C'est un comble ! Non contents de d�tester les Am�ricains, les Arabes se sont mis dans la t�te de voter � leur place. Depuis la cr�ation d'Isra�l, l'�lection du pr�sident des Etats-Unis a certes passionn� les capitales arabes mais jamais avec autant d'intensit� que cette fois-ci. Un seul mot d'ordre : tous contre Bush. Un seul objectif : �viter que l'ennemi abhorr� n'obtienne un second mandat. Trop occup�s � d�sirer ardemment la d�faite de Bush, les Arabes ont oubli� de se demander ce que Kerry ferait � sa place. Ce qu'il ferait, bien s�r, pour r�gler le conflit isra�lo-palestinien. Les �lecteurs virtuels de Kerry dans le monde arabe savaient au fond d'eux-m�mes que R�publicains et D�mocrates peuvent diverger sur tout sauf dans le soutien � l'Etat sioniste. Cela fait des d�cennies que les Am�ricains nous le r�p�tent mais nous caressons toujours le fol espoir de les voir changer d'attitude. M�me les associations de musulmans (arabes) am�ricains se sont abandonn�es � cette hallucination collective et ont choisi Kerry. Ces associations qui sont souvent � l'Islam ce que Bush est au Christianisme ont m�me oubli� les largesses financi�res du pr�sident m�thodiste � leur �gard. Toutefois, on ne saura jamais si c'est le soutien des Arabes qui a fait chuter le candidat d�mocrate ou si Bush a gagn� parce que les Arabes voulaient qu'il perde. Chacun de nous a sa petite id�e l�-dessus. Mais si j'�tais un �lecteur am�ricain du fin fond de l'Ohio, je n'appr�cierais pas du tout le fait qu'on �lise mon pr�sident sans m�me me laisser le loisir de voter. Ceci dit, il y a des Arabes, minoritaires cela va de soi, qui ont gard� la t�te froide devant la "Kerry mania" qui a enflamm� la rue et les m�dias arabes. A la veille de cette �lection donc, un m�dia a fait encore entendre sa diff�rence. Une semaine avant le scrutin, le journal en ligne "Elaph" avait organis� un sondage au niveau de ses journalistes. Ces derniers avaient donn� Bush vainqueur avec soixante-huit pour cent de voix. Ce n'est pas tout � fait le m�me score que celui obtenu le 2 septembre mais l'essentiel �tait dit. Des voix arabes discordantes ont �t� entendues. C'est l� et nulle part ailleurs qu'on a pu lire un appel � voter Bush du penseur tunisien Lakhdar Afif. "Elaph" a r�cidiv� au lendemain de la victoire Bush en publiant des messages de f�licitations au pr�sident am�ricain sign�s de collaborateurs irakiens du journal. Ces Irakiens qui vivent tous en exil (s'ils �taient � Baghdad, j'aurais utilis� l'imparfait) se disent persuad�s que le pr�sident am�ricain mettra � profit son deuxi�me mandat pour mener � terme sa guerre contre les tyrannies, comme celle qui r�gne en Iran. L'un d'eux, Sammy Al-Buheiri naturalis� am�ricain, raconte de quelle mani�re il a re�u le dernier "message" de Ben laden. Il s'�tonne qu'il y ait encore des Arabes pour douter de la responsabilit� de Ben Laden dans les attentats du 11 septembre. "En d�pit de ses revendications, faudra-t-il que le terroriste saoudien jure publiquement sur le Coran qu'il est l'instigateur du 11 septembre pour qu'il soit cru". Pour notre confr�re, il n'y a pas l'ombre d'un doute que Ben Laden a confort� par son intervention la position du pr�sident sortant. Comme tous les Arabes, Sammy Al-Buheiri a vot� le 2 septembre mais son vote �tait r�el et il a choisi le bon candidat pour sa premi�re participation, c'est-�-dire le vainqueur. De son r�cit du 2 septembre, on apprend qu'il a assist� � un meeting du candidat Bush et qu'il a compris ce jour-l� ce que signifiait la citoyennet�. Il dit que lors de cette r�union Bush avait des accents de sinc�rit� en sollicitant les suffrages de l'assistance. "C'�tait, di-il, celui d'un homme s'adressant avec humilit� � ses