n'a bient�t plus parl� de pain et de chert� de la vie, mais de dignit�, de libert�, de d�mocratie et de comptes � rendre par le dictateur. La carte intellectuelle du monde arabo-musulman se caract�risait jusque-l� par des �lots de conscience moderne et des oc�ans de conscience archa�que. Un intellectuel libanais, Ghassan Tu�ni, voulant analyser l'�chec de la �renaissance arabe� dans tous les domaines depuis la fin du XIXe si�cle, a choisi de donner pour titre � l�ouvrage qu�il a consacr� � la question �Un si�cle pour rien�. C��tait tout dire. Mais ce constat rend encore plus surprenants les �v�nements que nous vivons depuis deux mois. Comment les expliquer ? Comment comprendre que des peuples longtemps r�sign�s et soumis aient subitement m�ri, et qui plus est les uns � la suite des autres ? Sans pr�avis, les peuples arabes sont pass�s l�un � la suite de l�autre � l��ge des id�es comme l�attestent les slogans et les d�clarations qu�on a entendus et lus sur les banderoles. C��taient d�ailleurs les m�mes : �Echa�b yourid�� Les manifestants n�ont pas concentr� leurs demandes sur les choses (emploi, augmentation des salaires ou programme de d�veloppement sans pr�c�dent) comme crurent bon de le leur proposer � la derni�re minute Ben Ali, Moubarak et Kadhafi, mais sur la fin du syst�me qui les gouverne. Autrement dit, elles portaient sur des id�es. Ni une �d�mocratie sp�cifique �, ni une �d�mocratie responsable�, mais le syst�me d�mocratique universel dont la description peut tenir en un paragraphe : une constitution consacrant la s�paration des pouvoirs, l'ind�pendance de la justice, l'�galit� de tous devant la loi, la libert� de conscience et d'expression, des �lections libres, des m�canismes de contr�le efficaces pour dissuader et punir la corruption� Une r�volution de l�esprit ! Voil� ce qui ne nous a pas �t� donn� de voir en terre arabo-musulmane depuis la r�v�lation du Coran, et qui fonde � penser que les peuples arabes ont enfin acc�d� � l��ge politique, � l��ge des id�es. A ce stade, il faut peut-�tre faire une pr�cision : les peuples qui m�nent actuellement des r�volutions dans leurs pays ne sont pas tout � fait ceux d�hier. La d�nomination est la m�me mais le contenu physique et surtout intellectuel a chang� dans de fortes proportions. L�avant-garde qui a mis le feu aux poudres est constitu�e de g�n�rations �closes au sein de ces m�mes peuples, mais avec des repr�sentations mentales nouvelles dont la formation a �t� favoris�e par les technologies de l�information et les cha�nes satellitaires. Tout le monde convient du r�le jou� dans la mobilisation par les r�seaux sociaux. Internet a offert � ces g�n�rations des modes d��change et d�information qui leur ont permis de pr�parer le terrain � une action concert�e, transformant du m�me coup une poussi�re d�individus interconnect�s en soci�t�, la rue en opinion publique, et les habitants en peuple. Toynbee �crivait il y a un demi-si�cle : �Une soci�t� est le produit des relations entre individus. Celles-ci proviennent de la co�ncidence de leurs champs d�action individuels. Cette co�ncidence permet la jonction de tous ces champs particuliers en un terrain commun que nous appelons "soci�t�". La soci�t� est le r�seau complet des relations entre les �tres humains. Les composantes de la soci�t� ne sont pas, par cons�quent, les �tres humains, mais les relations qui existent entre eux.