Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] L�exp�rience alg�rienne en mati�re de politiques publiques et de pratiques de d�veloppement �conomique est aujourd�hui vieille de quarante-six (46) ans. Il est vrai que c�est une p�riode bien courte dans la vie d�une nation mais en m�me temps, suffisamment longue pour pouvoir en tirer quelques le�ons, rectifier la trajectoire s�il le faut et reprendre la bataille du d�veloppement avec une nouvelle d�marche plus adapt�e aux contextes national et mondial actuels et qui ne sont plus, bien �videmment, ceux des ann�es 60 et 70. L�Alg�rie, rappelons- nous, devait, d�s les ann�es 80, vaincre le ch�mage qui la frappait lourdement et atteindre, � ce m�me horizon temporel, le niveau de d�veloppement de l�Espagne de l��poque (excusez du peu !). Force est de constater que, h�las, on est loin, tr�s loin de ces objectifs que s��tait fix�s la strat�gie adopt�e en 1966. Notre intention n�est pas ici de discuter des raisons internes et externes, qui sont � l'origine de cet �chec bien qu�il faille un jour permettre au peuple alg�rien d�exercer ce droit d�inventaire. Que faut-il, ou plut�t que ne faut-il plus faire aujourd�hui ? La r�ponse � cette question se trouve dans notre propre exp�rience et les enseignements qu�on doit en tirer car �l�exp�rience est cumulative pour celui qui veut la comprendre�. Nous avons retenu pour notre part quelques le�ons qui m�riteraient d��tre d�battues quoique le mot d�bat soit devenu chez nous un gros mot. 1/ L�impasse de la gestion administrative centralis�e de l��conomie Lorsqu�� la fin des ann�es 80, la d�cision fut prise d�engager des r�formes structurelles, le constat avait �t� fait de l�essoufflement du mod�le de d�veloppement en �uvre jusque-l�. Tant l�organisation de l��conomie dans sa forme administrative, centralis�e et tut�laire, que sa r�gulation par injonctions et obligations de faire et de ne pas faire commen�aient � devenir handicapantes m�me si, en d�but d�exp�rience, elles semblaient correspondre � l��tat du pays et de son �conomie. Les limites du mod�le centralement planifi� de type sovi�tique �taient atteintes et la densification du tissu �conomique national, d�une part, le processus en �uvre de mondialisation de l��conomie, d�autre part, exigeaient des r�formes profondes dans la gestion de l��conomie. 2/ La micro�conomie n�glig�e La hantise des planificateurs de ne pas atteindre, � tout prix, les �quilibres macro�conomiques qu�ils s��taient fix�s et de ne pas pouvoir respecter les objectifs du plan a rel�gu� au second plan les pr�occupations micro�conomiques, a emp�ch� de voir la n�cessit� d�un programme en faveur de l�entreprise et l�imp�ratif d�aider au d�veloppement d�une culture d�entreprise. Dans les ann�es 60 et 70, les concepts de gestion de l�entreprise, calcul �conomique, rentabilit�, profit ne faisaient pas partie du vocabulaire �conomique dominant, c�est le moins qu�on puisse dire. Il s�agissait l� de concepts propres au capitalisme que l�on n�avait surtout pas le droit de citer chez nous. Nous �tions sur ce plan-l� au diapason des pratiques des �conomies planifi�es d�Europe centrale et orientale. J��tais d�ailleurs moi-m�me tout � fait dans le ton du jour. Mais qui aurait pu pr�voir, � l��poque du socialisme triomphant, que celui-ci allait tomber face aux coups de boutoir r�p�t�s du capitalisme. 3/ Le protectionnisme La fermeture de l��conomie, la d�marche protectionniste se justifient en situation d�industries naissantes mais lorsqu�elles durent longtemps, elles d�veloppement des situations de non-contraintes pour les entreprises qui vont rel�guer au second plan les objectifs d�efficacit�, de comp�titivit�, ignorant tout risque de perte de parts de march� int�rieur et toute bataille de conqu�te de parts de march� d�exportation. En un mot, nos entreprises n�ont pas appris � travailler sous contrainte. 