concitoyens et leur montrant qu'il �tait l� en serviteur et non pas en ma�tre. Et lorsque j'ai vot� (pour Bush), je me suis senti autre, j'�tais devenu non seulement un bon citoyen mais un homme meilleur". Bush a battu son rival en remportant 51% des suffrages. Il a �t� submerg� par la joie et a estim� que sa victoire avait �t� �crasante. Sammy Al- Buheiri qui n'oublie pas qu'il a �t� arabe et donc habitu� aux suffrages �crasants feint de s'�tonner de cette r�action. "Pauvres Am�ricains! Ils se contentent vraiment de peu", note-t-il en conclusion. Il a aussi manqu� bien peu � F�riel Al-Masri pour qu'elle r�alise son r�ve de si�ger � la Chambre des repr�sentants de l'Etat de Californie. F�riel, c'est l'Arabe am�ricaine qui a chut� en m�me temps que Kerry, mais sa chute n'a fait sursauter personne. Seul le journal londonien Echarq-Al-Awsat s'en est �mu, et pour cause. Am�ricaine d'origine saoudienne et mari�e � un Libanais, F�riel �tait candidate du Parti d�mocrate � l'Assembl�e de l'Etat. Elle a �t� battue de dix mille voix par sa rivale r�publicaine qui l'a emport� avec 54% des suffrages contre 45%. F�riel explique son �chec avant tout par des consid�rations financi�res. Le fait qu'elle soit arabe et musulmane n'a rien � voir dans sa d�faite �lectorale, explique-t-elle. "J'avais besoin de me faire conna�tre, d'apprendre aux gens � retenir mon nom. Ce qui co�te tr�s cher aux Etats-Unis, dit-elle. Il faut au moins 35 000 dollars pour faire parvenir une lettre � tous les �lecteurs. L'enveloppe financi�re allou�e par le parti � ma campagne n'a pas d�pass� 100.000 dollars alors que mon adversaire disposait d'au moins un demi-million de dollars pour faire sa promotion". Comme pour aggraver ses difficult�s, le parti de F�riel ne lui a remis les fonds n�cessaires � sa campagne que deux semaines avant le scrutin. Ce m�me parti envisage pourtant, selon elle, de pr�senter sa candidature au Congr�s dans deux ans. F�riel Al-Misri, qui est enseignante, n'a pas eu aussi beaucoup d'aide de la part de la communaut� arabe locale qui comprend plus de 300 familles. "Cette communaut� ne m'a pas assez aid�e financi�rement. Si elle l'avait fait, le r�sultat de l'�lection aurait �t� autre. Cette communaut� se pr�occupe beaucoup plus de faire des dons � des associations religieuses qu'� des activit�s politiques. D'o� l'�chec.", ajoute-t-elle. C'est justement sur la vraie destination de ces dons � des associations religieuses que s'interroge (j'allais dire enfin!) l'un des autres quotidiens saoudiens de Londres Al Hayat. Sous la plume de Djamil Dhiabi, on peut lire, entre autres, cette rare confession : "C'est vrai, nous ne savions pas que l'argent que nous donnions furtivement de la main droite, afin que la main gauche en ignore, et en toute bonne foi, que nous nous rendions complices du meurtre d'innocents et responsables du sang vers�. Non contents de �a, nos langues se sont converties en arm�es pour prendre la d�fense de groupes kamikazes au nom de la religion et de l'honneur de la nation. Auparavant, nous vantions les m�rites de ceux qui activaient dans la collecte des fonds et les œuvres de bienfaisance et nous leurs accordions notre confiance. Nous ne doutions pas un seul instant que nous �tions vol�s au vu et au su de tous et que nous participions aux assassinats en toute inconscience. L'argent � peine sorti de nos poches se convertissait en boules de feu dans le corps des enfants et des innocents." C'est un Saoudien qui vous le dit. Et, naturellement, ces choses ne se passent qu'en Arabie saoudite. Elles ne sauraient exister chez nous puisqu'il ne reste aucune trace des couffins bourr�s de billets collect�s dans les mosqu�es au temps de l'agonie de l'Etat.