Nous l�avions �crit : apr�s la chute de Ben Ali, le plus dur �tait � venir. Et cela n�a pas tard�. Comme en Alg�rie, apr�s octobre 1988, en Tunisie, les forces r�actionnaires, les islamistes d�Ennahdha et les salafistes de Tahrir n�ont pas tard� � se mettre � l��uvre avec pour objectif de confisquer une r�volution � laquelle ils n�ont pas pris part, ayant assist� en spectateurs au mouvement populaire qui a emport� le r�gime de Ben Ali. Au d�but, en janvier-f�vrier dernier, place de la Casbah � Tunis o� se trouve le si�ge du Premier minist�re, occup� alors par les jeunes de Sidi Bouzid et Kasserine, pas l�ombre d�un �nahdhaoui� ni d�un salafiste parmi ces milliers de jeunes brandissant l�embl�me national et des drapeaux rouges, des portraits de Mohamed Bouazizi et de� �Che Guevara�. Sur les murs, ces inscriptions en espagnol qui en disaient long sur le sens de leur combat : �Hasta la victoria�, mot d�ordre des r�volutionnaires cubains qui avaient renvers� la dictature de Batista en 1959. Ennahdha �tait alors rest� � l��cart de ce mouvement qui exigeait la d�mission du gouvernement Ghanouchi. Tahrir, un groupuscule salafiste, peinait � exister. Mais depuis la chute de Ben Ali, la situation a bien chang�. Dot�s de moyens financiers consid�rables, et ce, gr�ce � l�argent en provenance des p�tromonarchies du Golfe, les islamistes �talent leur force. Ennahdha qui, de l�aveu d�un de ses dirigeants, Zied Dalouatli, rencontr� � Tunis en f�vrier dernier, ne disposait en 1989 que d�un appartement de trois pi�ces tenant lieu de si�ge, se paie aujourd�hui un immeuble high tech dans le quartier hupp� de Montplaisir de Tunis, dot� de puissants moyens de communication � fibre optique s�curis�e (deux m�ga) - le reliant � ses structures dans les 24 gouvernorats de Tunisie. Et ce, en plus des nombreux sites internet que le parti de Ghanouchi partage avec Tahrir ! Plus inqui�tant, derri�re un discours de fa�ade pr�nant la d�mocratie, le dialogue, la confrontation d�id�es, la promesse de ne pas toucher au statut des femmes, ce sont ces multiples agressions physiques et verbales ayant lieu � Tunis et ailleurs. Contre les femmes d�abord qu�on tente de terroriser et auxquelles Ennahdha, qui condamne bien s�r ces actes, conseille une �tenue correcte� pour ne pas �tre agress�es, � savoir mettre le hidjab ! Les rassemblements et les meetings de l�AFDT (Association des femmes d�mocrates tunisiennes) ont �t� perturb�s violemment et leurs militantes agress�es par des militants d�Ennahdha � Kairouan, Sfax et dans d�autres villes du pays. Il en est de m�me pour le parti Ettajdid qui pr�ne publiquement la s�paration du politique et du religieux, du PDP (Parti d�mocratique progressiste) de Nejib Chabi. Le cin�aste Nouri Bouzid a �t� frapp� � la t�te avec une barre de fer pour avoir demand� l�inscription de la la�cit� dans la Constitution. Le 26 juin, le cin�ma AfricArt est saccag� par des salafistes croyant qu�il allait projetait le film de Nadja Al-Fani Ni Allah ni ma�tre. Cette derni�re est par ailleurs menac�e de mort. Ces agressions, ces pressions multiformes sur les femmes et les d�mocrates ne sont pas sans rapport avec l�adoption par la Commission des r�formes politiques le 1er juillet du �pacte r�publicain� pr�conisant �la s�paration entre les domaines politique et religieux�, �l'ind�pendance personnelle de chaque citoyen dans ses croyances et son droit � pratiquer les rites religieux, et la pr�servation des acquis de la femme tunisienne�, autrement dit de la citoyennet�, qui doit servir de socle � la future Constitution(1). D�o� l�inqui�tude des forces de progr�s face � la poursuite de la d�t�rioration de la situation � tous les niveaux et visant � emp�cher la Tunisie d�aller de l�avant. En �gypte, rien n�est encore acquis. Les Fr�res musulmans, qui ont cr�� un parti, le Parti de la libert� et de la justice (PLJ), concurrenc� sur sa droite par les salafistes, affirment haut et fort la primaut� de la religion sur la loi, mettant entre parenth�ses la citoyennet� pour laquelle des dizaines de milliers d�Egyptiens se sont battus place Tahrir. H. Z. (1) Tous les partis, sauf Ennahdha qui s�en est retir� en juin dernier, les associations de la soci�t� civile et les syndicats, sont repr�sent�s dans cette commission pr�sid�e par Yadh Ben Achour.