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DECODAGES
TUNISIE �Il faut ramer pour aller � la d�mocratie� (Beji Ca�d Essebsi)
Publié dans Le Soir d'Algérie le 13 - 07 - 2011


Par Abdelmadjid Bouzidi
[email protected]
Le 14 janvier 2011, le pr�sident tunisien Ben Ali �d�gage � : la rue a eu raison du dictateur et les Tunisiens entament leur �r�volution� et leur marche vers la d�mocratie. Le monde entier est admiratif et les peuples arabes fiers d�avoir d�montr� par l�interm�diaire de leurs �fr�res tunisiens� qu�ils �taient capables de changer le �cours des choses� et d�engager des �transitions d�mocratiques� porteuses de libert�s, d�Etat de droit, de d�veloppement �conomique et social. L�exemple tunisien n�a d�ailleurs pas tard� � s��tendre � l�Egypte, le Y�men, la Libye, la Syrie�
Le ph�nom�ne int�ressait d�autant plus les analystes qu�il a �t� d�clench� par la rue, sans �lite ni parti politique qui encadre, sans pr�paration ni maturation du mouvement. De plus, la �r�volution� a eu une origine purement sociale avant de devenir politique.
�Le processus enclench� est une v�ritable course d�obstacles juridiques, politiques et �conomiques�.
C�est le Premier ministre, M. Ca�d Essebsi, qui rappelle : �La r�volution n�est pas la d�mocratie, mais une porte ouverte sur la d�mocratie. � Et les Tunisiens constatent quotidiennement que le chemin qui m�ne � la deuxi�me R�publique tunisienne, plus ouverte, d�mocratique et sociale est long et parsem� d�obstacles. A ce jour, pr�s de 70 partis ont demand� leur agr�ment, r�v�lant ainsi la soif de d�mocratie qu�expriment les Tunisiens mais montrant aussi le risque d�un �miettement du paysage politique laissant le champ libre aux partis politiques structur�s et bien organis�s comme le parti islamiste Ennahda. Un sondage d�opinion r�alis� au mois de mars (2011) donne des r�sultats int�ressants qui �clairent sur le paysage politique tunisien : 61,4% des sond�s d�clarent ne conna�tre aucun parti politique. Le parti islamiste Ennahda est le plus connu avec une notori�t� de 29%, suivi du Parti d�mocrate progressiste (PDP : gauche tunisienne) avec 12,3%. Les pr�f�rences partisanes des sond�s sont les suivantes : aucun parti : 74,7% ; Ennahda : 14,6% ; PDP : 3,2%. Des sondages informels cr�ditent les islamistes d�un taux de 30 � 40% lors des futures �lections. Le 30 janvier 2011, Ghanouchi, le leader d�Ennahda, de retour au pays apr�s 22 ans d�exil, a �t� accueilli � l�a�roport de Tunis par des dizaines de milliers de sympathisants aux cris de �Non � l�extr�misme ! Oui � l�islam mod�r� !� et �Islamistes pas terroristes !� Ce jour-l�, Ghanouchi a d�clar� � l�a�roport : �Je ne r�ve pas de jouer un r�le politique. Tout ce que je veux, c�est que la Tunisie devienne un pays libre et prosp�re� L�islam n�appartient pas � Ennahda. Il est en faveur de l��galit� entre hommes et femmes et garantit le droit de chaque individu.� Et il a poursuivi : �Le mouvement Ennahda travaillera dans l�int�r�t de la r�volution populaire. � Ajoutant : �Le mouvement s�engage en faveur de la d�mocratie et du droit du peuple � choisir son pr�sident par le biais des �lections. Le porte-parole du mouvement, M. El Djaziri, d�clarera pour sa part, quelques jours plus tard : �Le mouvement ne souhaite pas diriger le pays. Il veut travailler avec les autres forces du pays.� Mais El Djaziri met en garde contre toute tentative d�exclure son parti du processus politique qui se met en place. Et pour tranquilliser les �lecteurs tunisiens, Ahmed El Djebali, un autre membre de la direction d�Ennahda, affirme : �Nous ne sommes pas le mouvement des talibans, ni Al Qa�da, ni Ahmadinejad. Nous respecterons le choix des urnes au moment du scrutin. � Comme on peut le voir, s�rs de leur victoire aux �lections l�gislatives, les membres dirigeants d�Ennahda multiplient les d�clarations qui se veulent rassurantes � la fois � l��gard des �lecteurs mais aussi de l�arm�e, surtout apr�s les d�clarations jug�es incendiaires de l��ph�m�re ministre de l�Int�rieur de l�actuel gouvernement d�union nationale, Farhat Righi, dans un entretien post� sur internet dans la nuit du mercredi au jeudi 5 mai 2011 (cf. Slateafrique.com). Ce magistrat et ancien ministre a affirm� qu�en cas de victoire des islamistes aux prochaines �lections l�gislatives (pr�vues initialement pour le 24 juillet 2011 mais qui ont �t� report�es vraisemblablement � octobre 2011), un �coup d�Etat militaire� aurait lieu, �si Ennahda gagne les prochaines �lections le r�gime sera militaire�. De nombreux Tunisiens ont alors investi la rue et demand� la d�mission du gouvernement. Le Premier ministre Ca�d Essebsi a r�agi en affirmant que les propos du ministre �taient �dangereux et m�ritaient des poursuites judiciaires. Le ministre a �t� limog�. Il faut tout de m�me rappeler que d�j� le 24 janvier 2011, le g�n�ral Rachid Ammar, l�homme fort de soutien au mouvement populaire, avait d�clar� devant les nombreux manifestants : �L�arm�e prot�gera la R�volution.