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ENTRETIEN AVEC LE Dr SALAH-EDDINE KADDEM
La polyarthrite rhumato�de : de nouvelles r�volutions th�rapeutiques
Publié dans Le Soir d'Algérie le 31 - 07 - 2011


Entretien r�alis� par Ahmed Cheniki
La polyarthrite rhumato�de est une maladie invalidante qui concerne plus de 300 000 personnes en Alg�rie. Ce qui est �norme. Souvent, les malades sont condamn�s, parfois abusivement, � n�ingurgiter que des cortico�des qui, souvent, laissent de p�nibles traces sur la sant� de la personne, d�j� trop marqu�e par les horribles handicaps de la polyarthrite.
Pour mieux comprendre cette maladie, nous avons approch� le docteur Salah-Eddine Kaddem, sp�cialiste reconnu en rhumatologie, qui a trait� de nombreux cas. De retour de Paris o� il vient de participer au congr�s de la Soci�t� fran�aise de rhumatologie, ce m�decin, tr�s actif, s�int�ressant aussi bien aux questions de l�environnement qu�aux m�decines dites traditionnelles et � l�acupuncture, d�une implacable curiosit�, nous entretient ici de cette maladie, ses causes, ses sympt�mes, mais surtout des avanc�es th�rapeutiques et des possibilit�s de freiner durablement l��volution de cette maladie.
La polyarthrite rhumato�de est tr�s fr�quente en Alg�rie. Qu�en est-il au juste ?
S. E. Kaddem : En Alg�rie, la polyarthrite rhumato�de est tr�s fr�quente, mais il y a un s�rieux d�ficit d��tudes �pid�miologiques pour vous donner des statistiques concernant l��volution de cette maladie dans notre pays. En gros, et selon certaines estimations, elle toucherait de 0,7 � 1% de la population alg�rienne. C�est un peu plus de 300 000 personnes qui sont touch�es par la polyarthrite rhumato�de avec une tr�s nette pr�dilection pour les femmes (trois fois plus de femmes que d�hommes).
Vous avez soign� de tr�s nombreux cas de cette maladie. Quelles en sont, selon vous, les causes ?
Oui, j�ai soign� plus de 1 000 cas de P. R ici � Annaba. Les causes de cette maladie ne sont pas encore bien connues. La polyarthrite rhumato�de est consid�r�e comme une maladie auto-immune, car des cellules du syst�me immunitaire s'attaquent aux articulations, notamment en produisant des anticorps nocifs appel�s �auto-anticorps�. Ceux-ci ainsi que d�autres cellules du syst�me immunitaire s�attaquent aux articulations plut�t que de combattre des substances �trang�res au corps (par exemple, des virus). L'hypoth�se la plus plausible serait que la maladie se d�clenche en r�action � un ensemble de facteurs g�n�tiques, biologiques, infectieux et environnementaux, le tabagisme entre autres. Le r�le du tabac dans le d�veloppement de la maladie a �t� r�cemment d�montr� par des �tudes extr�mement s�rieuses. Ainsi, le risque de d�velopper la polyarthrite rhumato�de pour un fumeur augmente chez les hommes comme chez les femmes, mais avec un pourcentage nettement sup�rieur chez les hommes. Les diff�rences entre hommes et femmes montreraient l'importance des facteurs hormonaux dans la maladie.
La polyarthrite est-elle une maladie g�n�tique ?
Le fait d'�tre parent d'un malade augmente le risque de d�velopper la maladie. Ceci sugg�re qu'un facteur g�n�tique favorise l'apparition de la maladie. Ces derni�res ann�es, les progr�s effectu�s en g�n�tique ont permis de d�tecter plus de 30 facteurs g�n�tiques impliqu�s dans l�apparition de la polyarthrite. Seule l�implication de certains g�nes, comme le HLA-DRB1 et le PTPN22, est cependant clairement d�montr�e. La polyarthrite n�est toutefois pas une maladie �purement� g�n�tique. On estime que le poids de la g�n�tique dans le d�clenchement de la polyarthrite est inf�rieur � 30 %.
Quels sont alors les sympt�mes de cette maladie et comment se manifeste telle ?
