La strat�gie du choc comme on l�a vu a permis aux dirigeants alg�riens d�instaurer, d�s le lendemain de l�ind�pendance, un syst�me politique herm�tique qui ne laissait place � aucune alternative d�mocratique. Par la suite, en jouant toujours sur cette strat�gie du choc, les tenants du pouvoir alg�rien ont r�ussi � p�renniser ce syst�me. Il faut dire aussi que l�Alg�rie est all�e, depuis son ind�pendance � tout r�cemment, d�un choc � l�autre, ce qui a permis � ceux qui ont toujours d�cid� du destin de ce pays d�imposer toutes les r�formes qu�ils voulaient, des r�formes qui n��taient malheureusement, la plupart du temps, nullement au service des citoyens et de la nation, mais seulement en faveur de la sauvegarde des int�r�ts des oligarques qui �taient et qui sont toujours au pouvoir. Tout se passe comme si les institutions politiques alg�riennes n�ont cherch� qu'� pers�v�rer leur survie pour permettre la r�colte de plus en plus de pr�bendes. Partis politiques et institutions politiques pluralistes ne sont en r�alit� que des coquilles creuses au service d�un pouvoir qui a mis le pays en coupe r�gl�e. C'est pourquoi toutes les transformations politiques, quels que soient leurs impacts sur la sc�ne et dans la vie institutionnelle, n'organisent pas l'alternance et ne constituent pas une transition vers la d�mocratie. Le passage � la d�mocratie, qui n�est qu�une d�mocratie de fa�ade, ne r�sulte ni de l'action de forces d�mocratiques ni d'options d�mocratiques. Cette d�mocratie de fa�ade n�a �t� adopt�e que pour d�passer les blocages qui ont conduit � l'explosion populaire d'octobre 1988. La suite on la conna�t, il y a eu la d�cennie noire et toute l�abjection qui l�a caract�ris�e. Malheureusement, aucune le�on ne semble avoir �t� tir�e de tous les drames qu�a connus l�Alg�rie. Bien au contraire, encourag�s par l�extraordinaire embellie financi�re due � l�envol des cours du p�trole sur les march�s internationaux, les d�mons du pass� ont de nouveau r�investi le terrain, les m�mes r�flexes se sont remis en place, et tous les ingr�dients qui ont men� � octobre 1988 et par la suite � la fameuse d�cennie noire se sont reconstitu�s. Le parti unique est en train de refaire peu � peu surface par le fait d�une classe politique qui ne pense ni au bien-�tre de ce peuple ni � la p�rennit� de ses institutions, une classe politique dont la survie imm�diate est la seule pr�occupation, une classe politique tellement hors jeu qu�elle n�a rien trouv� de mieux � faire que de cautionner une r�vision constitutionnelle qui nous a renvoy�s trente ans en arri�re et on a le culot avec �a de venir claironner publiquement qu�il n�y a pas de crise politique en Alg�rie. J�ai d�j� �crit � propos de cette r�vision constitutionnelle et du troisi�me mandat pr�sidentiel il y a quelque temps de cela, un article qui s�est r�v�l� pr�monitoire � plus d�un titre(1) : �Je crois qu�avec ces �lections historiques, nous sommes arriv�s � un tournant d�cisif de l�histoire de l�Alg�rie, exactement comme en 1947 lorsque la l�thargie des partis politiques de l��poque a conduit � la cr�ation de l�OS et par la suite � celle du CRUA. Ces derni�res �lections viennent de mettre en �vidence l�impossibilit� du front d�mocratique � s�organiser en une v�ritable alternative politique. Il faut donc � l�Alg�rie un sursaut historique � la mesure de l��v�nement qui vient de se produire. Il faut � l�Alg�rie un nouveau personnel politique, de nouvelles figures capables de cr�er la rupture avec l�ancien syst�me et ses r�flexes rentiers. Il faudrait une r�volution politique capable de mener � une rupture �pist�mologique au sens politique du terme, c'est-�-dire une rupture avec les conceptions politiques du pass�. Ceci dit, je ne suis ni politicien ni politologue et je ne sais ni quand ni comment cette rupture va se faire, mais s�il y a une chose dont je suis s�r, c�est que cette rupture se fera t�t ou tard. La seule question est comment elle va se faire ? Esp�rons seulement que nous n�aurons plus jamais � revivre octobre 88, ni les �v�nements qui lui ont succ�d�.