� Face aux islamistes, la gauche tunisienne �appara�t divis�e et sans r�el projet d�union � ce jour� (Selim Benabdesselem et Beligh Nabil in De la r�volution � la constitution de la Nouvelle r�publique, Terra Nova - 6 mai 2011) et la droite lib�rale ainsi que des blocs de l�ex-RCD de Ben Ali tentent de s�organiser en nouveau parti politique. Comme on peut le constater, le paysage politique de la Tunisie d�apr�s Ben Ali est encore en pleine construction et seul le parti d�Ennahda semble bien structur� et implant� territorialement. Les analystes s�accordent alors � dire que la future loi �lectorale qui d�terminera le mode de scrutin est un enjeu politique de premi�re importance pour la suite de la transition d�mocratique. En premier lieu, il y a l�enjeu de repr�sentativit� et de l�gitimit� de l�Assembl�e constituante qui doit �tre �lue avant la fin de l�ann�e. De grandes batailles ont d�j� commenc� au sein de la commission de r�formes institutionnelles. La mission de la future Assembl�e constituante est historique. Il s�agit ni plus ni moins que de fonder la nouvelle R�publique tunisienne.
La situation �conomique actuelle
L��conomie tunisienne est entr�e en r�cession : le taux de croissance du PIB durant le premier trimestre 2011 a chut� de 7,8% (-7,8%) par rapport au quatri�me trimestre 2010. En glissement annuel, la croissance �conomique du pays sera de -3,3%. Selon l�Institut national des statistiques (INS) tunisien, les industries manufacturi�res ont affich� une r�gression de -4,6%, les industries non manufacturi�res de -8,6% et les services de -6,1%. Les investissements directs �trangers ont baiss� de -23,4% dans les industries manufacturi�res. Mais c�est surtout le secteur du tourisme qui est en chute libre. Le tourisme couvrait 60% du d�ficit de la balance commerciale, g�n�rait les devises indispensables � l��conomie, repr�sentait 6,5% du PIB et fournissait 350 000 emplois salari�s. La baisse des recettes est d�j� de 40% pour la saison 2011. Les services h�teliers, caf�s et restaurants ont connu une baisse d�activit� de -35% et les transports de - 18,5% ; enfin, les cr�ations d�emplois pr�vus pour 2011 �taient de 85 000. Il n�y en aura que 20 000. Le ch�mage va bien s�r augmenter et sera probablement de 20% en fin d�ann�e. Jaloul Ayed, le ministre tunisien des Finances, reconna�t que la situation financi�re est critique. �Sur le court terme, financi�rement, malgr� les engagements de la Banque mondiale, de la Banque africaine du d�veloppement, de la France et de l�Union europ�enne, nous avons encore besoin de financements. Nous esp�rons un appui marqu� du G8 � notre plan d�investissement de 25 milliards de dollars sur cinq ans.� Il est �vident que l�absence de croissance �conomique, le ralentissement de l�activit�, l�augmentation du ch�mage ne facilitent assur�ment pas le processus de transition d�mocratique. Loin s�en faut ! Si on ajoute � ces difficult�s les cons�quences complexes et pr�judiciables que subit la Tunisie suite aux probl�mes s�rieux que conna�t actuellement la Libye (afflux massifs de r�fugi�s libyens, arr�t total du flux d��changes commerciaux avec ce pays voisin�), on s�aper�oit que la partie est loin d��tre gagn�e par les Tunisiens. Et �la montre joue contre nous�, souligne un jeune internaute, blogueur et r�dacteur pour le journal du parti de gauche Ettajdid. �La soci�t� tunisienne n�est pas encore totalement immunis�e contre l�installation d�un autre r�gime autoritaire s�il peut r�instaurer la s�curit� �conomique et sociale qui n�existe pas aujourd�hui.� Et c�est le ministre tunisien des Finances qui rappelle fort justement : �Pour consolider la d�mocratie, il faut un gouvernement fort et comp�tent, un Etat de droit, une soci�t� civile forte et des institutions �conomiques fortes.� A bon entendeur.


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