4/ Le r�le assign� � l�Etat dans l��conomie L�Etat en Alg�rie dispose de ressources financi�res importantes. Il g�re l��pargne d�gag�e par l�exploitation des hydrocarbures. Il a, de ce fait, l�obligation de �semer le p�trole�, d�investir, d��quiper le pays. Mais notre exp�rience nous a appris aussi que l�on ne g�re pas des entreprises, des �foyers de cr�ation de richesses� avec des fonctionnaires. De m�me notre exp�rience nous a-t-elle appris que l�Etat n�a pas � se substituer dans tous les secteurs aux entrepreneurs priv�s. Enfin, la solidarit� budg�taire dont b�n�ficient les entreprises publiques a �t� contreproductive car elle les dispense de tout management s�rieux, appliqu� et rentable. L�Etat est un mauvais manager. Le constat est sans appel. C�est � l�entreprise priv�e que revient la charge de cr�er des richesses, de prendre des risques, � g�rer au mieux les fonds propres engag�s dans l�entreprise pour une raison bien simple : l�entreprise priv�e sait mieux faire tout cela que l�entreprise publique. Ce constat explique toutes les r�formes des pays d�Europe centrale et orientale tout comme il explique aussi les r�formes �conomiques envisag�es en 1988 dans notre pays mais qui ont malheureusement une autre fin. 5/ La gestion des hydrocarbures C�est probablement l� le seul domaine o� l�exp�rience des ann�es 70 est � reconduire en y ajoutant la pr�occupation des besoins internes � satisfaire en �nergie car la demande nationale de consommation �nerg�tique est aujourd�hui � prendre s�rieusement en compte tant son volume ne cesse d�augmenter au moment m�me o� nous sommes en plein peack oil, en plein �puisement des r�serves. Certes, nous avons encore besoin d�exporter gaz et p�trole car nos besoins financiers sont encore importants mais, dans le m�me temps, nous devons avoir constamment un �il sur nos propres besoins �nerg�tiques qui ne cessent d�augmenter. Les hydrocarbures constitueront encore pour longtemps une question cruciale, la question cruciale pour l�Alg�rie. 6/ La question des investissements directs �trangers Le choix fait dans les ann�es 70 �tait de tourner le dos aux IDE vus principalement comme vecteur de drainage � l�ext�rieur des richesses nationales et des valeurs cr��es sur le territoire national. Le mot d�ordre de l��poque �tait celui de �compter sur ses propres forces� (�self-reliance�). Aujourd�hui, nombre de pays �socialistes� des ann�es 60 et 70 se disputent l�attrait des IDE sur leurs territoires respectifs. Il ne s�agit certainement pas l� de reniements mais plut�t de r�alisme �conomique. Les IDE aident � int�grer l��conomie nationale dans les cha�nes de valeur internationale. Ils sont, lorsque les pays r�cipiendaires s�y pr�parent s�rieusement, de bons vecteurs de diffusion des technologies, de savoir-faire, du management moderne. Et puis, l��conomie est aujourd�hui mondiale pourrons-nous, aujourd�hui, revenir aux doctrines des ann�es 70 et refuser les IDE, ou en tout cas, les d�courager ? Doit-on refaire, par nous-m�mes, l�histoire des technologies ? Celles-ci ne sont-elles que des marchandises qu�on peut acheter � loisir ? Peut-on mener la bataille de la comp�titivit� seuls contre tous ? Nous savons bien que les IDE ne sont pas un don du ciel qu�il faut vite accepter et s�en r�jouir. Mais le principe du �win-win�, du �gagnant-gagnant �, est tout � fait jouable pour peu qu�on s�y pr�pare s�rieusement. 7/ De la planification � la r�gulation et la pr�cision L��conomie de march� et, chez nous, l��conomie sociale de march� ne peut fonctionner efficacement et produire ses effets positifs sur la croissance que si l�Etat n�intervient pas directement, autoritairement dans les m�canismes de formation des prix, de concurrence entre les entreprises, d�allocation sectorielle des ressources. Bien �videmment, l��conomie de march� a ses r�gles et l�Etat doit veiller � les faire respecter par l�ensemble des acteurs. L�Etat doit r�guler cette �conomie en fixant les r�gles du jeu et en actionnant les leviers n�cessaires au respect de ces r�gles. C�est dans ce domaine que l�Etat en Alg�rie a enregistr� le plus grand retard car il continue � g�rer ensemble confus�ment, l��conomique et le social, ce dernier l�emportant souvent sur le premier gr�ce, ou plut�t � cause de la rente p�troli�re. Il ne faut plus h�siter aujourd�hui � s�parer les deux sph�res et � accepter, une fois pour toutes, que chacune d�elles a sa propre logique de fonctionnement. De m�me, de quelle �conomie de march� parle-t-on quand l��conomie souterraine, le secteur informel est le lien de r�alisation de valeurs �quivalentes � quelque 40% du PIB ? Ce secteur agit tel un virus destructeur sur l��conomie officielle car c�est l�incarnation m�me de la concurrence d�loyale et donc le reniement m�me de l��conomie de march�.