� Cette rupture a effectivement eu lieu, mais pas chez nous ni m�me dans le sens que j�aurais pu imaginer. Quand j�ai �crit ces lignes, les r�volutions qui viennent de secouer le monde arabe n��taient m�me pas envisageables. En effet, jusqu�� cet extraordinaire r�veil arabe impuls� par une gifle ass�n�e � un pauvre bougre qui ne demandait qu�� gagner honn�tement sa vie en colportant des l�gumes, gifle qui a d�clench� une r�action en cha�ne, un tsunami balayant des r�gimes qu�on croyait d�finitivement inamovibles, jusque-l� donc, je n�aurais pas un seul instant imagin� que le peuple tunisien, le peuple �gyptien et encore moins le peuple y�m�nite de gandouras v�tu avec un coutelas � la ceinture et la joue d�form�e de kat, ces peuples qui semblaient si r�sign�s pour les uns et � moiti� drogu�s pour les autres pouvaient se soulever en un seul homme pour dire �Ben Ali d�gage !� ou encore �Moubarak ou Saleh irhal�, faisant preuve d�une conscience politique aigu� et brisant d�finitivement le mur de la peur et de la terreur. J�ai toujours pens� que la r�volution viendrait de notre pays, des Alg�riens connus pour �tre un peuple frondeur et m�me violent. Malheureusement, c��tait sans tenir compte des polytraumatismes et des d�g�ts qu�ils ont engendr�s entachant durablement et de fa�on ind�l�biles les esprits, occasionnant une r�gression incommensurable dans les mentalit�s et les comportements des Alg�riens. Les chocs successifs v�cus par les Alg�riens ont �t� tels qu�on peut m�me parler de n�vrose traumatique. Ce terme de n�vrose traumatique est apparu en 1882 et d�signait un ensemble de troubles n�vrotiques cons�cutifs � la frayeur �prouv�e lors des accidents de chemin de fer. Ce terme s'est peu � peu �tendu pour d�signer tout trauma psychique cons�cutif � des agressions telles que la guerre, les attentats et les catastrophes naturelles. Le sujet peut �tre uniquement spectateur et ne pas avoir �t� en danger r�el, cependant, cet �v�nement peut modifier la personnalit� du sujet qui devient plus inhib� intellectuellement, physiquement et sexuellement. Le sujet recherchera alors la s�curisation et la d�pendance envers autrui. Ainsi, toute situation traumatique peut amener une r�gression et pousser le sujet � rechercher la s�curisation et la d�pendance envers autrui. Apr�s un choc massif on peut donc facilement r�gresser pour redevenir des enfants. Freud dans Les cinq psychanalyses(2) �crit que �dans le r�ve et dans la n�vrose, se retrouve l�enfant avec toutes les particularit�s qui caract�risent son mode de penser et sa vie affective (�) et nous y retrouvons encore l�homme primitif sauvage tel qu�il nous appara�t � la lumi�re des recherches arch�ologiques et ethnographiques�. Par ailleurs, Freud(3) croit qu�il y a une correspondance entre les stades de d�veloppement de l�humanit� et ceux de l�enfance. �Nous trouvons, dit-il, qu�aussi bien dans le temps que par son contenu, la phase animiste correspond au narcissisme, la phase religieuse au stade d�objectivation, caract�ris� par la fixation de la libido aux parents, tandis que la phase scientifique a son pendant dans un �tat de maturit� de l�individu qui est caract�ris� par la renonciation � la recherche du plaisir et par la subordination du choix de l�objet ext�rieur aux convenances et aux exigences de la r�alit�.