Bien des hameaux et villages d�Alg�rie ont �t� ras�s par l�arm�e coloniale et ce qui restait de leurs populations a �t� d�port� en repr�sailles. Le sacrifice de ces villages qui ont tout donn� pour l�ind�pendance est aujourd�hui malheureusement occult�, voire ignor� par ceux qui sont en charge de faire conna�tre l�histoire aux nouvelles g�n�rations. Noy�es dans un anonymat qui ne dit pas son nom, ces localit�s n�entendent pas se taire devant ce d�ni historique en revendiquant, sans ostentation, la place qui est la leur dans l��chiquier r�volutionnaire national. Parmi ces oubli�s de l�histoire, le village Tizit dans la commune d�Illilten, � 70 km � l�est de Tizi-Ouzou, qui a donn� 158 martyrs � la R�volution, un sacrifice qui le destine certainement au rang de village comptant le plus grand nombre de chouhada en Alg�rie. Le secteur �Allah Irahmou� Ce petit village qui comptait � l��poque environ 500 habitants est situ� dans une zone rouge commun�ment appel�e le �secteur Allah Irahmo� ou le secteur de la mort pour dire que tous ceux qui y vivaient �taient irr�m�diablement destin�s � tomber un jour ou l�autre sous les balles de l�occupant. Ce secteur situ� au c�ur du triangle de la mort, le Djurdjura au sud, l�Akfadou au nord et la vall�e de la Soummam � l�est, constituait une v�ritable plaque-tournante pour les moudjahidine qui en faisaient un lieu de regroupement, une zone de transit et un secteur op�rationnel o� se concoctait la strat�gie du FLN. Un vieux contentieux avec la France L�un des rares rescap�s de la R�volution, le moudjahid Bachir Sadi Oufella, combattant de la premi�re heure, nous explique l�une des raisons de l�engagement total du village Tizit. A l�origine, il y eut ce contentieux ancestral avec l�administration coloniale qui voulait annexer une importante zone de pacage relevant du patrimoine forestier de Tizit. Et lorsque la R�volution arriva, les habitants de Tizit furent les premiers � adh�rer sans r�serve au projet lib�rateur du pays. Et c�est dans ce village que partit l�organisation �ennidham �, ass�ne fi�rement le moudjahid, qui remonte � l��pop�e de Illormane Md Oulhadj, l�un des pionniers de la R�volution qui, avec Kadi Sa�d, chef des moussebiline de la r�gion, et Sadi Oufella Ouali, adjudant de secteur, constitu�rent le noyau autour duquel s�articula la r�sistance dans ce village martyr. Le serment du colonel Mohammedi Sa�d aux villageois Egrenant ses souvenirs, Si El- Vachir raconte comment, dans l�enceinte m�me de la djema� ancestrale fond�e en 1730 par les fr�res Jeddi Yucef, Amar et Moussa, celui qui allait devenir le premier chef historique de la Wilaya III, le colonel Mohammedi Sa�d, avait galvanis� les jeunes du village dans un m�morable discours : �Entrez dans la r�volution alg�rienne grande et fi�re, mobilisezvous comme village historique pour lib�rer le pays du joug colonial, inaugurez la R�volution avec nous�� C'�tait le 23 octobre 1955, se souvient le vieux moudjahid. Krim �tait alors � El-Had, actuel chef-lieu de commune � 5 km de Tizit. Il appelait le MTLD � rejoindre le FLN� Na Ouiza raconte Dans les rues tortueuses du vieux village de Tizit, on a fait la rencontre de Na Ouiza, une veuve de chahid qui a perdu 7 membres de sa famille durant la guerre. Son visage et son regard vide portent les stigmates de la souffrance. Elle raconte les affres de la guerre, les marches interminables pieds nus dans les bois, les s�vices, la torture, les bombardements, le napalm... Et comment la maison familiale avait h�berg� � plusieurs reprises Amirouche. C'est l'un des rares villages o� le lion de l'Akfadou se d�chaussait avant de s'endormir, m� par la confiance plac�e dans ses habitants, clame-t-elle fi�rement. �Amirouche avait son PC au village qui a �galement abrit� des chefs historiques de la R�volution comme Amar Ath Chikh, Krim Belkacem et des groupes de choc�, entonne-telle fi�rement. R�trospective sur les grandes batailles Les hauts faits d�armes dans la r�gion sont l�gion. L�accrochage de Mezoug �tait de ceux qui n��chappent pas aux m�moires oublieuses. C��tait une bataille destin�e � couvrir une activit� de l��tat-major du FLN en conclave dans la localit�. C�est ce jour-l� que le village perdit l�un de ses h�ros, le chahid Oumaouche Md Ouramdane. Amar Ath Chikh, Mohammedi Sa�d et le colonel Ouamrane ainsi que des cadres du GPRA �taient encercl�s et il fallait absolument trouver un moyen pour permettre aux dirigeants du FLN de sortir du gu�pier. Avant de tomber les armes � la main apr�s �puisement de ses munitions, le chahid Oumaouche, sentant sa fin proche, cacha son arme et cria � ses compagnons : �Je vais mourir, vous r�cup�rerez mon arme (un mat 49) pr�s du ruisseau.