Par M�hand Kasmi L�Alg�rie, il faut dor�navant le clamer publiquement, est un pays-continent qui s��chine � vouloir cultiver et conjuguer en conjurant le fatal �clatement par �cart�lement qui la guette � tout moment, l��cumante dentelle de ses balcons avanc�s sur la M�diterran�e � la sobre et aust�re profondeur de ses enracinements multiples dans les cha�nes l�gendaires de ses deux Atlas. Ceci pour la t�te. Quant au corps, il contourne lascivement en les enla�ant les oc�ans de sables de ses deux ergs occidental et oriental et l�orgueilleux et fier Hoggar, qui ach�ve de conf�rer aux invisibles lignes d�assemblage du tout la majest� et le grain de beaut� que ce vaste espace c�l�bre � tous les temps. Nous devons �galement � la v�rit� statistique du classement des pays par le poids de leur occupation spatiale, de dire � une fois n�est pas coutume � haut et fort que par sa superficie stricto sensu, notre pays est le 10e plus grand �continent� du monde. Avec la partition quasi-consomm�e du Soudan, il gagne une place au classement et occupe dor�navant le 9e rang. Nous devons enfin nous rendre � l��vidence qu�� l�exception du Kazakhstan et du Soudan, les sept autres pays continents plus vastes que l�Alg�rie sont des superpuissances d�velopp�es ou �mergentes (Russie, �tats-Unis, Chine, Inde, Canada, Australie, Argentine). Pourtant, certains de ces pays tels l�Argentine et l�Australie ne disposaient et ne disposent toujours pas du prestige et de l�aura dont jouissait l�Alg�rie, au moment o� elle recouvrit sa souverainet� sur cet immense espace au positionnement g�ostrat�gique aussi immense que le sacrifice des hommes et des femmes qui en ont rendu sa lib�ration possible. Un monde qui bouge dans tous les sens� et les injonctions pressantes de l�histoire Comment r�ins�rer ce territoire dans la dynamique de d�veloppement durable que lui ont trac� sa g�ographie et son histoire d�exception, tel semble �tre le dilemme politico-corn�lien auquel est pr�sentement confront� notre pays, � la veille de la c�l�bration du cinquanti�me anniversaire de son accession � l�ind�pendance. Un d�fi qui affleure dans un contexte r�gional nouveau, fortement marqu� par les convulsions accompagnant de douloureux et fondamentalement f�conds accouchements d�une histoire qui s�acc�l�re. Le projet est titanesque et le challenge pour le mettre � flot tout simplement historique. Il aura fallu en effet attendre un demi-si�cle apr�s le recouvrement de cette ind�pendance, pour que notre pays se forge enfin l�instrument strat�gique qui lui faisait tant d�faut jusqu�� aujourd�hui, pour lancer un d�fi majeur aux �ch�ances de demain, � partir d�un diagnostic strat�gique des erreurs et errements d�hier. Et dans un monde qui bouge d�sormais chaque jour un peu plus et dans tous les sens, un monde globalis� qui trace par ses additions non arithm�tiques et non lin�aires d�exp�riences de reniements, parfois violents, de g�n�reuses perspectives, demain, c�est d�j� aujourd�hui. La fabrication d�brid�e de territoires est aujourd�hui � l�ordre du jour � l��chelle plan�taire, mieux, � nos fronti�res imm�diates (il n�y a qu�� m�diter les exemples du Soudan et de la Grande Jamahiria). Etre ou dispara�tre, tel est aujourd�hui le credo manag�rial qui doit guider et structurer toutes les d�marches de prise en charge de l�avenir des peuples, de leur vraie souverainet�, dans tous les domaines vitaux ! C�est cet enjeu soci�tal majeur, tendu par la n�cessit� imp�rieuse de tracer les contours d�un territoire synth�se � la g�ographie fa�onn�e par �les donn�es du terrain et les injonctions de l�histoire�, qui a irrigu� de part en part les travaux de la conf�rence nationale sur le sch�ma d�am�nagement du territoire qui s�est tenu le 4 avril au Palais des nations � Club-des- Pins. C�est le minist�re de l�Am�nagement du territoire et de l�Environnement qui s�est charg� de tenter de donner corps et vie � ce nouveau-n� du tableau de bord n�cessaire au pilotage strat�gique du destin de la nation en conf�rant aux contours de ses composantes toute la consistance et l��paisseur communicative qu�elles commandaient. Mais ce jour-l�, une seule sp�cialit� ne pouvait suffire ! C��tait un grand pas en avant