� Le choc traumatique peut parfaitement mener � une n�vrose traumatique et faire en sorte que toute une nation puisse retomber pratiquement dans l�enfance, la ramenant ainsi � une �tape de son �volution qui correspondrait � celle qualifi�e par Freud de phase religieuse caract�ris�e par la fixation de la libido aux parents, phase enti�rement sous l�emprise de l�irrationnel et des interpr�tations occultes qui peuvent ouvrir la voie devant des gourous et des charlatans de toutes esp�ces et permettre � ces m�mes charlatans et gourous de se poser en messie ou encore en sauveur providentiel, transformant les masses en une esp�ce de horde primitive plus encline � suivre les gourous ou les leaders qui pr�tendent les prot�ger. L�instrumentation de ces traumatismes et des r�gressions qu�ils ont occasionn�es a permis au pouvoir alg�rien de perp�tuer son emprise sur un peuple qui est redevenu par la force des meurtrissures qu�il a subies un grand enfant ne recherchant que la satisfaction imm�diate de ses besoins les plus �l�mentaires. Ce pouvoir l�a d�ailleurs tr�s bien compris puisqu�il vient de s�engouffrer avec force dans cette br�che des revendications populaires allant dans le sens de toutes les revendications. Aujourd�hui, les Alg�riens, �chaud�s par une violence dont ils viennent � peine de se remettre, infantilis�s, fatigu�s de lutter contre des moulins � vent, contre un syst�me qui arrive � chaque fois � rebondir, sont devenus d�missionnaires. Ils ont abdiqu� et n�aspirent plus qu�� essayer de tirer le maximum de dividendes, le maximum de profits et de b�n�fices de cette gouvernance, de ce pouvoir pr�t � tout pour se maintenir et m�me � acheter toute une nation s�il le faut pour sauvegarder ses int�r�ts, un pouvoir qui d�ailleurs ne l�sine pas devant le prix � payer pour s�acheter une paix sociale. Cette strat�gie malheureusement n�est pas viable � long terme, elle peut momentan�ment faire taire les griefs et les revendications, mais elle ne fait qu�aggraver la situation parce que ce qui est donn� aujourd�hui n�aura plus aucune valeur dans une ann�e ou deux sans plus, c�est le tonneau des Dana�des qui ne pourra jamais �tre rempli inflation oblige. Cette strat�gie du pire est en train de transformer le pays en un gigantesque bazar et les Alg�riens en un immense tube digestif, de grands enfants totalement d�c�r�br�s, les condamnant � n��tre que des consommateurs effr�n�s sans aucune contrepartie productive. Ou encore en une v�ritable horde primitive. D�un point de vue phylog�n�tique et si l�on en croit le point de vue de Freud dans Totem et tabou(Paris, Payot, 2001), pour qu�une soci�t� puisse acc�der au stade de la civilisation, elle doit d�passer le stade de la horde primitive. Dans cet ouvrage, l�hypoth�se de Freud est qu�avant l�av�nement de la civilisation, l�humanit� vivait en hordes ou encore en tribus (la horde primitive correspondrait � la soci�t� originelle). Pour Freud, ce qui caract�risait ces hordes, c�est la toute puissance du p�re qui s�exprimait par la possession par celui-ci de toutes les femmes de la tribu ou de la horde. Freud, s'inspirant d'une conviction de Darwin, suppose donc � l'origine de l'humanit� une horde primitive, groupement humain sous l'autorit� d'un p�re tout-puissant qui poss�de seul l'acc�s aux femmes. Il pr�suppose alors que les fils du p�re, jaloux de ne