Eclats de vie est le titre du livre de Malika Arabi paru derni�rement aux �ditions l�Ilot, � Paris, en France, une opportunit� pour faire rena�tre cette coop�rative berb�re cr��e � Paris en 1978 pour valoriser l�amazighit� et la d�mocratie. Son responsable, Arezki Hammami, veut visiblement la remettre sur pied avec Tiwizi Production. Eclats de vie est un r�cit sur des fragments de vie dans un village alg�rien de la Kabylie maritime, o� une famille se retrouve prise dans les tourments de la guerre de Lib�ration. Elle verra notamment sa maison d�truite et conna�tra les affres du regroupement. A travers quatre portraits vivants, Malika Arabi �voque la souffrance indicible d�une m�re qui voit son fils partir au maquis d�o� il ne reviendra jamais en l�absence du p�re happ� par l�exil. Le r�cit, autobiographique, s�ordonne autour de Malika, �coli�re puis adolescente. A travers le portrait de ses parents, l�auteur ressuscite toute une �poque et une g�n�ration confront�e d�abord � la guerre puis aux d�ceptions de l�apr�s-ind�pendance. Le lecteur s�enivre des odeurs et des couleurs des lieux. La figure attachante de dadda, le grand fr�re, symbole et porteur du d�sir de lib�ration, et la trag�die d�une s�ur dont l��poux moudjahid au d�but, injustement condamn�, ira rejoindre les rangs des harkis, s�imposent dans le r�cit. Autour de ces personnages principaux grouillent d�autres moins importants mais tout autant attachants. Il y a surtout toute une vie villageoise dont l�auteure a su restituer la vitalit� et l�authenticit�. Elle �tait la confidente de femmes qui lui confiaient des secrets � travers le courrier qu�elle adressait � leurs maris en exil. C�est toute une �poque que sa plume ressuscite. La mis�re et les brutalit�s de la guerre c�toient des sc�nes plus tendres. Des �lots de tendresse, d�ing�nuit� enfantine, �mergent dans un oc�an de violence aveugle. Pour �voquer des sujets aussi tabous que la virginit� ou la violence conjugale, elle choisit de s�appuyer sur des r�cits d�amies. Le livre raconte aussi l�histoire d�une famille. Les Arabi sont venus se r�fugier au village de Tarsift apr�s que les vicissitudes de l�histoire aient �t� sur les routes des membres de la tribu des Ait Kaci. Le destin de cette famille dispers�e fut �troitement li� � la conqu�te coloniale. Ses membres seront dispers�s et l�anc�tre des Arabi trouvera refuge dans ce petit village verdoyant de la Mizrana. L�un d�entre eux fuyant la r�pression (ou une vendetta ?) s�installera d�abord � Semghoun avant de s�enraciner � Tarsift. L�auteure ne se contente pas d��grener des souvenirs tant�t doux mais plus souvent amers. A travers sa condition de fille en butte � l�incompr�hension, voire � l�hostilit� de son milieu, elle l�ve le voile sur les blocages d�une soci�t� arc-bout�e sur des valeurs d�su�tes qui se dressent devant les vell�it�s d��mancipation individuelles. En filigrane, se r�v�le toute une �poque o� le r�ve �tait permis pour les filles qui entrouvrirent les portes de l��mancipation gr�ce � l��cole. Celle de Tala Mayache o� l�auteure fera ses premiers pas d��coli�re tenace prend une place particuli�re dans le c�ur de Malika qui est aujourd�hui enseignante de langue anglaise. K. B. Trois questions � l�auteure et enseignante Le Soir d�Alg�rie : De l'enseignement � l'�criture, qu'est-ce qui a favoris� chez vous ce passage ? Malika Arabi : Je crois que c'est justement l'enseignement qui m'a pouss�e � �crire. Ecrire fait partie de mon m�tier. Je passe mon temps � pr�parer des le�ons, � confectionner des sujets, � lire les copies des �l�ves, � les corriger et � les commenter. Tous les enseignants n'ont pas �crit des livres, c'est vrai, mais aussi beaucoup l�ont fait. Mouloud Feraoun et Mammeri sont des r�f�rences pour ne citer que ceux-l�. En ce qui me concerne, cela trottinait dans ma t�te depuis toujours. Je le ressentais comme un besoin. �a devait arriver et c'est venu au moment o� je m'y attendais le moins. En fait, c'est une forme d�exorcisme, il fallait que je le fasse. Est-ce facile d'�crire une autobiographie et qu'est-ce qui est g�nant dans ce genre ? Je ne trouve pas que �a soit difficile. Je l'ai dit, c'est une forme d'exorcisme, il fallait que cela sorte. J'ai racont� mes peines, j'ai dit tout ce qui me r�volte. Il est vrai que j'utilise la premi�re personne du singulier mais je me suis rendu compte que tout en �tant exclusivement autobiographique, toutes les personnes de ma g�n�ration et m�me les plus jeunes se sont retrouv�es dans ce r�cit. Des hommes, des femmes m'ont dit : �Merci, j'ai pleur� en lisant ce t�moignage. Ma vie ressemble tellement � la v�tre.� Non, je ne trouve aucune g�ne � parler de moi et des miens, il n'y a rien de honteux, rien � cacher. Tout le monde se conna�t au village. En fait, en l'�crivant je m'�tais dit : �Ce r�cit n'int�ressera personne puisque c'est ma vie.� Je me suis tromp�e, les �chos que j'ai eus m'ont d�montr� le contraire, c'est la vie de plusieurs g�n�rations de notre pays. Votre �mancipation est pass�e par l'�cole. Pensez-vous que celle-ci peut encore jouer ce r�le pour les nouvelles g�n�rations ? S�rement ! Mon exp�rience a probablement encourag� les parents � laisser leurs filles poursuivre leurs �tudes. M�me si l��cole qui m'a form�e n'a rien � voir avec l��cole qui est en train de former les g�n�rations futures. Il reste beaucoup � faire : am�liorer le statut et les conditions de travail des enseignants, nettoyer si j'ose dire les programmes scolaires de sorte � faire aimer les �tudes aux �coliers en les d�chargeant de certaines mati�res qui les abrutissent plus qu'elles ne les forment. Savoir lire et �crire, c'est d�j� sortir de l'obscurantisme mais ce n�est pas encore gagn�. Il suffit de faire un tour dans les bureaux de poste et dans les guichets de banques pour constater le nombre de jeunes qui sont incapables de remplir un ch�que en 2011 !