� Le g�n�ral Massu � Tizit : �Liquidez-moi tout �a� Parmi les innombrables batailles qui ont eu lieu autour du village, il y eut le m�morable accrochage de Tizit intervenu � la suite d�un important rassemblement de maquisards de l�ALN. Encercl� par des centaines de soldats de la L�gion, pilonn� par l�aviation et les h�licopt�res, le village v�cut l�apocalypse ce jour-l�. Le terrible face-�-face qui s�en est suivi � Izra (Tizgui Nath Matouq), en amont de Tizit, fit plusieurs victimes des deux c�t�s. A l�issue de cette terrible bataille, le g�n�ral Massu d�barque au village � bord de son h�licopt�re Alouette. Terriblement remont� contre les habitants de Tizit r�unis � la djema�, il leur lan�a, mena�ant : �Vous pr�tendiez que votre village n�abrite pas de fellaghas, vous nous en avez fait la preuve aujourd�hui...� avant d�ordonner � ses troupes : �Liquidez-moi tout �a !� 32 ex�cutions sommaires La menace de Massu ne tarda pas � �tre mise en application. Un tra�tre encagoul� entre en sc�ne. Parmi les villageois align�s au garde�- vous, il d�signa trente-deux. Ligot�s, ils sont conduits sur les lieux de l�accrochage o� ils seront froidement abattus. Poursuivant leur exp�dition punitive, les soldats de l�arm�e coloniale investiront d�autres �lots de la r�sistance. A partir d�Iferhounene, l�artillerie entrera alors en sc�ne en d�versant sur les villages une cinquantaine d�obus. �J�ai bu mon urine et mang� des racines� Lors de l�op�ration Jumelles, une terrible r�pression s�abattit sur les habitants de Tizit et leurs voisins de la commune limitrophe d�Illoula Ou Malou en raison de leur implication sans r�serve dans la R�volution. Quatorze jours durant, les populations de ces villages ont �t� soumises � une terrible torture inflig�e en pleine canicule sur un plateau o� le soleil faisait corps avec le relief nu. Parqu�s comme des animaux, jour et nuit sans eau ni nourriture, les hommes sont mis au garde-�-vous et t�te nue sous le soleil br�lant. Mohand Ouchaavane Ben Sa�dj, l�un des survivants de cette �preuve inhumaine, revient sur cette ignominieuse torture qui a laiss� sur son corps et son esprit des s�quelles ind�l�biles : �Pour survivre � cette �prouvante �preuve, j�ai d� boire mon urine recueillie dans mes sabots et mang� des racines sauvages.� Aujourd�hui atteint de la maladie de Parkinson, le malheureux villageois affirme ne d�tenir aucune droit. Son dossier de reconnaissance n�a pas recueilli les faveurs des instances en charge de ces dossiers. Il n�est d�ailleurs pas le seul � revendiquer le droit � une pension. Bien des moussebilines du village ont p�ti de ce d�ni, d�plorent les villageois ; il ne subsiste aujourd�hui que quatre ou cinq moudjahidine, les autres �tant tous tomb�s les armes � la main. L�ingratitude des autorit�s Faisant le bilan de la vie mouvement�e de leur village, les villageois, tr�s remont�s contre les pouvoirs publics, ont du mal � refr�ner leur col�re contre l�administration et les �lus. Ils �voquent un cadre de vie loin de r�pondre aux exigences d�une vie d�cente. Les jeunes sont nombreux � crier leur malvie. Ils d�plorent l�inexistence de la moindre infrastructure sportive, ce qui freine leurs projets de jeunesse. Bien que conscients du r�le majeur jou� par leurs parents durant la R�volution, ils ne demandent aucune faveur particuli�re si ce n�est leur part de d�veloppement. Une tendance � la mod�ration et � la simplicit� qu�on retrouve aussi chez l�ensemble des habitants qui ont pris � leur compte l�essentiel du d�veloppement du village avec la r�fection et l�am�nagement des routes et la construction d�un v�ritable lieu de rencontres conviviales, une b�tisse de deux �tages et d�un sous-sol pouvant servir de salle des f�tes �rig�e pour perp�tuer, le rituel ancien Tagurt Ntezgui f�t� chaque �t� dans l�all�gresse. Il y a aussi ce m�morial de la R�volution qui, en raison de son architecture int�grant la dimension amazighe de l�Alg�rie, a suscit� en 1991 la r�action du ministre de tutelle qui, � partir de Tazmalt � l�occasion de l�inauguration de la st�le de Abderrahmane Mira, avait d�clar� que tout monument historique devait dor�navant satisfaire aux exigences architecturales de son d�partement minist�riel. Les habitants l�ont compris lorsque, � son inauguration, le projet n�avait recueilli que quelques dons d�APC amies et de l�APW, mais point de l�administration de la wilaya qui n�avait d�l�gu� que son SG.