[email protected] En attendant qu�il devienne un prochain scandale financier, le projet de la mosqu�e d�Alger n�est-il pas d�j� l�illustration de l�inclination mysticom�galomaniaque d�un chef d�Etat dont les pouvoirs r�galiens n�ont plus de limites ? Au moment o�, dans les terres qu�il r�gente depuis 12 ann�es, la mis�re prosp�re et la d�tresse se manifeste chaque jour que Dieu fait justement, est-il moral de sa part de puiser dans l�argent public les fonds destin�s � une gigantesque maison divine alors que la grogne des chaumi�res enfle ? Certains diront que l�on m�lange et confond tout et le reste. Et que se r�f�rer au caract�re �moral� sur le sujet est inappropri� si tant est que la morale est d�abord connot�e par la religion. Soit, mais alors qualifions simplement cette d�pense disproportionn�e d�ind�cente d�s lors qu�elle prive l�existence profane de la population de moyens pour l�am�liorer. En somme, un luxe de croyants qui l�vent les yeux au ciel et ne voient pas la mendicit� � son palier. A travers donc ce projet, que l�on s�appr�te � ent�riner, l�on ne peut, h�las, s�emp�cher d�y voir un d�plorable mim�tisme avec le suppos� �grand �uvre� de feu le monarque voisin. Un d�lire religieux d�un certain Hassan II lequel � son �poque n�a pourtant pas puis� directement dans les caisses de l�Etat en instaurant, d�autorit� certes, un imp�t de la foi dont l�inspiration rappelle les deniers du culte. Comme quoi, dirait le sage, la foi n�a point besoin de cette sordide comp�tition voire qu�elle insulte la grandeur d�une religion, lorsqu�en son nom, l�on cultive la magnificence dans les oc�ans de la mis�re. C�est ainsi que l�on vient d�apprendre que trois consortiums sont en lice parmi lesquels seul le chef de l�Etat aura le privil�ge discr�tionnaire de d�signer le laur�at. Voil� encore un autre signe de c�sarisme du pouvoir. Celui du �go�t s�r� du chef ! Non seulement son avis est pr�pond�rant dans les arbitrages, mais bien plus encore, le lieu du culte devra �tre sa �chose�, c'est-�-dire sa r�v�rence, cette fois modeste, aux d�crets du divin. Cela dit, il nous faudra revenir sur la question centrale de la facture. En effet, quand bien m�me cette glorification architecturale sera-telle destin�e � sauver collectivement nos �mes, l�on ne peut s�autoriser le silence sur l�orthodoxie d�un pareil investissement sans retour de plus-value concr�te sinon une hypoth�tique cl�mence c�leste. Qui a, par cons�quent, donn� le feu vert de la d�pense ? Autrement dit le gouvernement et le Parlement ont-ils endoss� le projet ou au contraire le pr�sident de la R�publique le consid�re-t-il comme son ��uvre� personnelle de m�me qu�il ne veut pas �tre contraint de justifier la proc�dure financi�re de sa r�alisation ? Ce sont l� des questions qui devront �tre pos�es. Ce que nous savons par contre sur la monumentale �Maison� est qu�elle va co�ter � la spiritualit� collective entre 2 et 3 milliards de dollars. Des chiffres vertigineux que la sagacit� des petites gens ont d�j� converti en monnaie nationale et m�me imagin� les possibilit�s qu�ils offriraient. Le parall�le est sid�rant puisqu�avec une telle somme l�Alg�rie pouvait r�aliser 8 universit�s capables de recevoir chacune 50 000 �tudiants et de surcroit financerait 20 ann�es de recherche scientifique. L�on peut � sati�t� s�amuser � affecter virtuellement cette �donation� � la religion dans les projets du bien-�tre terrestre. Elle sera toujours plus convaincante � l�authentique vertu de la foi que tous les minarets taquinant les nuages. Dire les choses ainsi n�est ni blessant pour le croyant ni blasph�matoire de la foi. Il n�y a que la tartuferie des courtisans et les bondieuseries cr�pusculaires de leurs ma�tres pour s�en offusquer. Anticiper sur l�histoire qui s��crira autour de cette mosqu�e �capitale� n�est plus un exercice difficile d�s l�instant o� l�on sait que l�affairisme et la corruption sont les constantes de cette R�publique. Depuis quatre ann�es h�giriennes (Ramadan 2007), date de la �r�v�lation� du grand �uvre, jamais le chef de l�Etat n�y a apport� la moindre clarification publique sur les proc�dures l�gales et moins encore sur le fonctionnement de la n�buleuse qui pilote son r�ve c�leste. Une agence est certes cr��e (ANARGEMA) mais ne se manifeste que lorsqu�elle est actionn�e. Econome dans sa communication, comme elle vient de le faire cette semaine, elle cultive l�opacit� comme il s�agissait d�un secret d�Etat. Une paradoxale discr�tion honteuse alors que son travail vise � la glorification de notre Islam. Oserons-nous, � notre tour, conclure, d�une mani�re lyrico-religieuse, que la foi tourment�e des princes qui nous gouvernent n�a trouv� de meilleur rachat � leur conscience que le recours aux pierres ? Tuteurs d�un peuple en permanence maltrait�, ils ach�tent une gr�ce divine au supermarch� des rituels. Sauf qu�ils commettent l�irr�parable �mensonge � Dieu� !(1) B. H. (1) Un clin d��il au roman de Benchicou : Le mensonge de Dieu auquel nous avons substitu� le �� qui grammaticalement exprime le rapport au �de� qui lui d�signe l�appartenance.