�Pour nous, l�instauration de la d�mocratie pluraliste repr�sentative n�est pas une fin en soi�. Contrairement � ce que l�on peut penser, cette �fetwa� du chef de l�Etat n�est pas une foucade de tribun emport� par sa verve discursive. Scrupuleusement consign�e dans la version officielle de son allocution (1), elle indiquerait plut�t, que sur le sujet, sa pens�e n�a pas �volu� et qu�il compte en rester aux modalit�s infantilisantes de la cooptation. Rien d��tonnant � cela, car depuis bient�t deux l�gislatures (1997 et 2002), le Parlement dans sa globalit� a tenu tous les r�les sauf celui de contr�ler l�action des pouvoirs publics. Les Assembl�es n��tant pas l��manation r�elle de l��lectorat, � qui doivent-elles leur existence, si ce n�est au ma�tre du pays qui les fa�onne et recompose selon son propre timing politique. Le fait que Bouteflika saisisse l�opportunit� d�un colloque pour mettre � nu cette th��tralit� d�mocratique en d�non�ant brutalement son caract�re artificieux ne le rend meilleur d�mocrate qu�il ne l��tait. Bien au contraire, il se r�v�le plus que jamais attach� � une sorte de �despotisme �clair� qui aurait pour vertueux devoir de tenir la bride courte aux libert�s. Car, si sentencieusement, il ne voit en le �pluralisme repr�sentatif� qu�un pis-aller, il ne nous dit pas comment lui substituer la forme achev�e de la d�mocratie participative si l�on ne passe pas par un parlementarisme vigoureux dont nul n�ignore qu�il est une p�dagogie civique, malgr� toutes les tares qu�on lui impute. Se contentant de balayer cette esth�tique des urnes dont l��thique �tait, jusque-l�, notoirement douteuse, il ne scie, cependant, pas la branche sur laquelle son propre pouvoir s�appuie pour r�genter sans partage la r�publique. Aussi ce qui pouvait appara�tre comme une r�flexion fonci�re sur la question � le contexte acad�mique �, n�est en v�rit� qu�un rappel � l�ordre destin� aux officines partisanes qui l�entourent. A moins d�une ann�e du renouvellement de tous les mandats ��lectifs� (APN, APC, APW�), il lui fallait d�gonfler les quelques baudruches politiques qui se sont mises � croire qu�elles pourraient tester en toute autonomie la bo�te de pandore des �lections et, pourquoi pas, s��manciper si �affinit�s �lectives� il y avait�. Or, c�est cette tentation chez certains de s�affranchir qui lui donne motif � �explication de textes�. A travers ce discours sur la m�thode d�mocratique, il arguait doctement qu�il y avait des voies autrement plus �efficientes� (sic) que l�ersatz de la �repr�sentativit� � m�me si l�on sait qu�elle signifie peu de choses dans ce pays. En attendant de solder cet h�ritage r�cent (puisqu�il n�est pas une fin en soi), les appareils devraient s�abstenir de perturber l�usage ancien. Ils sont donc subtilement pr�venus au sujet de la saison des urnes : elle ressemblera aux pr�c�dentes (1997- 2002) avec ses quotas r�vis�s et ses d�put�s appel�s � l�accomplissement des m�mes besognes que leurs pr�d�cesseurs. En effet, qui se souvient qu�un jour un gouvernement est tomb� � la suite d�un vote de d�fiance de notre auguste Parlement ? Personne n�a en m�moire un tel fait d�armes et c�est bien cela le trait distinctif d�un pouvoir l�gislatif� impuissant. Celui de ne jamais s�opposer frontalement � l�ex�cutif, volant, en toutes circonstances, � son secours et souvent jusqu'� renoncer au simulacre du d�bat. Confin�s dans des liens de quasi-all�geance, les partis politiques adoub�s dans l�h�micycle n�ont pas contribu� au remodelage, souhait� par l��lectorat, de la fonction du Parlement. Autant dire que la rupture avec le monolithisme du parti-Etat ne s�est op�r�e qu�� travers le fractionnement en p�les d�int�r�ts sp�cifiques d�une m�me matrice id�ologique. Malgr� le formalisme de la pluralit� introduit par la Constitution de 1996, l�inclination � se mettre au service du gouvernement au lieu de privil�gier le devoir de s�y opposer est demeur�e intacte. Ainsi tous les chahuts auxquels se pr�tent parfois nos d�put�s n�ont jamais d�stabilis� un ministre ni m�me le contraindre � modifier sa copie. D�une session � une autre, le spectacle est rejou� avec le m�me sc�nario : quelques critiques orales sont �mises comme le sont dans un jeu de r�le les r�parties, mais sans f�cheuses cons�quences. Le happy end contresigne ces confrontations verbales. Pass� donc de statut �muet�, si