Déclaration commune des membres élus du Conseil de sécurité sur la situation au Proche-Orient    Le gouvernement palestinien presse la communauté internationale à agir contre l'entité sioniste    Pillage des ressources du Sahara occidental: la CJUE statue en faveur du Front Polisario et rejette les recours du Conseil et de la Commission de l'UE    Le Général d'Armée Saïd Chanegriha reçu par le ministre italien de la Défense    Le recrutement des enseignants contractuels effectué dans la transparence grâce à la numérisation    Affaires religieuses: Belmehdi procède au lancement du portail des services électroniques    MENA: Le CSJ prend part à la Conférence régionale des jeunes sur le changement climatique à Amman    Sonatrach récompense les athlètes médaillés lors des Jeux Paralympiques-2024    Sport universitaire: ouverture de la première rencontre nationale des associations sportives universitaires    Le Conseil de la nation prend part aux réunions de la 82e session du Comité exécutif et de la 46e Conférence de l'UPA    Mostaganem: créer des passerelles d'échange d'expériences pour développer des produits de l'argan    Oran: lancement des travaux d'urgence pour la restauration du Palais du Bey dans les brefs délais    Organisation de 7 marchés saisonniers spécialisés pour réguler les prix des produits agricoles    Le Premier ministre pakistanais félicite le président de la République pour sa réélection    CAN-2025: une liste de 26 joueurs pour la double confrontation face au Togo dévoilée    Pluies orageuses sur plusieurs wilayas du nord à partir de jeudi    Accidents/zones urbaines: 14 morts et 455 blessés en une semaine    Arrivé lundi à Laâyoune pour ce qui constitue sa première visite dans la région    Ligue 1 Mobilis : L'entraîneur de l'ASO Chlef Samir Zaoui suspendu un mois    Festival international d'Oran du film arabe: 18 documentaires longs et courts métrages en compétition    La narration assumée de l'histoire constitue un "socle référentiel" pour les générations    L'Algérie met en garde contre les plans israéliens    Renfort vaccinal général pour la population du Grand-Sud    Une délégation du Conseil de la nation participe à la 4e partie de la session ordinaire 2024    «L'Algérie, une boussole dans la réalisation des infrastructures énergétiques en Afrique»    De Mistura en visite, jeudi, aux camps des réfugiés sahraouis    Les impacts entre 2025/2030/2050 des politiques de la transition énergétique seront déterminantes    Nettoyage et embellissement    L'intelligence artificielle, un allié pour les journalistes    Les Verts pour un sans-faute face au Togo    Décès de l'ancien président du MC Oran Mohamed Brahim Mehadji    Scarthin Books à Cromford, antre du livre en pleine campagne    Ouverture du premier atelier national sur l'actualisation de la liste indicative    La création de l'Etat-nation algérien au fondement de l'islamisme (II)    Audience Le président du CSJ reçoit une délégation du groupe de la Banque islamique de développement    Chefs d'Etat et dirigeants du monde continuent de le féliciter    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



INTERVIEW DE DERRI BERKANI
�Une grand-m�re de Dellys nous a toujours dit de nous souvenir que nous sommes andalous�
Publié dans Le Soir d'Algérie le 02 - 07 - 2011

Le Soir d'Alg�rie : Votre roman s'inspire de l'histoire du peuple morisque de Grenade. Qui sont-ils et quel fut leur destin ?