� En quelques semaines, les Tunisiens et les �gyptiens ont bascul� dans le XXIe si�cle, rejoignant la conception universelle des droits de l�homme et effa�ant le souvenir de leur ancien statut de moutons de Panurge qui ne s��brouaient que pour acclamer un �za�m�, f�ter des victoires de football, ou r�agir � des �atteintes � l�islam� par un �crivain en mal de publicit� ou un caricaturiste �anar�. C�est vraiment la fin d'une �re, d'une mentalit�, d'un mod�le sociologique. L�id�e que la souverainet� appartient au peuple a mis quatorze si�cles � germer dans le monde arabomusulman, et nous sommes les heureux contemporains de cette germination. Hormis le cas unique d�Omar Ibn Abdelaziz, ce calife omeyade qui voul�t restituer un pouvoir dynastique qu�il jugeait ill�gitime, aucun dirigeant arabo-musulman ne s'est jamais remis en cause, ne quittant le pouvoir que mort ou chass� par un autre candidat au despotisme. Le monde arabe n'a pas connu d'exemple comme celui de Nelson Mandela, v�n�r� aujourd'hui dans le monde entier pour sa hauteur de vue et son d�sint�ressement personnel. Cependant, en Alg�rie, on n�a pas oubli� le geste du pr�sident Liamine Z�roual remettant avant terme son mandat en 1999. Les jeunesses que nous avons vues � l��uvre en Tunisie, en �gypte, en Libye, au Y�men ou en Syrie �taient confront�es � des r�gimes porteurs d�une vision des choses compl�tement d�pass�e. Le conflit oppose au premier chef deux cultures. Sans surprise, Ben Ali, Moubarak et Kadhafi ont dit la m�me chose dans leurs discours o� c�est leur culture politique qui s�exprimait. Les deux premiers ont rappel� qu�ils ont donn� chacun cinquante et soixante-deux ans de leur vie � leurs pays respectifs, tandis que le troisi�me hurlait que la Libye n��tait rien avant lui et n�existerait plus apr�s lui. Il n�est pas venu � leur esprit, et ne viendra pas jusqu�� leur tr�pas, que c�est de leurs peuples qu�ils tenaient leur pouvoir, qu�il �tait leur employeur, qu�ils les a employ�s pendant trop longtemps et grassement pay�s pour des r�sultats m�diocres. Ils �taient sinc�rement indign�s et protestaient comme des personnes spoli�es d�un droit naturel ou d�un bien personnel. Dans leur culture, l�id�e que le peuple est la source et le d�positaire du pouvoir souverain n�existe pas. Ils ont vu tout au long de leur vie des peuples d�l�guer l�exercice de leur pouvoir souverain par le vote, et le retirer par la r�volte quand il en �tait fait un mauvais usage, mais pour eux leurs peuples n��taient pas des citoyens souverains comme les autres. S�ils n��taient pas des tra�tres ou des marionnettes manipul�es de l�ext�rieur, ils �taient de simples r�sidents, un peu comme les immigr�s en Europe. Des m�galomanes de faible niveau intellectuel en g�n�ral, des malades mentaux pour certains et des voleurs dans presque tous les cas, ont r�gn� selon leur bon vouloir, infantilisant � dessein leurs peuples pour mieux les maintenir � l��ge des choses, tandis qu'ils faisaient croire � l'Occident qu�ils �taient en personne les garants de la paix au Proche-Orient, les remparts contre l'islamisme, ou les gardes-fronti�res contre la menace migratoire. H�las, une providence n�faste a voulu que la plupart d�entre eux puissent compter sur d�importants gisements d'hydrocarbures qui les dispensaient du travail, des imp�ts et du vote de leurs peuples. Si des r�gimes se sont d�j� �croul�s et que d'autres vacillent, c'est parce que les nouvelles g�n�rations ont pris conscience qu'elles �taient les dupes d�un discours mythologique : celui du �combat contre le colonialisme, l�imp�rialisme et le sionisme�, celui de la �renaissance arabe�, celui de �l'unit� de la nation arabe� et de �l'Union du Maghreb arabe�, celui du d�veloppement selon un �mod�le diff�rent� de celui de l'Occident, celui de la �lutte contre le terrorisme�� Bien entendu, ces d�magogues n'ont ni lib�r� la