pouvoir poss�der les femmes, se rebell�rent un jour et le tu�rent, pour le manger en un repas tot�mique. Une fois le festin consomm�, le remords se serait empar� des fils rebelles, qui �rig�rent en l'honneur du p�re, et par peur de ses repr�sailles, un totem � son image. Afin que la situation ne se reproduise pas, et pour ne pas risquer le courroux du p�re incorpor�, les fils �tablirent des r�gles, correspondant aux deux tabous principaux : la proscription frappant les femmes appartenant au m�me totem (inceste) et l'interdiction de tuer le totem (meurtre et parricide). L�Alg�rie malheureusement n�est pas encore au bout de ses peines et la soci�t� alg�rienne, traumatis�e par une suite d��v�nements qui l�ont lamin�e, malmen�e par un syst�me qui l�a d�finitivement infantilis�e, risque fort de continuer encore longtemps � vivre en �horde primitive� d�structur�e, parce qu�elle n�a pas de relais sociaux sur lesquels s�appuyer. C�est une soci�t� qui n�a pas encore r�ussi � faire sa mue. Par cette �uvre, Freud r�sume le �grand mythe� scientifique qu�il a construit et �tay� par de nombreux exemples pour expliquer la naissance de l�humanit�, c�est-�-dire de la socialisation. Ainsi, l�origine de la socialisation, l�av�nement de la civilisation humaine doit, selon cette hypoth�se, passer par le meurtre du p�re. Si on transpose ce mythe � notre �poque contemporaine, en supputant que m�me les soci�t�s modernes ne peuvent �voluer, s��manciper sans cette conditions sine qua non qui est �le meurtre symbolique du p�re�. Cette transposition peut alors parfaitement s�appliquer notamment aux r�gimes totalitaires o� le peuple n�est rien de plus qu�une abstraction, livr� au bon vouloir de ses gouvernants. Dans ces r�gimes, �le p�re symbolique� pourrait �tre le chef de l�Etat qui concentre entre ses mains tous les pouvoirs, muselant par la force brutale toute vell�it� d�opposition et d��mancipation, ou encore une oligarchie politique se partageant le pouvoir au d�triment de toute la nation. Quant aux enfants de �ce p�re symbolique�, ils seraient repr�sent�s par le peuple maintenu dans une quasi-servitude au moment o� ce chef d�Etat et l�oligarchie politique qui l�entoure font main basse sur toutes les richesses. Le bienfond� de cette hypoth�se est en train de se v�rifier aujourd�hui de fa�on spectaculaire par ce qui vient de se passer en Tunisie, en �gypte et ce qui est en train de se d�rouler sous nos yeux, � la t�l�vision, en Libye. Les enfants de ces nations se sont r�volt�s contre les abus de pouvoir du chef de l�Etat, ce �p�re symbolique� qui concentre entre ses mains tous les pouvoirs et toutes les jouissances que la nation pouvait offrir en maintenant le peuple (les fils symboliques) dans l�indigence pour ne pas dire la servitude. Mais il n�y a pas que ces deux r�volutions qui sont entrain de se d�rouler sous nos yeux qui permettent de v�rifier le bien-fond� de cette hypoth�se. En effet, l�histoire vient renforcer cette th�se d�une mani�re plus �loquente encore. En effet, l�av�nement de la soci�t� moderne, de la d�mocratie et des droits de l�homme, l�av�nement d�une soci�t� juste et �galitaire n�a pu advenir qu�au prix d�une r�volution sanglante, en l�occurrence la r�volution fran�aise, et ce, apr�s le �meurtre� du �p�re symbolique� de la nation : le roi Louis XVI. De m�me, les Russes n�ont pu s�affranchir de la servitude du tsarisme qu�apr�s, l� aussi, le meurtre du �p�re symbolique� de la nation : le tsar Nicolas II. C�est � ce prix que ces nations ont r�ussi � s��manciper et � sortir de la servitude dans laquelle les maintenait