cher � toutes les chambres d�enregistrement, � celui de forum de toutes les l�galisations, l�APN a fait �tonnamment reculer la morale politique bien plus que ne le fit l�intol�rant �centralisme d�mocratique�. Le discr�dit jet� sur cette institution totalement inf�od�e n�a pas eu de semblable m�me dans le contexte ayant pr�valu de 1976 � 1990, c'est-�-dire au temps du parlement � parti unique. Et pour cause, l�on a ajout� au traditionnel fonds de commerce politique de la cooptation en amont, la tromperie des �tiquettes ! Le pluralisme, qui aurait d� en bonne logique lui valoir un surcro�t de notori�t� aupr�s de l��lecteur, a �t� lamentablement d�mon�tis� par tant d�impostures. Celles dont se rendirent coupables les deux tiers des mandataires plus soucieux de la rente que de la vocation politique. La notion m�me de majorit� gouvernementale, justifiant les votes de confiance, rel�ve, elle aussi, de la sorcellerie politicienne. Pour ce faire, une id�e de la vanit� d�une telle coh�sion- qui n�a de �liant� que le partage des privil�ges, il suffit de s�attarder sur les p�rip�ties du FLN et du RND au cours de ces deux l�gislatures. �Coalis�s�, d�abord, puis �alli�s� apr�s avril 2004, ils revendiquent publiquement un compagnonnage qui ne doit rien � des convergences de programmes. Encore faut-il qu�ils en aient eu pour s�entendre sur l�essentiel. Or, ce dernier se r�sume � des entreprises d�int�r�ts communs destin�es � soustraire le pouvoir, � tout contr�le institutionnel. C�est donc ce bin�me majeur qui, d�s 1997 (date de la premi�re l�gislature) se chargera de vider le Parlement de ses v�ritables attributs. �A quoi sert le Parlement ?� n�est pas une interrogation uniquement connot�e par son ind�cente instrumentalisation. Elle pose plus s�rement la question globale du syst�me politique en place depuis 1996. Cette suppos�e avanc�e d�mocratique qui n��tait dans les faits qu�un habit d�arlequin, gr�ce auquel le vieux syst�me ressuscitait en faisant croire qu�il �tait �autre�. En dotant le pays d�un faux nez, le tout-puissant pouvoir ex�cutif pouvait se d�fausser � tout moment sans risque d��tre accus� de despotisme archa�que. Ainsi, la promotion d�une chambre �pluralis�e� visait moins � doter l�Etat d�une institution de contr�le qu�� promouvoir des �notaires politiques� pr�ts � toutes les sc�l�ratesses. Le proc�d�, exp�riment� sous 8 gouvernements et 2 pr�sidents (Ouyahia (5), Hamdani, Benbitour et Benflis) a fini par faire de ces �d�pendances� l�gif�rant un s�rail d�eunuques politiques d�pouill�s de l�arsenal de la censure. Cette castration originelle du Parlement �tait pr�cis�ment codifi�e � travers le chantage par la dissolution. Ep�e de Damocl�s dissuasive aupr�s des ces parlementaires sans mandats. Car dans leur majorit� ils ne s�abusent gu�re sur le profil exact de leurs ��lecteurs� fant�mes. Qu�ils relativisent par orgueil la part de la fraude, ils n�ignorent pas, en revanche, � qui ils doivent r�ellement leurs maroquins. Aux m�canismes pervers mis en place s�ajoute donc la tare individuelle d�une l�gitimit� usurp�e. La fiction m�me d�un grand parti majoritaire capable d�imprimer sa marque n�a-t-elle pas �t� balay�e � travers les avatars d�un Benflis remerci� comme ministre, d�boulonn� comme secr�taire g�n�ral et dont les fid�les cr�ateurs au Parlement ont vot� la confiance � ses ex�cuteurs ? Au c�ur de ce travail de d�composition qui commen�a en 2003, l�institution ne surv�cut qu�� travers les bruyants soutiens � l�ex�cutif, comme au temps des chambres croupions. Qu�ils soient d�une chapelle ou d�une autre, les d�put�s s�abstiennent d�sormais de provoquer la moindre pol�mique sur le plus innocent des projets de loi. L�immunit� parlementaire dont ils adorent le cocon ne les a-t-elle pas d�j� immunis�s contre la honte ? Il est vrai que les affronts s�effacent quand les privil�ges demeurent. D�sormais il leur importe peu que ces palais finissent par ne plus abriter des repr�sentants de la nation pourvu qu�ils continuent, eux, � y si�ger avec le secret espoir que l�ascenseur de la promotion s�arr�te devant leurs pupitres. En un mot comme en mille, Bouteflika a s�rement quelques raisons de rappeler aux �managers � des partis qu�ils lui doivent tout. B. H. (1) Le texte officiel du discours du chef de l�Etat au colloque sur la d�mocratie est publi� par El-Moudjahid du lundi 17 avril.