Derri Berkani : � la chute de Grenade en 1492, les Maures avaient obtenu, moyennant finances, de garder leurs noms, de pratiquer leur religion, de parler leur langue, et de garder leurs coutumes. Puis, peu � peu, les royaumes de Castille et d�Aragon imposent des restrictions. Le pape, par le biais du clerg� et des congr�gations, exige l��vang�lisation de tous les Maures. Les Morisques, ce sont donc des Maures convertis au christianisme. Les �Vieux chr�tiens� les guidaient dans leur nouvelle foi. Soup�onn�s de pratiquer clandestinement l�islam, ils furent d�abord d�port�s vers des r�gions majoritairement chr�tiennes du nord du pays. Beaucoup p�rirent au cours de ce voyage. Somm�s d�abandonner leurs pratiques suppos�es et de vivre en bons chr�tiens, ils eurent � subir la rigueur de l�Inquisition, avec le b�cher en corollaire. Puis, enfin, en 1609, un arr�t� royal de Philippe II d�cr�te leur expulsion en �Berb�rie�, certains furent carr�ment noy�s � quelques milles des c�tes espagnoles. En Alg�rie, pendant longtemps, on les a appel�s �les chr�tiens de Galice �. Ils �taient mal install�s entre les deux rives comme on est mal assis entre deux chaises.
En quoi vous sentez-vous concern� par ce peuple ?
Une grand-m�re de Dellys nous a toujours dit de nous rappeler toujours que nous �tions andalous. De ne jamais l�oublier. Pourquoi ? Je n�en sais rien. Peut-�tre pour se distinguer des autres, peut-�tre �tait-ce simplement une m�thode d��ducation. �tant Andalous, nous devions mieux nous tenir, mieux faire, mieux �tudier que le reste des enfants. De ce point de vue, elle a r�ussi.
Qu'est-ce que le serment andalou dont parle votre narrateur ?
Le serment poss�de un vecteur, LA CL� cens�e �tre celle de la maison d�une anc�tre grenadine (de Grenade) qui l�aurait emport�e lors de l�expulsion. Le serment se fait autour de cette cl�. Avec deux objectifs :
1) se pr�munir contre l�oubli du bannissement qui des si�cles plus tard continue toujours d��tre v�cu comme une injustice impos�e par la loi du vainqueur.
2) Il affirme une appartenance non pas pour se distinguer de l�autre, mais au contraire s�ouvrir.
3) Il souligne l�imp�ratif d�humilit�. Parce que pour ces exil�s, l�ostentation, le faste des souverains andalous n�est pas pour rien dans la perte d�Al Andalous.
Le narrateur du p�riple andalou se sent investi d'un devoir de transmission. Ce devoir est-il selon vous un imp�ratif, en particulier pour les peuples ou les individus d�plac�s ? Comment vaincre � cet �gard l'indiff�rence des jeunes g�n�rations ?
Pour transmettre, il faut un r�cipiendaire. L�indiff�rence des jeunes g�n�rations vient de leur d�senchantement. Ils se m�fient du pass�. Il n��claire plus leur pr�sent. Ou alors � la mani�re d�un flash, non d�une lumi�re continue qui finit par les aveugler. Il est vrai qu�� conduire l��il riv� sur le r�troviseur, on risque t�t ou tard un accident majeur.
Vous ancrez votre fiction dans l'actualit� politique de la France, celle du durcissement des lois fran�aises sur l'immigration. Comment la politique actuelle du gouvernement Sarkozy peut-elle par analogie �voquer le triste sort des Morisques ?
Tous les jours Sarkozy d�l�gue ses chiens de garde (Hortefeux, puis Gu�ant sans oublier les pizzaiolos du sud-est) pour stigmatiser le rebeux, qui devient le bouc sacrificiel de la Sarkosie. La peur fait le reste. On parle de revoir l�attribution de la nationalit�. Sarko lui-m�me oppose maintenant citoyennet� et peuple. C�est un th�me typiquement fasciste, voire nazi. Le wolk, la loi du sang. � terme, une expulsion massive pourrait bien �tre envisag�e par un gouvernement de droite alli� au FN.
Vos romans sont un r�quisitoire contre l'intol�rance en g�n�ral et religieuse en particulier, qu'il s'agisse ici du fondamentalisme catholique ou de l'islam de combat. L'islamisme estil la sainte Inquisition d'aujourd'hui ?