leur syst�me politique. Ainsi, aucune �mancipation sociale ne peut advenir sans une r�volution qui m�nerait vers un ordre nouveau. Sans cette r�volution, la soci�t� ne peut rester qu�une �horde primitive� gouvern�e par un p�re omnipotent, omnipr�sent et omniscient. S�agissant de la soci�t� alg�rienne, il y a eu certes une r�volution qui a essay� de d�barrasser le pays de la dictature de ce �p�re symbolique�. La r�volution d�octobre 88 �tait en effet une tentative qui a failli mettre d�finitivement � mal le syst�me politique qui a gouvern� l�Alg�rie sans partage de l�ind�pendance jusqu�� l�av�nement de cette date, mais c��tait compter sans la capacit� qu�avait ce syst�me � se red�ployer pour rena�tre. En effet, ce syst�me est toujours l�, plus pr�sent qu�il ne l�a jamais �t�, et le parti qui est � l�origine des malheurs de cette nation est lui aussi toujours debout et plus arrogant que jamais. L�Alg�rie malheureusement n�est pas encore au bout de ses peines et la soci�t� alg�rienne, traumatis�e par une suite d��v�nements qui l�ont lamin�e, malmen�e par un syst�me qui l�a d�finitivement infantilis�e, risque fort de continuer encore longtemps � vivre en �horde primitive� d�structur�e, parce qu�elle n�a pas de relais sociaux sur lesquels s�appuyer. C�est une soci�t� qui n�a pas encore r�ussi � faire sa mue. L�Alg�rien, prisonnier de son quotidien, ne sait pas encore s�organiser en soci�t� civile pleinement consciente de ses droits. En fait, les jeunes pourraient bien �tre la seule force de changement possible comme �a a �t� le cas en Tunisie, en �gypte, comme c�est le cas aujourd�hui en Libye, au Y�men et m�me tout r�cemment an Syrie. En Alg�rie, les jeunes, qui totalisent � eux seuls pr�s de 60% de la population, n�ont pas connu, pour la majorit� d�entre eux, la guerre d�Alg�rie et ses affres. Ils n�ont pas connu le parti unique et ses malversations spoliatrices. Pour ce qui est de la d�cennie noire, la plupart d�entre eux �taient trop jeunes pour pouvoir s�en faire une id�e pr�cise. Cette jeunesse n�est heureusement pas encore corrompue, elle est encore saine et n�aspire qu�� mieux vivre, mais vivre o� ? Dans une soci�t� qui les renie et qui ne leur reconna�t aucun statut ? Cependant, malgr� ce constat, force est de se rendre � l��vidence : la jeunesse alg�rienne ne bouge pas et ne bougera peut-�tre pas. Il ne faut surtout pas se m�prendre sur ce silence de la jeunesse alg�rienne aujourd�hui devant ce qui se passe dans la rue arabe. Ce silence ne veut nullement signifier que la jeunesse alg�rienne est satisfaite de son sort et qu�elle accepte cette gouvernance, qu�elle est inconsciente ou encore �cr�tine� et donc incapable d�avoir une vision soci�tale ou une quelconque aspiration politique. Ce qui se passe dans ce pays, c�est qu�il n�y a pas de communication, il n�y en a jamais eu d�ailleurs, entre les adultes et les jeunes. Ce qui se passe, c�est que cette jeunesse a toujours �t� marginalis�e, infantilis�e, abrutie par un syst�me �ducatif qui n�a jamais �uvr� dans le sens de l�excellence et du d�veloppement de l�esprit critique. Par ailleurs, la jeunesse alg�rienne n�a plus confiance dans ses ain�s, lesquels, s�ils ne sont pas corrompus, sont totalement d�missionnaires. Si cette jeunesse ne bouge pas, c�est parce qu�elle a fait son deuil d�une vie d�cente dans ce pays et n�aspire qu�� une seule chose : fuir ce pays et si possible le plus loin possible. En effet, consciente des conditions de vie qui lui sont impos�es, des restrictions auxquelles elle est quotidiennement confront�e et de la quasi-inexistence