Divisée sur l'attitude à prendre vis-à-vis du régime tunisien de Ben Ali, l'Europe a été surprise par la fuite de l'ex-président Ben Ali et sa famille. Après son silence, la voilà qui pousse un grand «ouf !» de soulagement. En apprenant la chute - et la fuite - du désormais ex-président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali, l'Union européenne a poussé un grand «ouf !» de soulagement pour deux raisons au moins ; la première est que leurs foi et discours sur la liberté et les droits de l'homme sonnaient comme une immense «tartufferie», tant leur proximité et leur éloge au régime tunisien étaient cités comme exemple d'émancipation au Maghreb ; la deuxième est le soutien inconditionnel, à Ben Ali et son système, d'un des membres des plus influents de l'UE : la France. N'a-t-on pas entendu la ministre des Affaires étrangères française, Michelle Alliot Marie, proposer «l'aide de la France au pouvoir tunisien pour le maintien de l'ordre», alors que le peuple tombait sous les balles dans les rues de Tunis et ailleurs ? C'est pourquoi lorsque la représentante de la politique étrangère et de sécurité commune, Catherine Ashton, a insisté dans sa déclaration au nom de l'UE, publiée vendredi soir sur «le soutien et la reconnaissance» à la révolte des Tunisiens, c'est toute l'Europe qui récupère son honneur. «Nous tenons à exprimer notre soutien et notre reconnaissance au peuple tunisien et de leur aspiration démocratique», déclare le communiqué, avant d'ajouter : «Nous réitérons notre engagement avec la Tunisie et son peuple et à l'aider à trouver des solutions à la crise démocratique en cours.» La déclaration de l'UE est importante, même si elle arrive après la déroute du régime de Ben Ali, parce qu'elle prouve que le soutien dont-il se targuait ne faisait pas l'unanimité au sein de l'UE, mais que ce soutien était l'œuvre de quelques pays au sein de l'Union comme la France, l'Italie ou la Belgique. Est-il nécessaire de rappeler l'argument de dupes qui servait de soutien au régime tunisien ? Soit la lutte contre les mouvements islamistes. Ça aurait pu convaincre si cette «excuse» n'était pas utilisée pour bâillonner toutes les oppositions, y compris celles démocratiques et républicaines. D'aucuns auraient remarqué le silence observé par les pays de l'UE, pris individuellement, depuis le début de la révolte tunisienne. Les rares condamnations et appels à la fin de la répression émanaient du Parlement européen, alors que la Commission et le Conseil se sont tus ou ont avancé «qu'ils suivaient l'évolution de la situation». Au moment où nous mettons sous presse, nous apprenons que le principal soutien au régime de Ben Ali, la France, vient de convoquer une réunion interministérielle pour examiner la suite des événements. «La France prend acte de la transition constitutionnelle en Tunisie», affirmait un communiqué de l'Elysée, samedi matin. Par ailleurs, si la «révolution» tunisienne avait laissé coi les capitales européennes, exceptées les démocraties des pays du Nord comme la Suède ou l'Angleterre qui avaient dénoncé le régime de Ben Ali, elle ne faisait aucun doute chez les Américains qui ont vivement condamné la répression dès les premiers jours et appelé au changement démocratique. Un autre indicateur de la collusion du régime de Ben Ali avec certaines capitales européennes s'observe dans les «aéroports» : une mobilisation des tour-opérateurs pour le rapatriement de milliers de touristes français, belges, néerlandais faisait la «Une» des journaux télévisés jeudi et vendredi soir. Tout un symbole. Une consolation quand même pour l'UE : le dictateur tunisien n'a pas posé ses valises en Europe. Il a choisi un frère arabe, l'Arabie saoudite, un autre pays d'accueil des déséspérés.