L'expulsion des Morisques de Valence (1609). L'heure fatale à travers les tableaux de la collection Bancaja (1612-1613) De notre envoyée spéciale à Tlemcen Wafia Sifouane C'est dans le cadre de la semaine culturelle de la République d'Espagne à Tlemcen, inaugurée le 13 juin dernier, que le passé commun que partagent l'Algérie et l'Espagne a refait surface, le temps d'une conférence dédiée aux Morisques. Présentée par le chef de département de langue arabe à l'université d'Alicante, Luis Bernabé Pons, la communication s'est articulée autour de l'histoire des Morisques.Forcés à se convertir au christianisme par le décret des rois catholiques du 14 février 1502, les Morisques ont continué à pratiquer leur religion dans la clandestinité jusqu'au jour où ils sont expulsés par le roi Phillip III d'Espagne le 22 septembre 1609 vers le Nord-Afrique. Vivant l'islam en secret, les Morisques, du point de vue des chrétiens d'antan, ont été considérés comme des gens de mauvaise foi. «Le choix de pratiquer l'islam en cachette est une forme de résistance culturelle et un moyen de survie pour leur croyance», affirme le conférencier. Déportés vers l'autre rive de la Méditerranée, les Morisques sont accueillis par l'Algérie, le Maroc et la Tunisie, ce pan de l'histoire (l'après-expulsion) a occupé une grande partie de la conférence durant laquelle le chercheur s'est attardé à comparer les différents degrés d'intégration des Morisques dans le Maghreb. Au Maroc, par exemple, le conférencier a souligné que les Morisques arrivés à l'ère du sultan Moulay Zidane s'étaient très bien intégrés dans la société et notamment dans l'armée. D'ailleurs, la ville de Rabat était régie par les Morisques. Concernant la Tunisie gouvernée à l'époque par le dey Othmane et placée sous la régence turque, les Morisques ont observé une lente intégration due à la différence des cultures. «Les Morisques ont mis beaucoup de temps pour intégrer la société tunisienne car ils avaient peu de choses en commun, surtout la langue. Mais les autorités ottomanes ont bien su encadrer la minorité morisque en leur inculquant les préceptes de l'islam en espagnol et en leur construisant des mosquées», déclare le conférencier en ajoutant que «cette longue procédure a fini par donner de grands résultats car la minorité morisque s'est carrément dissolue dans la société laissant des traces de leur passage visibles jusqu'à nos jours».Le conférencier conclura son intervention avec un chapitre consacré aux Morisques en Algérie où leur intégration s'est faite différemment qu'en Tunisie et au Maroc. En fait, occupée par l'Espagne, la bande littorale du nord de l'Algérie représentait pour les Morisques une maison d'accueil propice au développement. Ayant gardé l'élément espagnol de leur culture au sein de l'Algérie, les Morisques ont pu jouir d'une certaine liberté de culte et de culture dans la société algérienne plurilinguistique et prospère. «Avec les frères Barberousse, les Morisques de la régence d'Alger se sont distingués par leurs talents, notamment dans la navigation maritime, et leur parfaite connaissance du bassin méditerranéen. S'ajoute à cela leur travail d'artisans», confie le conférencier. «L'histoire des Morisques en Algérie n'est pas une histoire d'une communauté mais celle de la naissance d'une nouvelle société qui se nourrit des cultures des deux rives», ajoutera-t-il en affirmant qu'à l'époque, la régence d'Alger comptait plus de 25 000 Morisques. La conférence est «illustrée» par la projection de tableaux relatant le parcours des Morisques.Attentivement suivie par l'assistance, la conférence a suscité un grand débat d'actualité qui a refait surface en 2009 lors de la commémoration du 400e anniversaire de l'expulsion des Morisques. Des intervenants n'ont pas manqué de souligner qu'un grand mouvement associatif de descendants de Morisques se bat actuellement en Espagne pour la reconnaissance de ces expulsés et de leur histoire pour la réhabilitation de leur identité et de cette partie ignorée de l'histoire. Par ailleurs, le conférencier a lancé un appel aux universitaires algériens pour approfondir les recherches sur le thème des Morisques en Algérie tout en déplorant la disparition des documents d'archives durant la guerre de Libération algérienne. Présent à cet événement, le responsable de l'Institut Cervantès d'Oran a annoncé un futur colloque consacré à la présence espagnole en Algérie réalisé en partenariat avec la direction des archives d'Algérie. W. S. Dr Luis Fernando BERNABé PONS Professeur à l'Université d'études arabes et islamiques à l'université d'Alicante Licence en philosophie hispanique : Université d'Alicante (1986), Doctorat en philologie : Université d'Alicante (1992), Master en euro-arabe : Université d'Alicante (1993) ; RECHERCHE lMudéjar et maure lLittérature aljamiada. lLes relations entre la littérature arabe et la littérature hispanique. lLittérature d'Al-Andalus. lLittérature. PUBLICATIONS lLe texte de l'Evangile de Saint-Barnabé maure de Grenade-Alicante : Universidad de Granada-Instituto Juan Gil-Albert, 1998. lL'Evangile de Saint-Barnabé. Un musulman évangile espagnol , Alicante: Universidad de Alicante, 1995. lBibliographie de la littérature aljamiado-mauresque, Alicante: Universidad de Alicante, 1992. lLa littérature arabe, Valencia : Generalitat Valenciana, 1990. lLe chant islamique arabe hispanotunecino Taybili , Zaragoza : Institución Fernando el Católico, 1988. ENSEIGNEMENT (2006-2007) lLittérature médiévale arabe : Al-Andalus (BA Filolgia arabe) lLes relations entre la littérature arabe et hispanique et littératures (BA en littérature arabe) lLittérature arabe et maure (BA en littérature arabe) lMéthodologie de l'édition en espagnol avec l'écriture arabe