[email protected] Le magazine �lectronique Elaph, fond� par le journaliste saoudien Othmane Al-A'mir, f�te ses dix ans ces jours-ci, et il nous le fait savoir. Dossiers, t�moignages, interviews et un concert de louanges des plumes les plus connues saluent l'�v�nement. Dans le volumineux dossier consacr� aux m�dias �lectroniques, des sp�cialistes se relaient pour nous convaincre de la victoire �crasante de ces m�dias sur la presse imprim�e. Dans une interview, le patron lui-m�me nous apprend comment le journal a pr�c�d� les r�volutions arabes en faisant �merger une g�n�ration d'�Elaphiens�, � l'instar de celle de Facebook. Bref, c'est un exercice d'autoglorification quelque peu surfait, mais il est dans l'air du temps, et du temps arabe plus particuli�rement. Fi de la modestie et de l'humilit� quand on a le vent en poupe et plusieurs longueurs d'avance sur les autres ! Il faut cependant reconna�tre que l'entreprise de l'ancien journaliste du quotidien londonien Al Chark Al Awsat est un pari r�ussi. Le premier indice du succ�s ind�niable du magazine Elaph, c'est son ouverture sur les courants politiques �touff�s par ailleurs dans le monde arabe, comme le courant lib�ral et la�que. L'un des repr�sentants les plus connus de ce courant, le penseur jordanien Chaker Naboulci, rapporte sans emphase ce qu'il doit au magazine : �Bien que j'aie publi� de nombreux livres, dont un ouvrage de critique litt�raire sur le po�te Nizar Kabbani, j'ai �t� confin� dans l'anonymat, �crit-il notamment. C'est ainsi que gr�ce � Elaph, je suis pass� de la position d'auteur universitaire sp�cialis� dans la litt�rature � celle de critique politique. Pour la premi�re fois, des lecteurs ont d�couvert un Chaker Naboulci, auteur politique, et ils seraient plus d'un million, chaque jour, selon un site internet sp�cialis�. De la m�me mani�re, Elaph a fait de ses �crivains et chroniqueurs des stars dans l'univers de la politique et des id�es. Ils se devaient donc d'�tre fid�les � cette image et de ne pas se complaire dans une gloire �ph�m�re et fragile. Aujourd'hui, le dixi�me anniversaire d' Elaph, est aussi l'anniversaire de ceux qui y �crivent, et qui sont n�s, pour la premi�re fois, sur les pages de ce journal. Ils ont grandi de fa�on fulgurante et ont connu une c�l�brit� qu'ils auraient mis des ann�es � conqu�rir sur d'autres journaux imprim�s. De nombreux �crivains du site �taient pour moi de parfaits inconnus avant qu'ils ne soient publi�s sur Elaph. Aujourd'hui, ils tr�nent � la premi�re rang�e du "parlement �laphien ".� On sent, toutefois, chez Chaker Naboulci une prudente r�serve en ce qui concerne l'�tendue des espaces de libert� octroy�s par Elaph � ses journalistes et �crivains. Il observe que le magazine a une ligne rouge, ou plut�t des lignes rouges, comme tous les autres journaux, mais sans pr�cision de lieu ou de sujet. Le journal qui s'avance presque � dire qu'il est l'un des pr�curseurs des r�volutions arabes, est tr�s prudent s'agissant des �meutes � Bahre�n, �touff�es pr�cis�ment par l'Arabie saoudite. On peut comprendre que notre confr�re saoudien se pr�occupe de ne pas se brouiller avec l'�tat dont il est ressortissant, m�me si nous, Alg�riens, poussons la phobie du pouvoir jusqu'� l'exc�s. Mais nous avons des excuses : l�-bas, ils ont un gouvernement cons�quent, wahhabite de Constitution, et monarchique de nature. Ici, nous avons un wahhabisme balbutiant, qui a d�j� ses dents de lait gorg�es de sang, et qui pr�pare le d�luge pour succ�der � la monarchie. Autrement dit, Elaph a des raisons objectives de m�nager le gouvernement saoudien, alors que je n'en vois appara�tre aucune sur les hauteurs d'Alger. Autre �l�ment qui plaide contre Elaph, l'affaire du Sahara occidental : d�s qu'il a pris son