Nous voulons exporter un modèle qui préserve l'islam de l'étiquette de terrorisme, de l'extrémisme et de fanatisme. Nous ne voulons pas d'un islam qui nie la démocratie et les beaux arts», a lancé, hier, Rached Ghannouchi lors de sa rencontre avec le président du MSP, Bouguerra Soltani, au siège de son parti à Alger. Le chef du parti tunisien Ennahda n'est ainsi pas venu en Algérie exporter «la Révolution du jasmin», mais plutôt pour vendre ce qu'il qualifie de «modèle tunisien naissant». «Notre modèle est fondé sur un mariage entre l'islam et la démocratie et la modernité. Nous voulons présenter un modèle serein qui serait un bien pour tout le monde», a-t-il soutenu. Pour convaincre, il met en avant la toute récente expérience dans son pays, où les trois partis politiques – Ennahda, Attakatoul (Forum démocratique pour le travail et les libertés) et le Congrès pour la République (CPR) – aux doctrines fort divergentes s'apprêtent à constituer un gouvernement de coalition et à partager le nouveau pouvoir pour une période de transition. «La Tunisie, qui a vaincu le régime policier, est à l'étape de la construction de l'Etat avec un gouvernement de coalition dirigé par Ennahda en alliance avec deux partis importants et militants qui sont le CPR, du docteur Moncef El Marzouki, et Ettakatoul, de Mustapha Ben Jaafer. Une alliance qui ne date pas d'aujourd'hui, nous avons milité ensemble contre la dictature, les prisons et les exils nous ont réunis. Cette alliance est la consécration de ces luttes», a souligné Rached Ghannouchi. Invité par le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, pour une visite de trois jours, M. Ghannouchi a déclaré que «la révolution tunisienne n'est pas exportable, et si elle l'est, elle ne serait pas vers l'Algérie qui dispose d'un héritage révolutionnaire». Manifestement à Alger, le leader d'Ennahda ne veut pas jouer au trouble-fête. L'Algérie, à ses yeux, n'a pas besoin de faire une révolution, à l'instar des autres pays arabes. Bien au contraire. M. Ghannouchi a dit être venu tirer bénéfice de l'expérience algérienne en matière d'exercice politique. «Nous avons tant besoin d'expérience algérienne en matière de pratique démocratique.» Profonde conviction à l'endroit de l'Algérie ou est-ce seulement une attitude assez commode qui vise à ne pas gêner, lui qui a tant décrié le régime de Ben Ali ? «Je visite l'Algérie suite à l'invitation de mon cher ami Abdelaziz Bouteflika que j'ai connu pendant les années dures et avec qui nos relations se sont poursuivies», a-t-il déclaré. Il est à rappeler que le chef du parti islamiste tunisien a vécu ses premières années d'exil en Algérie, avant d'être prié de quitter le pays au début des années de terrorisme. Le leader de la première force politique tunisienne se veut rassurant. Habile, il évite soigneusement d'apparaître comme un vainqueur arrogant. M. Ghannouchi dit vouloir défendre une vision selon laquelle la religion cohabite avec la démocratie et la modernité sans exclusion. Par ailleurs, il a confirmé l'accord auquel sont parvenues les trois premières forces politiques de son pays pour «la répartition des trois présidences». «Nous sommes parvenus à un accord final qui sera annoncé dans deux jours. Hamadi Jbali de Ennahda sera le chef du gouvernement, le docteur Moncef El Marzouki du CPR sera le président de la République tunisienne et la présidence de l'Assemblée constituante revient à Mustapha Ben Jaafer du FDTL», a confirmé M. Ghannouchi. Une alliance qui paraît contre nature pour certains, mais une prouesse politique pour d'autres qui voient en elle une nécessité historique pour réussir la transition démocratique. Rached Ghannouchi exposera sans doute son modèle à Abdelaziz Bouteflika qui le recevra, aujourd'hui, en audience officielle.