Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Etonnement diligent, contrairement � son style habituel, le pr�sident de la R�publique vient de signer toutes les ordonnances relatives aux lois organiques moins de trois semaines apr�s leur adoption par le Parlement. Gr�ce � ce trait de plume, il �conduit � la fois les �solliciteurs� qui souhaitaient qu�une seconde lecture soit faite des moutures finales et en m�me temps donne le bon signal � l�administration en vue des l�gislatives. Visiblement insensible aux critiques qui mettent en doute la sinc�rit� du scrutin, il cl�t, � sa mani�re �videmment, son cycle des concessions ! M�me imparfait, le dispositif qui vient d��tre vot� sera appliqu� � la lettre sans plus rien � ajouter ou � retoquer, semble �tre le message qu�il voulait faire passer � travers ce coup d�acc�l�rateur. Les �lections auront donc, bel et bien, lieu d�ici � la mi-mai et cela dans le cadre des lois nouvellement promulgu�es. Et c�est d�sormais sur ce calendrier trop serr� et notamment contraignant pour les courants politiques sans rentes financi�res que se jouera une sorte de pr�s�lection en amont des urnes dont seules les officines habituelles (FLN-RND) tireront le plus grand profit en pr�sentant des listes dans la totalit� des circonscriptions. En soi, la loi �lectorale n�est jamais en cause dans ces cas de figure, tout au moins en th�orie. Sauf que sous les r�gimes hybrides semblables au n�tre, le pluralisme �lectoral, loin d��tre int�gral et �quitable, demeure la chasse gard�e de l�appareil d�Etat, en sa qualit� d�unique architecte des �majorit�s� dans les assembl�es, voire m�me des �bonnes� minorit�s afin de donner le change. Sur cet aspect, qui rel�ve d�ailleurs de la nature m�me du syst�me, les r�cents pronostics de certains t�nors du pouvoir (Ould Kablia, Ouyahia et Belkhadem) ne doivent pas �tre pris pour des fanfaronnades. Ces ma�tres d��uvres ne se payent pas de mots. En effet, lorsqu�ils �proph�tisent� que la mouvance islamiste ne pourra pas �tre majoritaire, ils savent de quoi il en retournera en mai. Plusieurs m�thodes existent certainement pour contenir, dans les limites du tol�rable, le score de ceux-l�. Parmi elles, l�invalidation, au dernier moment, de leurs listes dans quelques circonscriptions au nom de l�in�ligibilit� de leur composante, par exemple. Plus subtil, le recours � la loi disqualifie le rustique et brutal bourrage des urnes certes, mais il ne donne pas pour autant de la r�elle transparence � un vote. Car, si une certaine culture du r�publicanisme accepte le moment venu de fermer les yeux sur ce genre de proc�d�s obliques, lorsqu�il ne s�agit que de ces courants religieux, elle-m�me doit � son tour se r�signer � ne pas �tre la destinataire des dividendes politiques dans la redistribution. Par le pass� r�cent, quelques partis, respectables, sans doute, avaient cru, par r�alisme tactique, que la �modulation� des urnes par l�administration �tait un mal n�cessaire mais conjoncturel. Or, ils mesurent actuellement ce qui, � leur tour, leur est advenu. Depuis 2002 et 2007 � ce jour, qu�est-ce qui a chang� dans la philosophie du pouvoir dans le domaine des �lections sinon quelques r�am�nagements techniques et un pr�chi-pr�cha dont Ouyahia est l�exemple ind�passable. En effet, lorsqu�il feint de prendre son b�ton de p�lerin pour pr�cher la nouvelle �religion� des urnes, n�effraye- t-il pas par son aplomb de n�oconverti ? Lui l�intendant en chef de l�Etat n�avait-il pas contribu� � la falsification des r�sultats �lectoraux avec la complicit� de l�ex-ministre de l�Int�rieur ? Sans le moindre accent de regret pour les basses besognes qu�il eut � accomplir, on le retrouve ces jours derniers � disserter comme un vertueux sur les �prochaines avanc�es d�mocratiques� (sic). Quant � Ould Kablia, longtemps doublure de Zerhouni � �l�int�rieur�, il n�a d�inqui�tude qu�au sujet de l�abstention. Format� par la vulgate des bureaucrates et la s�mantique des techniciens en sondage, il �vite soigneusement de donner du sens au mot qu�il craint. C�est qu�il ne faut pas s�attendre d�un ministre � ce qu�il qualifie cette tendance, plus que lourde, de dissidence civique chronique. Comme tant d�autres caciques �lev�s au biberon de l�all�geance (El Moubaya�), il a gard� la conviction qu�il n�est de bon �lecteur que celui qui obtemp�re � l�appel de ses gouvernants. Contraint d�admettre enfin que le corps �lectoral n�est plus acquis aux exigences du microcosme politique, il ne lui reste comme parade que l�incantation verbale. D�ici � ce qu�il prenne la suite du chef de l�Etat en organisant une campagne de mobilisation sur le th�me lyrique : un scrutin pour le changement ne surprendra pas l�opinion. Dubitative, cette derni�re a d�j� pris la mesure de l�insignifiance d�une telle promesse. Pour elle, l�argument d�une �autre politique� au lendemain de mai 2012 serait plut�t le signe que le pouvoir est ab�m� de l�int�rieur. Car s�engager sur le � changement� � la seule condition qu�il y ait du r�pondant �lectoral � une op�ration destin�e � le re-l�gitimer implicitement s�apparente clairement � un march� de dupes pr�sent� dans les oripeaux de la d�mocratie. Affaibli par ses �checs et plac� sous la loupe internationale, le pouvoir veut, cette fois, d�laisser la strat�gie des recompositions internes � partir des appareils et tenter de regagner de la cr�dibilit� monnayable � travers un pl�biscite indirect : celui des l�gislatives. Peu lui importe dor�navant que 4 ou 10 partis entrent en campagne, d�s l�instant o� le verrouillage est possible en aval, ce qui lui semble ardu r�side dans la mani�re de ramener l��lectorat dans le chemin des urnes. C�est dire que l�enjeu vital est d�abord l��lecteur dont le nombre �talonnera la confiance dans le r�gime. En clair, la notion d�abstention n�est plus connot�e, comme par le pass�, par cette id�e d�indiff�rence paisible du p�cheur du week-end. Elle se qualifie d�sormais comme une d�fiance politique marqu�e et soulign�e jusqu�� sugg�rer qu�elle est un boycott d�lib�r�. Une dissidence civique qui, par son impact, constitue un vote n�gatif en creux. Pire qu�un d�saveu ponctuel, il est un rejet d�finitif. Le divorce d�un peuple dont il faudra tirer les cons�quences. Pour une fois, Ould Kablia dit vrai lorsqu�il craint la d�fection collective. Car o� lui faudra-t-il aller chercher le stock des voix de la l�gitimit� si ce n�est dans la falsification des taux de participation.