Dans ces colonnes ces derni�res ann�es, nous avons � plusieurs reprises �voqu� avec beaucoup de d�tails l��norme �patrimoine� mal acquis de nombre de dictateurs de par le monde � africains principalement � et les multiples d�marches d�ONG internationales et nationales pour r�cup�rer ces avoirs d�tourn�s. Depuis quelques mois, � la faveur des �r�volutions� dans les pays arabes, de nouveaux noms font leur apparition dans ce club ferm� des fortunes mal acquises. Parmi eux, Zine El-Abidine Ben Ali, le pr�sident tunisien d�chu, Hosni Moubarak, le pr�sident �gyptien chass� apr�s plus de 30 ans de r�gne sans partage, aujourd�hui poursuivi en justice, et Mouammar Kadhafi, le dictateur libyen s�accrochant � sa chaire de �Guide de la R�volution�. Pr�s de 200 : c�est le nombre de biens mal acquis de cinq despotes africains qui ont �t� identifi�s et list�s sur une carte consacr�e au tr�sor des dictateurs. L�association fran�aise Sherpa avait d�j� largement document� les avoirs en France de feu Omar Bongo (pr�sident du Gabon), Denis Sassou N�guesso (pr�sident du Congo-Brazzaville) et Th�odore Obiang (pr�sident de la Guin�e �quatoriale). Une bonne partie de leur patrimoine avait �t� consign�e dans des listings, pour un montant total �valu� � 35 millions d�euros, patrimoine regroup� sous trois cat�gories : voitures de luxe et biens de consommation ; h�tels particuliers et biens immobiliers et comptes en banque diss�min�s � travers le monde Les r�volutions pourraient relancer des proc�dures enterr�es Aux plaintes d�pos�es devant la justice par les ONG fran�aises Sherpa et Transparence France (affili�e � Transparency International) en 2008, les gouvernements incrimin�s avaient ripost� par la voie de recours judiciaire, avec un certain succ�s. En avril 2009, le Tribunal de grande instance de Paris s��tait oppos� � l�ouverture d�une enqu�te, et il avait fallu une d�cision de la Cour de cassation en novembre 2010 pour casser ce premier avis. Finalement, les soul�vements populaires r�cents pourraient bien relancer des proc�dures fastidieuses. Apr�s avoir multipli� les d�placements de l�autre c�t� de la M�diterran�e ces derni�res semaines, l�avocat fran�ais William Bourdon, pr�sident de Sherpa, esp�re beaucoup de la justice fran�aise: dans les affaires de corruption d�agents publics, d�finies par la convention OCDE de 1997 de p�nalisation de la corruption de fonctionnaires �trangers dans les transactions commerciales internationales, il n�y a pas de partie civile, et le parquet a le monopole de l�instruction. Parquet qui d�pend directement du minist�re fran�ais de la Justice� T�moignages anonymes et soci�t�s civiles immobili�res Tandis que les premi�res informations pr�cises affleurent, le travail de recension continue. Dans les premiers m�mos de Sherpa, un large chapitre est consacr� aux �sources d�information non confirm�es �. On y d�couvre que le clan Ben Ali-Trabelsi a ses particularismes. L� o� les familles Bongo et N�guesso ont achet� des appartements en leur nom, avec des oncles, des fr�res ou des ni�ces (quoi de plus logique, puisque les deux familles sont li�es), les Tunisiens auraient fait beaucoup d�acquisitions par le truchement de soci�t�s civiles immobili�res. Et d�j�, les langues se d�lient. C�est le second enseignement de ces documents. Trois mois seulement apr�s le d�part pr�cipit� de Ben Ali, les t�moignages anonymes se multiplient, comme si des vocations de �lanceurs d�alerte� �taient n�es dans la transition d�mocratique. Coups de t�l�phone, riverains bavards, nombreux sont ceux qui se manifestent pour identifier les biens. Une mani�re comme une autre de solder un h�ritage plus que jamais co�teux. Ainsi, le procureur de la R�publique de Paris a �t� saisi pour identifier les biens des clans Ben Ali-Trabelsi et Kadhafi. Dans un courrier adress� le 7 mars 2011, Me William Bourdon et le pr�sident de Transparence France r�clament �l�ouverture d�informations judiciaires, ce dernier cadre proc�dural [leur] paraissant mieux adapt� � la complexit� et au caract�re international des infractions d�nonc�es.� L�ONG Sherpa s�est �galement positionn�e sur le cas du pr�sident �gyptien Hosni Moubarak, m�me si l�essentiel de ses avoirs a �t� plac� ailleurs en Europe, et notamment au Royaume-Uni. La City (place financi�re) de Londres reste l�un des principaux havres de paix des chefs d�Etat kleptomanes. Le 1er avril 2011, c�est un des procureurs de la R�publique adjoint � Paris, en charge des relations avec les commissaires aux comptes, qui a re�u un courrier sign� des deux associations. Dans celui-ci, elles demandent aux autorit�s fran�aises de s�aligner sur les d�cisions de gel vot�es en Tunisie, et r�clament une vigilance particuli�re vis-�-vis des avoirs du colonel Kadhafi. D�tournements par le biais de structures �tatiques Il para�t important que les recherches ne se limitent pas aux seules personnes physiques vis�es par la plainte mais soient �tendues aux avoirs que pourraient d�tenir les fonds d�investissement libyens ainsi que la Banque centrale de Libye sur le sol fran�ais, en Europe et ailleurs. Dirig�es par des proches du cercle Kadhafi, ces diff�rentes institutions sont r�put�es pour servir de r�serve personnelle au clan. D�apr�s certaines estimations, la seule Libyan Investment Authority (LIA), le premier fonds souverain libyen, g�rerait 50 millions de dollars (la manne p�troli�re, notamment), la moiti� d�une fortune totale �valu�e � 100 millions d�euros. Le d�fi, dans le cas du despote libyen ? Remonter le fil de transactions rarement effectu�es en son nom propre. Si pour Ben Ali, on commence � avoir une id�e pr�cise de son patrimoine immobilier, pour Kadhafi, c�est plus compliqu�. Beaucoup d�investissements ont �t� faits par le biais de structures �tatiques, sur lesquelles il exerce un contr�le absolu. Il a plac� de l�argent dans de nombreuses places financi�res, aussi bien � la City de Londres que dans les pays du Golfe. L�identification des avoirs d�tourn�s ne sera pas une op�ration facile. Elle exigera beaucoup de moyens, du temps et une r�elle coop�ration internationale. Tout aussi difficile sera le recouvrement effectif de ces avoirs. Faudrait-il pour autant que ces dictateurs soient chass�s et remplac�s par des gouvernements d�mocratiques