Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] L�Alg�rie, � l�instar des autres pays arabes de la r�gion et du Moyen- Orient, a rendez-vous avec l�histoire. La p�riode qui s�ouvre en effet marque la fin des syst�mes politiques ferm�s, autocratiques, et pour certains d�entre eux, dictatoriaux. Cette fin annonc�e de ces r�gimes se fait malheureusement dans des bains de sang, les syst�mes en place s�obstinant � nier les imp�rieuses n�cessit�s de l�Histoire. L�Alg�rie, qui reste caract�ris�e par un contexte particulier s�il en est, marqu� par la d�cennie sanglante, la violence, le terrorisme doit reprendre le chemin de la transition d�mocratique en tirant les le�ons de la trag�die des ann�es 90. Il faut bien cependant souligner que le drame qu�a endur� notre soci�t� ne doit pas �tre un pr�texte au d�ni d�mocratique. Nous devons reprendre la construction du nouveau syst�me politique pluraliste, ouvert, porteur de libert�s publiques envisag� � la fin des ann�es 80 et nous pourrons le faire en �vitant de revivre les souffrances endur�es. Les Alg�riens ont largement pay� le prix de la premi�re tentative de la transition � l�ouverture politique, tentative qui, malheureusement, a avort� dans un bain de sang. Il faut donc se remettre � l�ouvrage en sachant bien que la d�mocratie n�est pas seulement une exigence pour l��mergence d�une soci�t� politique apais�e, �quitable qui s�ouvre des perspectives de progr�s. La d�mocratie est aussi n�cessaire pour fabriquer la croissance �conomique robuste et inscrite dans la dur�e dont a besoin le peuple. La d�mocratie, c�est d�abord l�Etat de droit Si on devait d�finir l�Etat de droit, en une phase, on dirait que c�est la mise en place d�institutions qui assurent la citoyennet� et l��galit� devant la loi. La soci�t� alg�rienne, mais aussi l��conomie alg�rienne (et ici c�est l��conomie qui nous int�resse) ont besoin, pour progresser, de l�Etat de droit. Ce que nous apprend la th�orie �conomique C�est � la fin des ann�es 80 que la r�flexion sur la croissance �conomique s�est �largie � de nouvelles approches et plus singuli�rement, encore, la croissance �conomique dans les pays du Sud. Les analystes et sp�cialistes de l�histoire �conomique ont, en effet, mis en lumi�re, qu�ici, plus encore que dans les pays du Nord, la croissance �conomique d�pend fortement de la mise en place d�institutions qui fournissent des stimulants encourageant la productivit� des facteurs capital et travail. De quoi parlet-on lorsqu�on �voque le concept d�institutions ? L��conomie institutionnelle et l��cole institutionnaliste doivent leur d�veloppement � l��conomiste am�ricain, prix Nobel en 1993, Douglas North. (Il faut par ailleurs rappeler que les deux prix Nobel d��conomie de l�ann�e 2009 sont aussi deux institutionnalistes). Douglas North entend par institutions : les lois, r�gles, normes et croyances qui r�gissent une soci�t�. Les institutions sont les r�gles du jeu, c�est-�-dire les r�gles officielles et les normes non officielles qui r�gissent le fonctionnement de la soci�t� ainsi que leur mise en application. Les institutions d�finissent �la mani�re dont le jeu se joue�. Les plus importantes de ces institutions sont : 1/ Le droit de propri�t� : bien d�fini et sp�cifi� qui fournit les stimulants � l�effort. Aussi bien les fournisseurs de capital que ceux de travail doivent �tre correctement r�compens�s et leurs droits de propri�t� prot�g�s. 2/ Un syst�me l�gal et juridique d�ex�cution des contrats et accords. Et Douglas North souligne : �S�il n�y a pas un syst�me politique qui encourage la mise en place des droits de propri�t� efficaces et un syst�me juridique impartial, on n�arrivera nulle part.� Est-ce cet avertissement qu�auraient entendu les pays arabes r�unis en Jordanie en f�vrier 2006 qui ont adopt� une d�claration en 19 points dans laquelle ils ont reconnu, notamment, l�importance : �1/ de la protection des droits de propri�t� et des droits contractuels ; 2/ de la transparence et de la pr�visibilit� des politiques, lois, r�glementations et pratiques administratives nationales ; 3/ de la protection des investisseurs ; 4/ du renforcement de la l�gislation anticorruption ; 5/ de la reconnaissance des principes accept�s � l��chelle internationale concernant la responsabilit� sociale des entreprises ; 6/ du r�le actif r�el que doivent jouer le monde des affaires et les organisations de la soci�t� civile.� Les pays du Sud et bien �videmment l�Alg�rie ont besoin � l��vidence de r�former profond�ment leurs institutions. C�est-�-dire, en fait, construire l�Etat de droit, cet �instrument qui vise � r�glementer le comportement des hommes, � faire respecter le droit, � r�fr�ner le gouvernement, � r�soudre les litiges et g�rer les probl�mes sociaux� (J. Rogers). L�Etat de droit se base sur trois principes : a/ la primaut� du droit b/ la protection �gale de la loi c/ l�application impartiale de la loi en cas d�effraction. L�Etat de droit est l�antith�se de l�anarchie, de la domination des hommes, du pouvoir discriminatoire, de l�abus de pouvoir, de la corruption de haut niveau, du ch�timent arbitraire. Ainsi, la croissance a besoin de capital, de travail et de productivit�, mais dans nos pays, elle a aussi besoin de la construction de l�Etat de droit et donc de r�formes des institutions, c�est-�-dire de r�formes des �r�gles du jeu�. La croissance a besoin de bonne gouvernance et la bonne gouvernance ne peut pas faire l�impasse sur les principes de transparence, de responsabilisation, de responsabilit� et d��quit�. En un mot comme en mille, la bonne gouvernance, c�est la d�mocratie. Pour terminer ces quelques observations, B. Brecht disait : �Malheureux le pays qui n�a pas un bon chef�, et A. Sen, le prix Nobel indien, pr�cise : �Je dirais pour ma part : malheureux le pays qui a besoin d�un chef !� La croissance �conomique n�est pas le d�veloppement �la croissance �conomique ne suffit pas. Il faut s�int�resser davantage au d�veloppement humain et social, aux libert�s, � l�articulation entre d�veloppement et d�mocratie�. Toutes ces observations et tous ces rappels nous aident � r�pondre � la question : �Pourquoi l��conomie alg�rienne peine-t-elle � d�coller.