qu�il s�agissait de faire franchir � la nation en commen�ant par la premi�re promotion publique, le primo �marketing� du Sch�ma national d�am�nagement du territoire (SNAT) au millier de participants pr�sents dans la grande salle pl�ni�re. La circonstance : l�adoption par le Parlement et la promulgation par le pr�sident de la R�publique de la loi 10-02 du 29 juin 2010, portant approbation de ce SNAT. Les mots sont forts, judicieusement cisel�s, enrob�s de chiffres lourds, parlant par eux-m�mes. Certains donnent carr�ment froid au dos. �Des seuils d�irr�versibilit� et d�irr�parabilit� dans l�occupation et le rapport avec le territoire ont �t� franchis !� �Nous avons d�pass� les droits de tirage que la nature alg�rienne nous a g�n�reusement octroy�s !� insiste le ministre de l�Am�nagement du territoire et de l�Environnement. �Ce constat est largement partag� !� Un exercice de bienfaisante auto-flagellation collective aux coups tout juste amortis par le d�licat et imperceptible clic de souris du diaporama. C�est ainsi que l�immense coupole fut mise en mode veilleuse, comme pour servir de r�v�lateur � la couleur particuli�rement sombre des �l�ments du bilan strat�gique de l��tat du territoire ou aux couleurs chatoyantes du r�ve �veill� d�un territoire annonc�, r�alisant le �juste dosage entre le r�alisme et l�utopie�. M�me le tr�s officiel et �conservateur� Journal officiel de la R�publique alg�rienne, d�mocratique et populaire s�est mis de la partie. Il a d�cid�, l�espace d�un num�ro sp�cial consacr� � cette loi, d�abandonner l�aust�re papier dont ont �t� envelopp�es toutes les lois de la nation alg�rienne depuis l�Ind�pendance, pour accueillir les graphes aux lignes futuristes parfois carr�ment �sot�riques, ainsi que les cartes aux �chelles les plus fines du Sch�ma national d�am�nagement du territoire. Le moment est vraiment historique. Il semble tenir toutes ses promesses au plan symbolique tout au moins. Quand apr�s une heure de plaidoyer particuli�rement percutant sur les contours du nouveau cadre de r�f�rence de l�action des pouvoirs publics jusqu�� l�horizon 2030, d�clam� dans un silence quasi-religieux, y compris dans le carr� r�serv� aux habitu�s du lieu (ministres, walis, ambassadeurs, membres des commissions du Parlement), Ch�rif Rahmani �gr�ne les propositions, les visages s�animent dans les trav�es de la salle r�serv�e aux participants et invit�s hors apparatchiks, admiratifs : �L�espoir est donc possible, permis. Des actions de rattrapage de notre d�labrement collectif sont possibles.� C�est ce moment que choisit ce dernier pour ass�ner : �Une loi aussi importante, c�est bien. Mais elle est faite pour �tre appliqu�e !� C��tait le signal donn� pour le lancement des travaux des ateliers, dont la mise en place ob�issait au souci d�assurer la meilleure applicabilit� de cette loi. Les g�nies malfaisants du Palais des nations dans leurs �uvres Ce fut le d�but du deuxi�me moment fort, au sens le plus n�gatif et m�me n�gationniste qui soit, de la conf�rence : celle qui devait voir les usages et pratiques de ce haut lieu de distribution et redistribution symbolique du pouvoir et de la rente prendre leur revanche sur les r�ves �veill�s de la s�ance d�ouverture du matin g�n�reusement et po�tiquement r�sum�s par le slogan g�n�rique de la Conf�rence �Les racines du futur�. Cette revanche des g�nies mal�fiques habitant les lieux (le Palais des nations), sevr�s depuis fort longtemps de conclaves de ce type, commen�a d�s le d�jeuner : les participants qui tent�rent � leur honneur d�fendant de donner corps � leurs r�veries �veill�es en s�attardant dans les ateliers au-del� de l�heure du rush �bien alg�rien� vers les restaurants ont failli ne pas d�jeuner. Dans les ateliers, les logiques sectorielles de d�fense de clochers des seigneuries f�odales que sont devenus certains d�partements minist�riels ont vite fait de reprendre le dessus sur l�intersectorialit� �vidente appel�e de tous leurs v�ux par les experts qui ont �labor� la probl�matique de mise en �uvre du SNAT. Certaines de ces querelles �clatent y compris dans les grandes familles cens�es mailler l��quilibre de base des territoires. La route se retrouve subitement � reprocher