La polyarthrite rhumato�de est la plus fr�quente des diverses formes de rhumatismes inflammatoires chroniques regroup�es sous l�appellation �arthrite�. Elle entra�ne une inflammation de plusieurs articulations � la fois, qui enflent, deviennent douloureuses et sont limit�es dans leur amplitude de mouvement. Ces articulations peuvent se d�former progressivement. Chez la majorit� des personnes atteintes, la polyarthrite rhumato�de touche d'abord les mains, les poignets, les genoux et les petites articulations des pieds. Avec le temps, et parfois, d�s le d�but de la maladie, les �paules, les coudes, la nuque, les m�choires, les hanches et les chevilles peuvent �galement �tre touch�s. Il existe une nette pr�dominance f�minine avec un sex-ratio de 3/1, mais cette diff�rence semble s'att�nuer avec l'�ge. Le pic de fr�quence se situe autour de la quarantaine. Cependant, la maladie peut d�buter � tout �ge, y compris chez l'enfant (arthrites juv�niles idiopathiques). L��volution de la polyarthrite rhumato�de est impr�visible. Dans bien des cas, elle �volue par pouss�es, entrecoup�es de p�riodes o� les sympt�mes s�att�nuent, voire disparaissent temporairement. En r�gle g�n�rale, la maladie tend � s�aggraver, � atteindre et endommager de plus en plus d�articulations. Si elle n�est pas correctement trait�e, la polyarthrite peut devenir tr�s invalidante. Les sympt�mes initiaux sont repr�sent�s par : Le gonflement (�d�me) d�une ou le plus souvent de plusieurs articulations. En r�gle g�n�rale, l�atteinte est �sym�trique�, c�est�- dire que le m�me groupe d�articulations est touch� des deux c�t�s du corps. Il s�agit souvent des poignets ou des articulations des doigts, en particulier, celles situ�es le plus pr�s de la main. Les articulations atteintes sont �galement chaudes et parfois rouges. Des douleurs (ou une sensibilit�) aux articulations atteintes. Les douleurs sont plus fortes la nuit et au petit matin, ou apr�s une p�riode de repos prolong�. Elles occasionnent souvent un r�veil nocturne. Une raideur des articulations le matin, qui persiste durant au moins 30 � 60 minutes. Cette raideur s�att�nue apr�s le �d�rouillage� des articulations, c�est-�-dire apr�s les avoir boug�es et �r�chauff�es�. Cependant, la raideur peut revenir dans la journ�e, apr�s une p�riode d�inactivit� prolong�e. Dans moins de 10 % des cas, la polyarthrite d�bute assez brutalement et peut s�accompagner d�une fatigue et d�une fi�vre sup�rieure � 38,5� C.
Cette maladie pourrait vraisemblablement affecter des organes vitaux comme le c�ur, les poumons et les reins et diminuer l�esp�rance de vie. Qu�en est-il au juste ?
Chez certaines personnes, la polyarthrite rhumato�de peut �attaquer� divers organes, en plus des articulations. Ces formes peuvent n�cessiter une approche th�rapeutique plus �nergique. Une s�cheresse des yeux et de la bouche (un syndrome de Gougerot- Sj�gren), est pr�sente chez environ un quart des personnes atteintes. Une atteinte du c�ur, en particulier de son enveloppe (appel�e p�ricarde), n�entra�nant pas toujours de sympt�mes, risquerait de se manifester. Comme d�ailleurs les poumons, les reins ou les yeux qui pourraient aussi �tre atteints, � la suite de la consommation des m�dicaments ou aggrav�s par ceux-ci. Sans oublier les signes d�an�mie inflammatoire. La polyarthrite r�duisait l'esp�rance de vie de 3 � 7 ans, principalement du fait des atteintes cardiovasculaires. Aujourd'hui, un patient qui b�n�ficie de bons traitements au bon moment a une esp�rance de vie qui se rapproche de celle de la population g�n�rale (bons traitements veut dire traitements de fond).
Existe-t-il des traitements � m�me d�arr�ter la progression de cette maladie ? Que devrait faire le patient pour avoir une vie plus ou moins normale ? Est-il condamn� � ingurgiter � n�en pas finir les cortico�des ?
Gr�ce aux bioth�rapies, les rhumatologues disposent, aujourd�hui, de m�dicaments capables de stopper l��volution de cette maladie. Toutefois, la qualit� et les r�sultats de la prise en charge reposent essentiellement sur un diagnostic et un traitement pr�coces. Il est primordial de traiter pr�cocement les patients avant que la maladie ne soit responsable de l�sions articulaires irr�versibles. Une prise en charge � temps permettra d�aider le malade � jouir d�une vie normale, tant sur le plan familial, conjugal ou professionnel. Mais le gros souci reste, toutefois, d�informer le plus grand nombre de rhumatologues de cette r�volution th�rapeutique. Il faut qu�ils soient au courant des derni�res avanc�es dans le domaine. Il faut dire aux m�decins g�n�ralistes : Ne �jouons� plus avec la cortisone car �a peut causer de tr�s graves accidents � nos malades. La prise en charge tardive de la maladie m�ne fatalement vers le handicap et le recours aux proth�ses. C�est pourquoi j�insiste sur la n�cessit� de sensibiliser et d�informer les rhumatologues et les m�decins g�n�ralistes pour les mettre en garde quant � la prescription exag�r�e des cortico�des. Malheureusement dans beaucoup de pays, dont l�Alg�rie, la cortisone est prescrite outrageusement, notamment dans les cas de polyarthrite rhumato�de. Ils doivent donc �tre inform�s sur la disponibilit� des traitements cibl�s et efficaces que sont les bioth�rapies. Les malades doivent aussi �tre bien inform�s et exiger de voir un sp�cialiste en rhumatologie, et surtout ne pas tra�ner la maladie. Le fait de traiter pr�cocement une polyarthrite rhumato�de et d�avoir acc�s aux traitements r�volutionnaires accroit consid�rablement l�esp�rance de vie. Des recherches dans certains pays viennent de r�v�ler que depuis l�utilisation de ces bioth�rapies r�volutionnaires, la probabilit� d�avoir recours � une proth�se articulaire a nettement diminu�. Gr�ce aux bioth�rapies, le malade gagne 7 � 10 ans d�esp�rance de vie, alors qu�avec les cortico�des, il perd dix ann�es.
