Selon les �confidences� rapport�es dans l�article �La tentation islamiste�, paru dans votre �dition de samedi, l�Alg�rie serait promise � �tre gouvern�e par un islamisme �majoritaire� mais divis�, auquel ferait contre-poids un nationalisme opportuniste, lui-m�me plus ou moins proche de l�islamisme. La tactique du pouvoir consisterait � jouer sur �les tiraillements� des islamistes. D�abord il faut souligner qu�il n�y a pas encore d�exp�riences � m�diter, ni de tendances � suivre. Les transitions en cours en Afrique du Nord n�en sont qu�� leurs d�buts. Leur potentiel crisog�ne est encore intact. L��volution de chacune d�entre elles peut d�boucher autant sur des avanc�es que sur des r�gressions. L�occultation de leur diversit� ne peut �tre que le fruit d�une intentionnelle malveillance �troitement int�ress�e. Assimiler la victoire du pouvoir insurrectionnel de Libye � l�exp�rience r�formiste tunisienne rel�ve d�une pens�e acrobatique de haut vol. Et anticiper les le�ons des transitions �gyptienne et marocaine alors qu�elles ne sont que timidement entam�es rel�ve d�un chouafisme sans vergogne. Ben Ghazi croit trouver en la convocation de la Charia une panac�e aux forces identitaires centrifuges que la chute de la Jamahiriya libyenne a lib�r�es. Alors que la Tunisie ouvre une parenth�se, dans son histoire et la consacre � la discussion, au sein de la Constituante, des fondements de son Etat et de ses institutions. Il est d'ores et d�j� acquis qu�aucun protagoniste de cette �laboration ne r�clame l�application de la Charia. Pour une partie de l�opposition tunisienne, ces discussions prolongent un d�bat entam� depuis 2005, sous la d�nomination de �Collectif du 18 Octobre pour les droits et les libert�s�. Quels seront les contours des transitions �gyptienne et marocaine ? �L�exp�rience� �gyptienne qui est loin d��tre r�ductible � la place qu�occuperont les Fr�res musulmans devra s�atteler � la question copte, d�sormais incontournable. La victoire des int�gristes les mettra aux prises avec l�institution d�Al Azhar, avant m�me qu�il ne se retrouve face au puissant mouvement qui a fait tomber Moubarak. Les l�gislatives marocaines, quant � elles, peuvent charrier dans leurs r�sultats, une forte contestation de la coh�sion marocaine autour de la personne du roi, et ouvrir sur des �volutions similaires � celles de notre propre exp�rience. Est-ce � dire que ces situations transitionnelles n�ont rien en commun ? Ou que, ce qu�elles ont de commun, c�est l�h�g�monie incontournable de l�gitimation ? Ces transitions sont des tentatives de relance des mouvements nationaux respectifs de ces pays. L��chec des solutions mises en place au lendemain des ind�pendances remet la question de l�Etat au centre des interrogations et des luttes. Partout, c�est la question de l�Etat, de la fa�on de le concevoir, de la r�alit� de son existence qui sont au c�ur des dynamiques populaires, non pas comme une qu�te ouverte sur toutes les aventures, mais comme une exigence claire de rupture avec tout autoritarisme, tout d�ni de citoyennet�. �Echaab yourid�, voil� l�enseignement des soul�vements populaires qui ont d�bouch� sur les transitions actuelles. Les th�ories int�ress�es qui font de l�islamisme �la force majoritaire� tordent le cou � la r�alit� et avancent des lectures mystificatrices et d�formantes du r�el. L�islamisme tout le long des contestations populaires, du d�but de cette ann�e, a �t� incapable de leur faire porter ses mots d�ordre et d�infl�chir leurs orientations d�mocratiques. Il s�est r�solu � les accompagner de mani�re opportuniste, en versant dans le plus total nifaq sur la question d�mocratique. C�est dire � quel point les pseudo-majorit�s islamistes qui marqueraient les paysages politiques d�Afrique du Nord r�sultent de micmacs �lectoraux que les bureaucraties en place mettent en �uvre avec la b�n�diction des Occidentaux. Toutes les exp�riences �lectorales, consomm�es, abstraction faites des modes de suffrages et des d�coupages, montrent que le poids de l��lectorat islamiste, r�put� tr�s disciplin�, ne d�passe pas le quart des corps �lectoraux. Une part de leurs r�sultats est en fait l�expression de �votes sanctions� ou de �votes utiles�. Le ballon d�essai de cette officine occulte pr�suppose une extr�me faiblesse du courant d�mocratique dans la soci�t�, tout en arguant d�un �ancrage� islamiste majoritaire du fait de sa pr��minence dans l�actuelle classe politique d�su�te, client�liste et corrompue. Et pourtant � chaque initiative d�mocratique, sociale ou politique, l�armada polici�re que mobilise le syst�me atteint la d�mesure. �Cette fuite� participe de la m�me logique d�intimidation et de r�pression du mouvement social et d�mocratique alg�rien et de compromis avec l�islamisme.