au rail d��tre trop dispendieux et sans rentabilit� imm�diate statistiquement v�rifi�e et le rail qui a repris de la couleur ces derniers temps conteste en retour la rentabilit� de tron�ons entiers de route comme ceux situ�s entre Berriane et� le Grand Sud. D�cid�ment, les droites parall�les du rail et de l�autoroute ne sont pas faites pour se croiser un jour chez nous, y compris les vastes �territoires� de nos r�ves les plus fous. Dans l�atelier mis en place pour �cr�er les conditions de l�attractivit� et de la comp�titivit� des territoires�, la repr�sentante du d�partement minist�riel charg� de la recherche scientifique d�fend bec et ongles �son� espace institutionnel en �regrettant vivement� que les documents cens�s introduire le d�bat sur le nouveau concept de territoires au pluriel ne fasse pas r�f�rence � la loi sur la recherche scientifique initi�e par �son� minist�re. Le pr�sident de l�atelier, ministre d�l�gu� de la Recherche scientifique dans sa vie politique ant�rieure, se d�fend d�avoir oubli� le territoire de ses inaccomplis flirts politiques avec le destin de la nation. Ce m�me pr�sident d�atelier �carte d�un revers de main une proposition d�un repr�sentant d�une association locale qui recommandait d�inscrire la culture comme facteur direct de production de richesses et d�instrument de diff�renciation de l�attractivit� et de la comp�titivit� des territoires. La raison : cette proposition semble ne pas se situer dans l�axe de r�flexion propos� � un atelier pr�sid� par un ex-ministre qui ne reconna�t � l�autoroute Est-Ouest d�autres vertus que celle �conomiques et sociales de son arrogance horizontale. Les dimensions culturelles transversales ind�niables de ce projet qui devrait permettre pour la premi�re fois depuis l�ind�pendance � l�Alg�rien de Maghnia de parler de l�avenir du territoire qu�il partage durablement avec son fr�re de Souk-Ahras sans se sentir hors de ses sp�cieuses �fronti�res� mentales r�gionalistes et � celui de Bouira et A�n Defla de voir un peu plus de Tunisiens et de Marocains sortir des couloirs balis�s de cette autoroute transfronti�re par essence, pour tracer de nouvelles fronti�res aux aspirations universelles r�elles des peuples maghr�bins �taient absentes de la salle et de ses propositions. M�me le rapporteur de la commission, inamovible secr�taire permanent de l��ternel comit� de liaison de la route transsaharienne au trac� jusque-l� improbable, n�a pas cru devoir rattraper �son� pr�sident en lui rappelant que l�autre f�condit� majeure de l�autoroute Est-Ouest, c�est aujourd�hui, demain, apr�s-demain, son croisement � hauteur de veine jugulaire de l�Alg�rie du Nord avec son corps immens�ment vertical r�-immerg� dans ses vraies �racines de l�avenir�, celles de son origine et de son destin africains au sud des nombreux et riches sud(s) dont peut s�enorgueillir notre pays-continent ! C�est l�une des injonctions historiques majeures de ce SNAT ! A-t-elle �t� ressentie ainsi ? Non ! franchement. Une punition collective en guise de cl�ture d�une conf�rence nationale Mais la v�ritable punition � laquelle eurent droit les participants � la premi�re conf�rence nationale sur le sch�ma national d�am�nagement du territoire intervint au moment de la s�ance de cl�ture : les organisateurs �prouv�rent tout le mal du monde � combler les premi�res trav�es de la salle, le matin seulement, source de graves incidents protocolaires en raison du beau monde qui s�y bousculait. Ni ministre, ni wali, ni ambassadeur, ni officiels. D�sesp�r�ment vides et � perte de vue. Un bonne partie des vaillants participants qui subirent le calvaire de la lecture sans d�bat des recommandations furent ceux qui ne pouvaient partir, parce d�pendant �troitement du d�part organis� des autocars de l�organisation de la rencontre. Le sommet de la culture �made in Clubdes- Pins� fut atteint quand le d�l�gu� au d�veloppement local au minist�re de l�Int�rieur, l�un des dinosaures de l�am�nagement du territoire tel que pratiqu� jusque-l�, se fendit en un monologue de cl�ture de la �conf�rence � qui dura plus de vingt longues minutes et que personne n��couta ! Toute une symbolique inverse de celle d�roul�e le matin venait d��tre