envol, Othmane Al-A'mir s'est nettement engag�, en rachetant notamment le fameux Matin du Sahara, et deux titres marocains chancelants. Pour quoi avoir choisi le Maroc et pas l'Alg�rie ? Tout simplement � cause de la r�glementation locale, parce qu'il n'y avait plus de journaux � acheter, et certains ayant d�j� �t� vendus, pourrait r�pondre le fondateur d' Elaph. Encore une fois, la fibre patriotique, beaucoup plus que le climat des affaires, a jou� en faveur du voisin de l'Ouest qui jouit d�j� d'un pr�jug� tr�s favorable en Arabie saoudite. Avec la prochaine adh�sion de Rabat au Conseil de coop�ration du Golfe (1), Elaphva avoir de plus en plus de difficult�s � observer une certaine objectivit�. D'autant plus que les Marocains, eux-m�mes, perdent toute lucidit� lorsqu'il s'agit des relations de mauvais voisinage que nous entretenons depuis 1962. Il para�t qu'ils nous ont offert notre premier pr�sident de la R�publique, en plus de quelques postulants et coopt�s, mais les appr�ciations sont divergentes sur la port�e de ces �bienfaits� (2). L� o� ils exag�rent vraiment nos cousins marocains, c'est lorsqu'ils r�clament l'ouverture des fronti�res terrestres, assorties de conditions, voire de listes d'ind�sirables. Ainsi, depuis plusieurs semaines, le mouvement du �20 f�vrier�, un ensemble de r�seaux sociaux actifs sur internet, r�clame l'annulation du festival de la chanson de Rabat, Mawazine. De nombreux chanteurs internationaux et arabes, notamment Kadhem Essaher, devaient participer � ce festival, pr�vu pour jeudi prochain dans la capitale marocaine. L'argument principal des anti-Mawazine est d'ordre social et moral : les artistes sont trop bien pay�s, et le montant �lev� de leurs cachets est une insulte � la mis�re du peuple marocain. Les militants du �20 f�vrier�, aux contours politiques ind�finissables, montrent cependant le bout de l'oreille en ciblant notamment la chanteuse Chakira, dont les d�hanchements s�ment le trouble chez les bons croyants. Nullement d�stabilis�, mais charm� par la lascive Chakira, je me serais rang� du c�t� de ceux qui pensent qu'elle est trop ch�re � voir et � entendre. Pour le reste, c'est une question � poser � D.S.K, l'infortun� DG du FMI, victime d'un dysfonctionnement de son CGDP (3). Toutefois, il est navrant de voir les moralisateurs du �20 f�vrier� s'attaquer particuli�rement � quatre artistes alg�riens, Idir, Souad Massy, Safy Boutella et Sammy Ra�. L� aussi, ils invoquent le cachet trop �lev� qui sera per�u par Idir, menac� ainsi que ses coll�gues de jets d'�ufs et de tomates pourries, lors du festival. On peut se demander si les attaques contre Idir ne sont pas le prolongement de celles men�es contre lui par une certaine presse nationale, parce qu'il avait chant� avec Enrico Macias. Nous avons d�j� enterr� le Maghreb des peuples, puis le Maghreb des �tats. Nous pr�paret-on les fun�railles du Maghreb des chanteurs, encore accessible par avion. Le seul Maghreb qui ne soit pas exclusivement arabe, et qui ait r�sist� aux op�rations de haine, de part et d'autre de la fronti�re ? A. H. (1) Au fait, qui pourrait emp�cher l'arm�e saoudienne de venir guerroyer � nos fronti�res, en vertu de la clause de coop�ration militaire qui lie les pays membres du CCG ? On y a sans doute r�fl�chi au sommet, mais comme l'all�geance religieuse est plus forte que la fibre nationaliste� (2) En total d�saccord avec M. Ben Bella sur tout le reste, je suis d'autant plus � l'aise pour dire qu'il a le droit d'�tre pr�sident, tout comme un Alg�rien a le droit d'�tre roi au Maroc. L'essentiel est de choisir les meilleurs, mais nous en sommes encore loin, et ce n'est pas la faute des deux pays si la perm�abilit� des fronti�res est ainsi faite. (3) CGDP (Compteur Geiger d�tecteur de proies).