Le monoth�isme en g�n�ral tend vers le totalitarime. L�islam qui pr�tend r�gler la vie du croyant m�me dans ses aspects les plus intimes en est l�illustration. De ce point de vue juda�sme et islam sont tr�s proches, certains th�ologiens ont m�me avanc� que le Coran n��tait que la traduction en arabe de la Thora. Le christianisme lui s�est temp�r� par la parole d�amour et de pardon de J�sus. L�islamisme politique qui contraint, assassine corrompt pour s�imposer est � mon avis pire que l�Inquisition.
Vous soulignez �la parfaite compl�mentarit�, dites-vous, des islamistes et des Sarkozystes. En quoi repr�sentent-ils, selon vous, �les deux faces d'une m�me m�daille� ?
Les fondamentalistes mettent leur femmes sous niqab, c�est pain b�ni pour Sarkozy qui pond aussi sec une loi. Les islamistes envahissent la rue le vendredi pour soidisant prier, Sarkozy d�nonce l�atteinte intol�rable � la libert� de circuler, alors qu�il lui �tait simple de demander � la police d�interdire ces pri�res. Il a besoin du clash pour d�noncer. Que deviendraient Sarko et ses sbires si les islamistes ne lui offraient pas ces occasions politiques ?
Par son registre de langage et le cadre de son action qui se d�roule en partie en mer, Le p�riple andalou est aussi un roman de la mer. Quelle place cet �l�ment tient-il dans votre vie ? Qu'apporte � l'�crivain que vous �tes la navigation en solitaire ?
Pour acc�der � l�humilit� de l��me ch�re � la grand-m�re, rien ne vaut une navigation � la voile en M�diterran�e. C�est une mer hyst�rique qui passe du calme plat au coup de vent de force 8 en quelques heures. Ses vagues sont courtes, r�geuses donc tr�s dangereuses. Face � cette force, il faut �tre humble. Faire le dos rond. Attendre. C�der quand il le faut. Pr�parer le bateau. Choisir l�allure et prier Neptune (pas un autre) de calmer cette furie. D�autre part, �crire est une navigation en solitaire.
Propos recueillis par Meriem Nour
Note bio
Derri Berkani est n� le 3 septembre 1937 � Dra�-El-Mizan. Apr�s des �tudes de m�decine, il int�gre l'Institut des hautes �tudes cin�matographiques (IDHEC). R�alisateur, documentariste, il est aussi l'auteur de 5 romans, tous parus aux �ditions L'Harmattan : Ne montre � personne (1995), la Kahena de la Courtille(2002), le Tournesol fou (2004), le Retourn�(2007), le P�riple andalou(2011).
Signet
Nostalgie ? L'Andalousie est le paradis perdu de ceux qui n'ont pas de paradis. C'est pourquoi le regret se cristallise dans cette r�gion d'Espagne o� le r�ve d'une fraternit� et d'une harmonie s'est r�alis�, du moins en est-il ainsi dans la m�moire gard�e vivace. Mais le r�ve finit en cauchemar ou plut�t n'en finit pas de finir. C'est ce que nous raconte le roman de Derri Berkani. Avant d'�tre chass�s d'Andalousie, les Maures ont �t� oblig�s de se convertir au christianisme en prenant le nom de Morisques. Discrimin�s en Andalousie en tant que musulmans et en Afrique du Nord, apr�s le reflux, en raison de leur christianisme, ils ressemblent aux �migr�s d'aujourd'hui qui sont toujours de l'autre rive. Une histoire qui repart avec d'autres noms.