r�habilit�e ! Basta ! Dans son discours inaugural du matin, Ch�rif Rahmani avait annonc� aux participants que l�institution de gestion des risques majeurs plac�e par la loi sous l�autorit� du Premier ministre pour l�intersectorialit� �vidente de ses missions et mise en place par une loi vot�e et promulgu�e au lendemain du s�isme de Boumerd�s venait de na�tre. Elle a mis pr�s de dix ans pour sortir du Journal officiel vers la vie et encore ! Faudra-t-il attendre encore autant sinon plus pour assurer l�applicabilit� � une loi historique intervenant dans des conditions tout aussi historiques ! Il sera trop tard, vraiment trop tard, � ce moment-l�, car des d�g�ts irr�parables auront d�j� �t� commis au c�ur m�me de la �constante� v�ritable la plus vitale de la nation : sa survie en tant que continent uni par sa diversit� unique et son �clatement � qu�� Dieu ne plaise � dans les abysses de toutes les balkanisations programm�es entre Washington et Paris en passant par Rabat ! Un grand projet� une mise en �uvre sp�cieuse ! Dans cette m�me salle des Palais des nations, le grand, l�immense po�te palestinien et arabe Mahmoud Darwich, qui c�l�brait pourtant de sa flamboyante et �pique verve po�tique la naissance de l�Etat de Palestine, �son� Etat, a su garder des accents de lucidit� qui se v�rifient aujourd�hui encore ! �Que le projet est beau et que le pays est �troit !� (ma aadhama el fikra oua ma adhyaqa el watan). A l��poque, la Palestine soutenue par le monde entier (� l�exception de l�Etat sioniste) �tait � deux doigts de la fin historique de son drame tout aussi historique. Aujourd�hui, bien malin qui osera dessiner les simples contours d�une carte de la Palestine, m�me celle que nous sommes tous cens�s avoir dans nos t�tes, popularis�e par le pli si particulier du �keffieh� de Yasser Arafat. Pour le paraphraser, nous serions tent�s de dire : �Que le continent Alg�rie est grand et immense et que les logiques de pr�servation de l�avenir de ses territoires sont encore sp�cieuses et mar�cageuses.� En quittant vers 19h30 le Palais des nations, beaucoup de questions me taraudaient encore l�esprit. Parmi les plus simples, les plus concr�tes : pourquoi le ministre sans avenir politique Temmar, charg� de la Prospective des horizons 2030 et 2050 de l�Alg�rie, voire m�me audel�, �tait absent de la salle pl�ni�re le matin et le soir ? Pourtant !... Des sentiments aussi. Le plus fort, parce que plus symbolique que tous les autres dans ce qu�il ouvre comme larges horizons d�optimisme, c�est celui de voir s��loigner � pas s�rs et d�termin�s, Annia, Amirouche et Safia, trois �tudiants en management �conomique des territoires de l�universit� de B�ja�a, qui pass�rent leur journ�e � harceler de leur impertinente silhouette de coll�giens anglais envelopp�s d�un impeccable accoutrement de technocrates pr�coces (Annia portait une cravate. Eh oui !), les personnes ressources participant � la conf�rence. En les regardant partir, je n�eus pas le temps de mesurer les d�g�ts �cologiques, durables ceux-l�, caus�s au cadre �tatique de la r�sidence d�Etat par les participants qui ont tout simplement d�vers� � l�ombre des arbustes d�ornementation align�s sur le gazon ou carr�ment aux bouches des caniveaux la riche documentation technique distribu�e le matin ! Le cartable a �t� emport� sans son contenu �tablissant le diagnostic d�un demi-si�cle de notre imp�ritie collective. C�est ce qui s�appelle dans le langage des chasseurs de primes, qui �cument tant de territoires livr�s � eux-m�mes de notre grand et beau pays, prendre l�ombre pour la proie ! Amirouche, Annia, Safia et les autres ! Non ! personne ne volera aux Annia, Amirouche, Safia et autres Kaddour, nos enfants d�j� n�s ou qui na�tront aujourd�hui, le(s) futur(s) territoire(s) de leur dignit� retrouv�e qu�ils commencent d�j� � baliser, � d�limiter, � signer, � d�fendre surtout, contre tous les g�nies malfaisants, m�me si aujourd�hui et pour nombre d�entre eux, c�est au prix... malheureusement pour eux, pour nous et surtout pour la nation, de pneus, voire m�me de leurs propres corps g�n�reusement offerts aux flammes, dans l�indiff�rence des rubriques des journaux con�ues pour chats et chiens errants !