Palestine, ni r�alis� l'unit� arabe ou maghr�bine, ni d�velopp� leurs pays, ni tari les sources de l'islamisme, au contraire. Le changement attendu pendant des d�cennies de l'int�rieur du pouvoir, de l'arm�e, des partis politiques ou de la classe intellectuelle n��tant pas venu, il a �t� finalement pris en charge par les citoyens eux-m�mes � la faveur de circonstances aussi myst�rieuses qu�impr�visibles. Au demeurant, aucune r�volution n�a �t� pr�vue. Ceux qui sont rest�s le plus longtemps � la t�te des �r�publiques� sont d�j� tomb�s ou ne tiennent qu�� un fil comme en Libye et au Y�men, tandis que dans les monarchies absolues, on commence � r�clamer des monarchies constitutionnelles comme � Bahre�n, en Jordanie, au Maroc et � Oman, autrement dit, le transfert du pouvoir royal � un parlement �lu. Les peuples arabes se sont affranchis du monde des choses en m�prisant les r�ponses mat�rielles � leurs r�voltes ; ils ont d�pass� l��ge des personnes en d�truisant le mythe de l�homme providentiel, en d�daignant l�alternative militaire, et en r�cusant la tutelle des �hommes de religion�. En rentrant au Caire � la veille de la premi�re grande manifestation, Mohamed El-Brade�, en qui certains Occidentaux voulaient voir l�homme providentiel, a offert son honorable personne � la r�volution des jeunes mais ceux-ci l�ont ignor� poliment. L��minent prix Nobel a m�me �t� victime d�un jet de pierres le jour du r�f�rendum sur la Constitution. M�me apr�s la chute des despotes, ils n�ont pas d�sempar� et continu�, en Tunisie comme en Egypte, d�exiger la concr�tisation de leurs revendications, renvoyant les gouvernements de transition l�un apr�s l�autre. On se serait attendu � ce qu�ils rentrent chez eux � l�annonce du d�part du dictateur, � ce qu�ils consid�rent leur but comme atteint, � ce qu�ils se dispersent de joie, apais�s par le r�sultat obtenu, mais, � surprise, ils sont rest�s mobilis�s et vigilants quant � l�aboutissement total de leur mouvement : le changement du syst�me, et non de la seule personne du dictateur. Des peuples qu�on donnait pour morts, dont on se gaussait ou qui se gaussaient d�eux-m�mes, ont donn� � un monde stup�fait des le�ons d�h�ro�sme, d�abn�gation, de patriotisme, de solidarit�, d�intelligence dans l�organisation, et m�me d�humour. Et ce n�est pas une �lite � l�int�rieur de ces peuples qui a provoqu� cette prise de conscience. Les peuples eux-m�mes sont devenus des �lites. Leur g�nie s�est alors d�ploy� dans les mots d�ordre, les slogans, les d�clarations impromptues et les sc�nes t�l�vis�es qui nous ont �treints d��motion. Personnellement, c�est la premi�re fois que j�ai trouv� un sens � la notion d��unit� arabe�. Je l�ai per�ue dans la ressemblance physique et morale des peuples qui se battaient pour leur libert� ; je l�ai vue dans leur unit� de pens�e, leur parler et la communaut� de leurs r�f�rents. Les seules diff�rences qu�on pouvait relever d�un pays � l�autre tenaient � l�accent ou au d�tail vestimentaire. Ce sont les despotes qui nous ont fait d�tester cette notion � laquelle ils ne voulaient donner aucune r�alit� qui restreindrait leur droit de vie et de mort sur leurs peuples. A l�avenir, elle deviendra envisageable parce que les peuples, � travers les institutions repr�sentatives qu�ils vont se donner, pourront la construire s�ils le voudront selon un processus semblable � celui qui a donn� naissance � l�Union europ�enne. Je parie que ceux qui, chez nous, n�aimaient pas trop qu�on dise d�eux qu�ils �taient des Arabes, ont d� ressentir ces derniers temps un agr�able chatouillement au fond d�eux-m�mes, quelque chose comme de la fiert�. Les despotes �taient les arbres qui cachaient la for�t. Ils ont cach� la valeur et la grandeur de leurs peuples derri�re leur moi surdimensionn�, leur ego d�mesur�, leur narcissisme illimit�, nous infligeant des d�cennies durant le minable spectacle de leurs fantaisies, de leur ignorance, de leurs d�guisements th��traux, de leurs cheveux teints� Ils nous ont fait d�tester les uns les autres et nous ont oppos�s les uns aux autres, car c�est � leur aune que nous nous jugions mutuellement et n�gativement. Apr�s la chute fracassante des arbres qui nous obstruaient la vue, nous avons d�couvert une belle for�t, des millions d�arbres et d�arbrisseaux charg�s de s�ve, une flore luxuriante, de merveilleux paysages de bravoure, de solidarit� et d�originalit�. Que vont rapporter les r�volutions aux peuples qui les ont r�alis�es ? Ceux qui n�avaient pas de p�trole ne vont pas le voir jaillir de leur sous-sol ; les pauvres ne seront certainement pas beaucoup plus riches qu�avant ; les ch�meurs ne vont pas trouver de travail du jour au lendemain ; tous les manifestants ne vont pas acc�der au pouvoir� Mais d�ores et d�j�, ils se sentent plus dignes, plus proches les uns des autres, plus fiers de leur pays et de leur Etat, plus respect�s dans le monde. Ils seront bient�t heureux de s�exprimer � travers des votes sinc�res, comme on vient de le voir au Caire, d��tre repr�sent�s par des �lus choisis par eux, d�avoir une justice en laquelle ils auront confiance, de manifester le cas �ch�ant leur m�contentement sans craindre d��tre jet�s en prison ou assassin�s. Pour le reste, il ne tient qu�� eux de suivre la voie trac�e par des pays qui ont connu la dictature et en sont sortis m�tamorphos�s : l�Espagne, la Cor�e du Sud, le Br�sil, pour ne citer que ceux-l�. Il fut un temps o� notre peuple �tait reconnu par l�ensemble du monde arabe comme le meilleur parce qu�il a men� une r�volution qui a soulev� l�admiration de la plan�te. Nous �tions connus sous le label du �peuple du million�, du million de martyrs et non de barils de p�trole bien s�r. Puis notre �toile p�lit. La Tunisie, d�o� est partie la r�volution qui a restitu� sa dignit� � l�homme arabe dans le monde, et dont les r�percussions vont modifier les relations internationales dans les ann�es � venir, exporte hors hydrocarbures dix fois plus que nous. Sous le colonialisme, elle a pris les armes avant nous. Il y a cependant un terrain sur lequel nous avons battu les Tunisiens, un domaine dans lequel nous les avons devanc�s, c�est la �pr�sidence � vie�. En effet, douze ans avant notre ind�pendance, le �za�m� du mouvement nationaliste alg�rien, Messali Hadj, exigea d��tre pl�biscit� par son parti, le PPA-MTLD, �pr�sident � vie� et qu�il lui soit accord� le �droit de veto�. Il s�ensuivit une crise qui retarda la r�volution de Novembre de quatre ans et plongea les militants de son parti dans une guerre fratricide qui ne cessa qu�� la lib�ration du pays. Entretemps, les Tunisiens passaient � l�action arm�e contre la France, obtenant leur ind�pendance six ans avant nous. Bourguiba ne songera � la pr�sidence � vie, c�est-�-dire la monarchie sans l�ascendance royale et sans la couronne, que vers 1975. Il a laiss� derri�re lui un �peuple de citoyens�, quand l�exemple de Messali Hadj a suscit� � travers les g�n�rations une flop�e de �za�millons. Mohamed Bouazizi et Messali Hadj avaient un point commun : au m�me �ge � peu pr�s, ils ont exerc� le m�me m�tier : marchands de fruits et l�gumes ambulants. Il n�y a pas de sot m�tier, puisque les deux hommes sont entr�s chacun � sa mani�re dans l�Histoire. N. B. A suivre : II. Le nouveau visage du monde arabe