Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] Les 14, 15 et 16 juin 2011, le Conseil national �conomique et social (Cnes) organise les ��tats g�n�raux de la soci�t� civile�. L��v�nement m�rite d��tre signal� d�j� pour son caract�re in�dit de premi�re rencontre du genre dans notre pays. Il m�rite aussi d��tre signal� parce qu�il va permettre de voir et de savoir o� en est la soci�t� civile alg�rienne si tant est qu�elle existe de mani�re autrement plus remarquable que ne le sont les quelques associations et autres organisations qui ont pignon sur rue et qui sont plus des appendices de l�Etat que des structures autonomes, r�ellement en prise avec les probl�mes et les souffrances de la soci�t�. Enfin, la tenue de telles assises qui vont regrouper aussi, et cela m�rite d��tre signal�, les syndicats autonomes, les associations encore non agr��es, les personnalit�s du monde de la culture, de la science, de la communication, va permettre � la soci�t� civile de dire, � ceux qui voudront bien y pr�ter attention, mais aussi � ceux qui font la politique de l�autruche sa lisibilit� de nos modes de gouvernance, son analyse de nos dysfonctionnements, ses inqui�tudes et ses esp�rances pour une soci�t� alg�rienne plus apais�e et plus solidaire. Bien �videmment, l�exercice est difficile � mener dans un contexte national marqu� par la suspicion des gouvern�s envers leurs gouvernants, ainsi que par le doute qui accompagne toute action des pouvoirs publics chez de larges pans de la population, et singuli�rement la jeunesse alg�rienne. Il faut bien pourtant rappeler que les seules batailles perdues d�avance sont celles qu�on refuse de mener. Les constructions des soci�t�s modernes et d�mocratiques ont toujours �t� faites de l�accumulation de petits succ�s dans une multitude d��checs r�p�t�s. Mais, qu�est-ce que la soci�t� civile ? Rappelons d�abord que la soci�t� civile se distingue de la soci�t� politique. Elle ne s�y oppose pas mais elle s�en distingue. Les Nations unies d�signent par soci�t� civile �le large �ventail d�organisations non gouvernementales et � but non-lucratif qui animent la vie publique et d�fendent les int�r�ts et les valeurs de leurs membres ou autres, bas�s sur des consid�rations d�ordre �thique, culturel, politique, scientifique, religieux ou philanthropique : gouvernements communautaires, organisations non gouvernementales (ONG), syndicats, organisations caritatives, groupements d�ob�dience religieuse, associations professionnelles et fondations priv�es�. � Du point de vue historique, c�est le philosophe allemand Hegel qui, le premier, �tablira la distinction entre l�Etat et la soci�t� civile. � Plus pr�s de nous, le politologue et sociologue am�ricain Larry Diamand a, pour sa part, d�fini ainsi la soci�t� civile : �C�est le domaine de la vie sociale organis�e qui se fonde sur le volontariat et l�autonomie vis-�-vis de l�Etat. Elle implique des citoyens qui agissent collectivement dans un espace public pour exprimer leurs int�r�ts, leurs passions et leurs id�es, �changer des informations, atteindre des buts communs, interpeller les pouvoirs publics et demander des comptes aux repr�sentants de l�Etat. Elle n�inclut pas les efforts politiques visant � prendre le contr�le de l�Etat.� La soci�t� civile renvoie � la capacit� de la soci�t� � s�auto-organiser La soci�t� civile, c�est ce qui reste d�une soci�t� quand l�Etat se d�sengage compl�tement ou n�est pas du tout engag�. La soci�t� civile �voque les valeurs d�autonomie, de responsabilit�, de solidarit�, de prise en charge par les individus eux-m�mes de leurs probl�mes. Elle �voque aussi l��mancipation de la tutelle �tatique. De plus, les organisations de la soci�t� civile n�ont pas l�ambition de repr�senter quelque classe que ce soit. Enfin, alors que l�Etat tend � demeurer un centre unifi� de pouvoir, la soci�t� civile est toujours le si�ge de pouvoirs ind�pendants les uns des autres et dont le nombre cro�t � mesure que la soci�t� se d�veloppe. La d�mocratie progresse au rythme des transferts de pr�rogatives de l�Etat vers la soci�t� civile Le penseur italien Gramsci a bien vue que la soci�t� civile aide au renforcement de la coh�sion de la nation et constitue le substitut efficace � l�affaissement de l�Etat (cette assertion �voque en nous les p�rip�ties qu�a connues notre soci�t� durant la d�cennie 90 o� des �l�ments de la soci�t� civile alg�rienne ont magnifiquement rempli leur r�le de �substitut � l�affaissement de l�Etat�. Ce dialecticien a analys� la soci�t� civile comme soutien � l�Etat dans l�exercice de sa fonction h�g�monique, c�est-�-dire en tant que r�gulateur soci�tal et gardien des �quilibres, exercice qu�il pourra alors r�aliser sans violence ni contrainte. Ainsi la soci�t� civile par les valeurs qu�elle d�fend et les fonctions qu�elle remplit est tout � fait autonome par rapport � l�Etat et lui assure d��tre accept� pacifiquement par la population. La soci�t� civile en Alg�rie Sans affirmer que la soci�t� civile telle que nous l�avons d�finie, n�existe pas en Alg�rie, on peut souligner le fait qu�elle reste faiblement structur�e moins par absence de volont� des citoyens � s�organiser et � d�velopper le lien social, la solidarit� et m�me le civisme, que par manque d�accompagnement des pouvoirs publics (l�gislation appropri�e, aides financi�res par pr�l�vement sur les imp�ts pay�s par les citoyens...). Dans le cas de notre pays, il semble de plus en plus �vident qu�il est n�cessaire que des structures nouvelles surgissent, des associations volontaires civiques et citoyennes qui favoriseront la transition d�mocratique. La soci�t� civile en Alg�rie doit se saisir de deux missions principales : 1- �tre le catalyseur des aspirations d�mocratiques des Alg�riens en faisant un contrepoids � l�Etat ; 2- �tre un producteur de services (soins, �ducation, culture, assurance). La soci�t� civile doit, chez nous, �tre un espace d'expression et de fonctionnement de la d�mocratie en dehors de la sph�re technocratique. Elle doit exercer une influence sur le monde politique en l�obligeant � tenir compte de la volont� des citoyens. Il faut souligner que, chez nous, plus probablement qu�ailleurs, la croissance d�une culture d�mocratique d�pend de la croissance de la soci�t� civile. Chez nous, plus qu�ailleurs, par manque de financement et � cause de la convoitise du pouvoir, l�autonomie reste le grand d�fi de la soci�t� civile. Autonomie, responsabilit�, solidarit�, prise en charge par les individus eux-m�mes de leurs probl�mes : c�est l�ensemble de ces valeurs qui font la soci�t� civile et que celle-ci, de son c�t� et dans un lien dialectique, doit promouvoir.