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Propositions pour surmonter la crise actuelle de l'universit�
Publié dans Le Soir d'Algérie le 03 - 04 - 2011


Par le Pr M. Mezghiche
Le d�cret n�10-315 paru dans le Journal officiel du 13/12/2010, sans le vouloir, a remis sur le tapis le d�bat sur la r�forme de l�universit� et pose en m�me temps le probl�me de la gestion d�mocratique des institutions de l'Etat. Ce d�cret a montr� aussi les cons�quences graves de d�cisions prises dans des bureaux loin des r�alit�s du terrain. Il est visible que les r�dacteurs de ce d�cret voulaient mettre le syst�me LMD au-dessus de tout et ainsi se targuer d'avoir r�ussi la r�forme.
Ce m�me d�cret a mis aussi en exergue l�absence d�une vision coh�rente de l'architecture de l'ensemble du syst�me de la formation universitaire. La protestation des �tudiants a port� au-devant de la sc�ne tous ces probl�mes. L'universit� n'est pas seulement cens�e d�livrer des dipl�mes et produire un savoir abstrait, mais contribuer aussi au d�veloppement �conomique et social du pays. C'est le manque d'articulation entre savoir et d�veloppement social qui ne permet pas l'appr�ciation de la valeur de chaque dipl�me. Les �tudiants, sans autre perspective, n'ont d'autre choix que de vouloir obtenir le dipl�me le plus �lev�. La contestation des �tudiants exprime le rejet de la vision de l'�chelle des dipl�mes de la part des responsables de l'enseignement sup�rieur et traduit aussi un grand malaise d� au manque de visibilit� sur leur avenir. Un d�bat d�mocratique sur l'enseignement en Alg�rie, le plus large possible, est plus que n�cessaire aujourd'hui pour sortir de l'impasse actuelle. Dans ce qui suit, nous exposerons quelques id�es pour enrichir le d�bat � mener pour sortir l'universit� de son marasme. L'enseignement sup�rieur assure la formation dans diverses disciplines et offre plusieurs niveaux de formation. Ceci appelle donc la mise en place de passerelles et aussi un syst�me d��quivalence des dipl�mes avec comme souci principal de garder la coh�rence de tout le syst�me d'enseignement sup�rieur. De plus, il faut garder � l�esprit que chaque dipl�me remplit une t�che bien d�finie dans le syst�me de formation. Par exemple, il faut regarder la formation de master 2 et celle d'ing�nieur d�Etat comme des formations compl�mentaires. Chacune des deux peut avoir sa sp�cificit�. Dans certains pays o� les deux formations de master et ing�nieur coexistent, les ing�nieurs sont destin�s pour occuper les postes de cadres d'entreprise. Les master 2 sont, eux, consid�r�s comme experts. Les uns et les autres ont leur place dans le monde professionnel. Les uns et les autres trouvent aussi leur place dans le monde de la recherche scientifique sans discrimination aucune.
Ing�nieur d'Etat et master 2 au m�me niveau sur l'�chelle des dipl�mes
Le probl�me d��quivalence entre master 2 et ing�nieur d�Etat, ou bien le probl�me de savoir lequel des deux dipl�mes est le plus valorisant est � mon sens un faux probl�me. Ce n'est pas pertinent d'opposer ceux qui d�fendent le syst�me LMD et ceux qui d�fendent le syst�me classique. Le plus important est de pr�ciser les missions de chacune des formations et travailler pour les rendre plus performantes pour une formation de qualit� dans le syst�me d'enseignement sup�rieur et s'interroger si ces formations contribuent r�ellement � former une �lite capable de r�soudre les probl�mes pos�s par la soci�t�. Comment placer le M2 et l�ing�nieur d�Etat dans l'�chelle des dipl�mes ? La r�ponse � cette question est simple. Le dipl�me donnant acc�s � l�universit� et aux �coles d�ing�nieur est le bac. Il faut donc prendre ce dipl�me comme r�f�rence de base. C�est le nombre d�ann�es n�cessaires pour avoir un dipl�me qui permet de le situer dans l��chelle hi�rarchique des dipl�mes de l�universit�. Cette r�gle doit �tre appliqu�e � tous les dipl�mes. Par exemple, master 2 et ing�nieur d�Etat doivent �tre plac�s au m�me niveau dans cette �chelle. Chacun requiert un bac +5.