Y a-t-il des personnes � risque ? Peut-on pr�venir cette maladie ?
Comme je l�ai dit plus haut dans la partie d�finition de la PR, les personnes � risque pour la polyarthrite rhumato�de (PR) sont surtout des femmes, mais �galement des personnes qui ont eu des ant�c�dents de PR dans leur famille (composante g�n�tique).
Y a-t-il une pr�vention possible � l'arthrite ?
La douleur arthritique peut difficilement �tre pr�venue. En revanche, les modifications des habitudes de vie ou certaines techniques (kin�sith�rapie, physioth�rapie, ergoth�rapie�) peuvent soulager les malades. Par ailleurs, la fatigue, le stress, l�anxi�t� jouent un r�le n�faste et accentuent les douleurs. Un �quilibre entre plages d�exercice et plages de repos doit �tre trouv� pour pr�server la mobilit� des articulations et maintenir la masse musculaire. Des mouvements r�guliers, souples et lents sont conseill�s. La lutte contre l�exc�s de poids est �galement une priorit� pour ne pas peser sur les articulations. On ne peut pas pour l�instant pr�venir cette maladie (PR). On peut ralentir et �viter les d�g�ts et avec cette r�volution th�rapeutique, on peut donc stopper la progression et l��volution de cette terrible maladie.
Quel est l��tat actuel des avanc�es en mati�re m�dicale pour soulager et freiner l��volution ?
Du simple traitement de la douleur en passant par les traitements de fond, aux bioth�rapies, la prise en charge de la polyarthrite rhumato�de a consid�rablement �volu� ces derni�res ann�es. Les traitements de la polyarthrite rhumato�de permettent de soulager et de r�duire l'inflammation. Les bioth�rapies (anti-TNF alpha et autres) peuvent notamment ralentir et stopper l��volution de la maladie. C�est une v�ritable r�volution th�rapeutique dans la prise en charge de la polyarthrite rhumato�de, une r�volution majeure pourrait-on dire. Le but de ces traitements de fond est d'obtenir une r�mission, de contr�ler la douleur et de pr�server l'esp�rance et la qualit� de vie : on peut citer Le Plaquenil�, La Salazopyrine�, L�Arava�, Le M�thotrexate (Novatrex�) M�thotrexate�). Le M�thotrexate est le nom du principe actif ; il s�agit d�un immuno-suppresseur antifolique aux propri�t�s anti-prolif�ratives quand il est utilis� � forte dose en h�matologie ou canc�rologie, et anti-inflammatoire lorsqu�il est utilis� � plus faible dose. C�est le traitement de fond le plus largement prescrit dont le taux de maintien � long terme est le plus �lev�. Les bioth�rapies sont des traitements de fond issus de la biotechnologie : les anti- TNF alpha : l'etanercept (Enbrel�), l�adalimumab (Humira�), l'infliximab (Remicade�), etc. En cas d'�chec d'un anti-TNF-alpha, d'autres bioth�rapies peuvent �tre propos�es : ce sont des traitements innovants qui ont vu le jour ces derni�res ann�es. Parmi les nouveaux traitements performants, il existe d�sormais deux m�dicaments r�volutionnaires : le Rituximab (Mabthera*) et le Tocilizumab (Actemra*). Ces th�rapies sont plus efficaces et plus cibl�es. Il ne faut pas oublier aussi l�abatacept � Orencia�. De nombreuses �tudes ont pu t�moigner de l�efficacit� de ces m�dicaments et r�v�l� qu�ils inhibent la progression de la destruction des articulations et am�liorent les capacit�s physiques des patients atteints de polyarthrite rhumato�de. L'arsenal th�rapeutique va s�enrichir dans un proche avenir car d�autres mol�cules de bioth�rapies sont en d�veloppement dans de grands laboratoires et centres de recherche sp�cialis�s � travers le monde.


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