Bachir Agour
P�riple andalou
A l'�ge o� ses confr�res jouent au golf ou se mettent � l'�tude du piano, Abderrahmane Avercane, m�decin urologue � la retraite, embarque en solitaire sur une trinquette baptis�e Jugurtha. Il part � la recherche des traces laiss�es par ses anc�tres morisques, conform�ment � la promesse faite � l'a�eule, Mina, de retourner un jour en Al-Andalous. �Des gamineries� pour sa femme Myriem qui ne le comprend pas, pas plus que ses filles Nadia et Safia plus sensibles au combat pour l'�galit� entre les sexes, � travers la lutte anti-niqab, qu'� la qu�te de leur p�re. La fiction s'ancre dans l'actualit� politique de la soci�t� fran�aise. Un projet d'introduction des tests ADN dans un ensemble de lois sur l'immigration propos�es par le gouvernement Sarkozy, et leur cons�quence imm�diate, la stigmatisation de toute une population, renvoie le narrateur quatre si�cles en arri�re. S�vissaient alors les th�ories de la puret� du sang � l'origine de la pers�cution puis de l'an�antissement des Morisques. Le devoir de transmission, une forme de �r�sistance contre l'in�luctable�, est symbolis�e par une cl� en bronze cens�e avoir appartenu � l'anc�tre chass�e de Grenade en 1609 : �Cette cl� m'a appris le caract�re sacr� de mon existence. Elle a replac� l'individu isol� que je suis dans la cha�ne des g�n�rations.� Ce th�me de la qu�te illustr� par l'objet conf�re au roman de Derri Berkani un caract�re initiatique. Il induit une r�flexion philosophique sur le sens de l'histoire, son �ternel recommencement et la responsabilit� interg�n�rationnelle. Le p�riple donne lieu, � travers l'�vocation du sort de la lign�e, au r�cit de l'histoire tragique des Morisques qui, d'Espagne en Berb�rie, furent condamn�s au silence, � l'errance, au vagabondage. En bateau d'abord, puis conform�ment aux prescriptions de l'anc�tre, humblement � pied ou � dos d'�ne, le narrateur tente d'accomplir son destin, celui de passeur de la tradition. L'auteur m�le avec audace et habilet�, histoire et actualit�, l'une �clairant l'autre et inversement. Il donne � la premi�re une dimension �pique illustr�e par des personnages puissants, haut en couleur, embl�matiques de la qu�te. De Baba Lakhdar, le patriarche, homme de culture sauvant les �uvres d'Averro�s des flammes de l'Inquisition, � son �pouse Lalla Khadidja d�chir�e par le rapt de ses fils convertis de force au catholicisme, et pourtant jamais an�antie, en passant par la tante amti Khe�ra, adepte du ma�tre soufi Ibn Arabi ou Ibrahim son �poux m�cr�ant, mauvais chr�tien et musulman ex�crable, la lign�e des Avercane t�moigne de la grandeur et de l'an�antissement d'un peuple. Grandeur et d�cadence aussi de l'esprit d'Al-Andalous tu� hier par la Reconquista et aujourd'hui par l'esprit mercantile qui sacrifie la culture � la recherche du profit. Ainsi, au rythme du cheminement du narrateur d�file l'histoire morisque de l'Espagne chant�e sur les po�mes de Garcia Lorca avant d'aborder les terres de Berb�rie et les heures tragiques de la conqu�te de l'Alg�rie. L'�criture de l'auteur est cisel�e, pr�cise et luxuriante. Le registre de la mer, un th�me r�current chez ce marin en solitaire, est particuli�rement d�lectable. Il alterne le bruit des pales frappant l'eau sur un air de zambra �musique morisque � au lamento scand� par les femmes �voquant l'histoire des pers�cutions. Pour �tre po�tique son �criture n'en est pas moins ac�r�e et critique tant � l'�gard des fondamentalistes de tous les temps, qu'ils soient catholiques ou islamistes, que des populistes qui stigmatisent des populations qu'ils vouent � l'opprobre et au lynchage, actionnant les peurs pour des raisons �lectoralistes. �A quoi rime cette recherche tardive de racines fantaisistes ?� lorsque l'oubli a fait son �uvre. Question lancinante qui n'appelle d'autre r�ponse que la sagesse du narrateur : �Des odeurs, le bruissement des fontaines, le reflet des bassins. Voil� tout le legs de mes anc�tres andalous.�


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.