d�infrastructures d�accueil qui r�pondent � ses besoins. Livr�e � elle-m�me, r�duite � squatter les porches des immeubles, ou � rester adoss� � longueur de journ�e aux murs des quartiers, pour faire face et pour ne pas succomber aux autres formes mortif�res d�affirmation de soi, cette jeunesse, � qui on a confisqu� m�me les r�ves, cette jeunesse qui ne r�ve plus n�a malheureusement plus qu�une seule id�e en t�te, en fait le seul r�ve que ce syst�me a �chou� � lui confisquer : fuir ce pays, quitter l�Alg�rie dans le but d�une situation meilleure en Europe, au Canada ou m�me en Australie. Voil� les raisons essentielles qui font que la jeunesse alg�rienne ne bouge pas. C�est comme si elle ne se sent pas du tout concern�e par ce qui se passe dans ce pays. Les Alg�riens, toutes cat�gories d��ge confondues, n�aspirent qu�� une seule chose : mettre le plus de distance possible entre eux et ce pays. M�me les mieux nantis ne veulent plus vivre dans ce pays de la d�sesp�rance. Combien d�universitaires ou encore de cadres parfois tr�s bien r�mun�r�s ont-ils d�j� fui ce pays ? Pourquoi la plupart de ceux qui nous gouvernent ou de ceux qui le peuvent envoient-ils leurs enfants faire leurs �tudes � l��tranger en leur faisant bien comprendre de tout faire pour ne plus revenir dans ce pays o� la mal-vie a atteint le plus haut degr� de la d�sesp�rance ? Je ne sais pas vraiment d�o� viendra le salut de l�Alg�rie ; le dernier discours du pr�sident de la R�publique n�a pas r�pondu � cette question et est bien en de�� des attentes et des esp�rances quant � un v�ritable changement. J�ai bien peur que nous sommes partis pour rester le seul peuple dans tout le monde arabe � ne pas bouger, � ne pas vouloir changer cet ordre �tabli pour une soci�t� plus juste, plus �quitable, une soci�t� o� le mot d�mocratie ne sera plus un v�u pieu. Pourquoi ? Parce que la d�sesp�rance a atteint, dans ce pays, des seuils dont il est difficile de revenir. Je l�ai d�j� dit, aucun Alg�rien ne veut plus vivre dans ce pays, le pays du FLN. Rien ne pourra donc se faire tant que ce parti restera au pouvoir ou m�me tant que ce parti existera. Si on veut redonner de l�espoir � ce peuple, � cette nation, il faut une refondation totale du syst�me politique alg�rien, il faut que ce glorieux sigle : FLN, Front de lib�ration nationale, ce sigle pour lequel un million et demi d�Alg�riens sont tomb�s au champ d�honneur, soit restitu� � ses p�res fondateurs et remis au mus�e de la r�volution alg�rienne. Personne ne peut ni n�a le droit d�instrumentaliser le sang des chouhada � des fins purement politiciennes, de m�me que personne n�a le droit d�instrumentaliser la religion pour arriver au pouvoir. La religion et le FLN appartiennent � tous les Alg�riens et ne peuvent servir � quiconque d�alibi politique. Pour terminer, j�ajouterai juste pour rappel que m�me si la d�mocratie n�est pas un syst�me politique parfait, qu�elle est le moins mauvais des r�gimes politiques, jusque-l�, c�est le seul syst�me politique v�ritablement viable. Tous les autres modes de gouvernance ont montr� leurs limites. Il n�y a qu�� voir quels sont les pays les plus riches et les plus avanc�s de la plan�te pour souligner l�int�r�t pour une nation d�opter pour ce syst�me politique qui ouvre la voie aux libert�s individuelles, au respect des droits de l'homme, et o� personne n�est au-dessus de la loi. M.-N. N. (1) Qui est cet Alg�rien dont on parle ? Le Quotidien d�Orandes 26, 27 et 28 avril 2009 (2) Freud S. (1954), Les cinq psychanalyses, Paris, PUF. (3) Freud S. (1965), Totem et tabou, Paris Payot.