Organisation et gestion des �tudes doctorales
Il n'y a pas de doctorat classique et de doctorat LMD. Il existe seulement un dipl�me unique appel� �doctorat d'universit�. Partant de ce constat, et dans le souci de rendre coh�rent le syst�me de la formation sup�rieur et aussi soucieux d'�viter des disfonctionnements, il faut tr�s rapidement installer de nouvelles r�gles pour l'organisation et la gestion des �tudes doctorales. Avant de d�finir quel type de r�gles faut-il introduire, rappelons bri�vement quelques aspects n�gatifs et quelques points positifs de la formation doctorale telle qu'elle est aujourd'hui. Avant la mise en place de la r�forme LMD, la formation doctorale �tait compos�e de deux paliers. Le premier palier, le magist�re dont l'acc�s se fait par concours national. L'obtention de ce dipl�me n�cessite 3 ann�es d'�tudes apr�s l'ing�niorat. On peut dire c'est un bac +8. Le doctorat demandera au minimum 4 ann�es d'�tudes apr�s le magist�re. L'inconv�nient majeur de ce type de formation est la longue dur�e n�cessaire pour l'obtention du dipl�me du doctorat. Ceci co�te cher aux finances publiques et l'�ge des doctorants d�passe souvent la quarantaine. Cela est absurde. Le seul avantage de l'existence du palier interm�diaire magist�re est qu'il permet de former rapidement des sp�cialistes dans des domaines diff�rents qui peuvent �tre recrut�s comme ma�tre-assistant � l'universit�. Ces dipl�m�s vont rarement � l'entreprise pour des raisons d'absence d'offre d'emplois dans le secteur productif. Le syst�me LMD n'offre pas de palier interm�diaire dans la formation doctorale. L'�tudiant titulaire d'un master 2, apr�s une s�lection sur dossier, s'inscrit en doctorat qu'il est cens� pr�parer en 4 ann�es. Cette organisation est r�cente et nous n'avons pas assez de recul pour pointer ses avantages et ses inconv�nients. Mais l'exp�rience de son application depuis deux ann�es a fait ressortir les points suivants :
� La s�lection des �tudiants est bas�e principalement sur dossier et sur les r�sultats obtenus durant son cursus. Ce crit�re de s�lection n'est pas pertinent. Certes, le parcours et les r�sultats obtenus par le candidat sont un important indicateur, mais il est loin de refl�ter ses capacit�s et son int�r�t pour un domaine de recherche particulier.
� Dans les pays o� ce syst�me est appliqu�, la s�lection se fait au niveau du semestre 4. Le projet du m�moire est le pr�lude du sujet de th�se de doctorat. Le contrat d'engagement entre l'enseignant encadreur et l'�tudiant est tr�s clair. L'�tudiant sait ce qui l'attend et l'enseignant sait � qui il a affaire. Ce type d'organisation est malheureusement inapplicable dans notre universit�. C'est la cons�quence du manque d'encadreurs et l'effectif important des �tudiants en M2. Les moyens en encadrement dans l'universit� alg�rienne ne permettent pas la r�ussite d'un tel syst�me.
Au contraire, ce type de formation inadapt�e engendrera � court terme une crise profonde qui d�coulera du fait de l'inscription d'une pl�thore d'�tudiants sans pouvoir les amener � soutenir leur th�se valable. Il est tr�s difficile de limiter les inscriptions sous la pression de plus en plus forte. Devant une telle situation, beaucoup de responsables de la tutelle seront tent�s, pour faire baisser les tensions, de revoir � la baisse les conditions de soutenabilit� du doctorat, encore seul garde-fou pour �viter la m�diocrit�. La proposition qui semble la plus raisonnable, si on veut en m�me temps impulser une formation sup�rieure de qualit� et offrir les m�mes chances aux ing�nieurs d'Etat que les titulaires du M2, on doit tenir compte des remarques pr�c�dentes. Voici quelques suggestions :
1. Les ing�nieurs d'�tat et titulaires de master 2 doivent avoir acc�s dans les m�mes conditions � la formation doctorale. Le meilleur moyen serait par voie de concours dont les modalit�s restent � d�finir.
2. Les candidats admis au concours suivront pendant une ann�e des cours de mise � niveau et des cours sur des th�mes de recherche. A l'issue de laquelle ils subiront une �valuation. Les candidats re�us seront aptes et autoris�s � s'inscrire en doctorat. Le candidat sera autoris� si son �tat d'avancement dans son travail de recherche est satisfaisant � soutenir un m�moire qui lui permettra d�obtenir le dipl�me de magist�re. En m�me temps, cela lui donnera la possibilit� d��tre recrut� comme ma�tre-assistant. Ce sera une sp�cificit� alg�rienne dict�e par la forte demande de formateurs et le manque d'encadrement.
Cette solution aura l�avantage d��courter, pour certains candidats, la dur�e de l�obtention du dipl�me de doctorat avec la possibilit� pour d�autres de terminer avec un dipl�me de magist�re. Le manque d�une prise en charge rapide des �tudes doctorales engendrera � terme les probl�mes suivants :
� P�nuries d�enseignants � recruter � l�universit�. La majorit� des enseignants recrut�s aujourd�hui est titulaire du magist�re. Le doctorat �tant plus difficile � obtenir, cons�quence des conditions insuffisantes d�encadrement et des moyens disponibles dans les universit�s. Ceci laisse pr�voir des grandes tensions, d�une part les candidats voudront soutenir et, d�autre part, l�universit� voudrait recruter pour pallier � son manque d�enseignants.
� Ces tensions pr�visibles dicteront aux gestionnaires de prendre des mesures pour palier aux cons�quences qui peuvent �tre un �l�ment de d�stabilisation important. La tutelle aura le seul choix de revoir � la baisse les conditions de soutenance d�une th�se ouvrant ainsi la voie � la m�diocrit�.


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