�Nous voulons exporter un mod�le qui pr�serve l�Islam de l��tiquette de terrorisme, de l�extr�misme et de fanatisme. Nous ne voulons pas d�un islam qui nie la d�mocratie et les beauxarts. � Ce sont les propos que Ghannouchi a tenus aux c�t�s du chef de HMS. Ghannouchi essaie-t-il de rallier les islamistes alg�riens � la ligne politique de son mouvement et de donner � Ennahda une profondeur strat�gique qui renforcerait sa position en Tunisie ? HMS, qui voit en ce printemps arabe une expression de la volont� divine, se laissera-t-il convaincre � d�sacraliser son action politique ? La visite et les d�clarations de Ghannouchi n�auraient pas �t� particuli�rement probl�matiques si elles �taient inscrites dans les limites des relations entre partis. Certainement que le nouveau positionnement politique du visiteur tunisien ne lui a pas fait perdre toute proximit� avec la n�buleuse islamiste m�me si, aujourd�hui, il pourrait plus �tre apparent� FLN que HMS. Mais elle devient absolument probl�matique par les d�bordements qu�elle a par rapport � ce cadre partisan. Dans les �changes entre partis chacun est libre de vanter son exp�rience � qui veut bien l��couter. Mais sorti de ce cadre, pour se retrouver sur une quasi-visite officielle, cette visite est plus que probl�matique ; et tourne � la provocation. Bien que ce ne soit pas d�aujourd�hui que le protocole n�est plus ce qu�il devrait �tre dans ce pays, il faut tout de m�me s�offusquer de ce qu�un chef de parti soit accueilli par le second personnage de l�Etat, et que sa visite pr�tende � �des concertations pour l�int�r�t des deux pays et de la r�gion�. Que je sache, Ghannouchi n�a nulle qualit�, en son pays, qui justifierait un tel accueil de la part des autorit�s alg�riennes. D�autant plus que ce traitement contraste � l�extr�me avec la ti�deur et la distance qui ont marqu� l�appr�ciation que ces m�mes autorit�s ont eue, il y a quelques mois, apr�s la �r�volte du jasmin�. Sauf � consid�rer que l�objet de toute cette sollicitude est de se faire pardonner, ou de d�juger, une expulsion d�cid�e au lendemain de l�arr�t du processus �lectoral, rien ne justifie un accueil qui frise l�ing�rence dans la transition tunisienne. Ghannouchi peut-il �tre fond� � se pr�senter comme �le guide� du peuple tunisien ? Il y a d�abord lieu de souligner que la r�volte du jasmin est le fait du peuple tunisien. Les diff�rentes formations qui l�enfourchent aujourd�hui ne peuvent en r�clamer ni la paternit�, ni l�encadrement. Ce sont ces formations qui se trouvent redevables � la population. A d�faut d�avoir �t� � l�initiative de la chute du pouvoir de Ben Ali, il est attendu d�elles aujourd�hui de prolonger cette r�volte et de lui ouvrir des perspectives r�volutionnaires. De se hisser � la hauteur des aspirations port�es par le d�ferlement populaire du printemps 2011. Y aurait-il un mod�le �Ennahda�, consomm� et attest� dans la vie ? Si tout le monde s�entend pour dire que l��volution de la ligne politique du mouvement Ennahda (issu du MTI) est un acquis positif, il faut n�anmoins relever et expliquer le fait qu�il n�en r�sulte pas une volont� unanime d�aller vers une �volution similaire au niveau de l�Etat. Ennahda exhibe son renoncement � l�islamisme, mais n�en est pas moins le premier mouvement � s�accrocher � l�instrumentalisation de l�islam par l�Etat. Une situation anachronique o� ce mouvement traverse d�une rive � l�autre, mais plante la Tunisie et la force � rester au milieu du gu� ! Sa mue l�am�ne � la conviction que l�acte de vote est un acte politique qui n�a rien � avoir avec le sacr�, et dans le m�me temps, il refuse de concevoir que l�acte de gestion, ou l�acte de l�gif�rer soient eux aussi d�coupl�s du sacr�. En soi, cela constitue un double langage, et doit susciter la plus grande vigilance. La d�sacralisation de son action politique propre ne devrait-elle pas l�amener � adh�rer � la d�sacralisation du politique en g�n�ral ? On le voit donc, aussi bien sur le plan de l�exemplarit� de la r�volte du jasmin, que sur celui de la d�marche politique qui la prolonge, El Ghannouchi n�a rien � exporter, ni en direction de l�Alg�rie, ni d�un autre pays. Pour la r�volte du jasmin, il n�en a pas la paternit�, elle est le fait d�un peuple exc�d�. Pour la d�marche politique actuelle, les partis �victorieux � � la Constituante versent franchement dans les ententes et les n�goces d�appareils plus qu�ils ne brillent dans la conception et la conduite d�un d�bat soci�tal, objet et fondement du recours � la Constituante.