Le couscous � la lavande sauvage est une sp�cialit� puis�e du centre d�Alger et de ses environs, comme Blida, Cherchell et M�d�a. C�est une fa�on de f�ter le printemps avec ce mets tant appr�ci� par tous les Maghr�bins quelle que soit leur r�gion. La particularit� de ce couscous, c�est qu�il est pr�par� avec cette fleur sauvage qu�est la lavande au parfum fort mais tr�s agr�able (el helhal), un plaisir doux et amer, et comme dit lla Fifi, cette Alg�roise de 82 ans, �li ma�djbouch el hal ychem el helhal (celui qui n�est pas satisfait, qu�il sente la lavande). C�est avec nostalgie que lla Fifi nous �voque cette sp�cialit� qui tend � devenir d�su�te. Sans vouloir d�nigrer les femmes modernes, elle nous explique : �Il faut dire aussi que sa pr�paration demande un peu plus de temps qu�un r�ti qu�on jetterait dans une cocotte-minute ou dans un cuiseur et qui est pr�t en 20 minutes. Et puis il y a tout un rituel autour. A l��poque, les familles de La Casbah ou d�autres quartiers o� �tait concentr�e la population arabe, comme Belcourt par exemple, vivaient dans un syst�me communautariste ; l�entraide �tait de mise. De plus, c��tait une occasion pour toutes les femmes de c�l�brer un �v�nement : le printemps apr�s un long et rigoureux hiver. C��tait aussi une mani�re de couper avec la monotonie. Il y r�gnait une ambiance particuli�re comme pour fabriquer la rechta qui, faut-il le souligner, se faisait au rouleau. Les femmes se r�unissaient dans la cour (ouest eddar) et s�adonnaient � la besogne dans la joie et la bonne humeur. Revenons � notre couscous, il faut d�abord se procurer les bouquets de lavande. A l��poque, c��taient des vieux en g�n�ral qui les vendaient au march�, fra�chement cueillis des montagnes de Chr�a, dans l�Atlas blid�en, et ceux qui avaient la chance de cultiver la lavande sur leur terre, vous ne pouvez imaginer leur plaisir de choisir eux-m�mes les bouquets. �Une fois les bouquets r�unis, les femmes �taient soigneusement les fleurs bleues, et dans le pilon, elles les �crasent avec un peu d�eau. On peut aussi les frotter entre les mains pour en d�gager les p�tales.� Je me souviens pour la petite histoire : j�avais environ 10 ans, quand une amie de ma m�re, tata Baya, une dame g�n�reuse, belle, aux yeux bleus azur, venait de Boufarik nous rendre visite. C��tait elle qui nous annon�ait le printemps. Elle portait dans son couffin, en plus des friandises pour les enfants qu�elle n�oubliait jamais, cette lavande au parfum enivrant qu�on sentait avant m�me de la voir. Je savais que ce jour-l�, il y aurait au menu du couscous bel helhal. C��tait un rituel, chaque d�but de printemps on avait droit � nos bouquets qu�elle cueillait elle-m�me, et cela a dur� jusqu�� sa mort. Ma m�re en conservait quelques-uns qu�elle gardait au frais pour tenir toute la dur�e du printemps. Elle disait � ma m�re : �Je t�ai apport� ta part de helhal, je voudrais manger de ta main un bon couscous, tu es la sp�cialiste.� En l��voquant, lla Fifi n�a pu s�emp�cher d�essuyer une petite larme au coin de l��il. �Il faut dire aussi que sa pr�paration demande un peu plus de temps qu�un r�ti qu�on jetterait dans une cocotte-minute ou dans un cuiseur, et qui est pr�t en 20 minutes.� �Une fois les bouquets r�unis, les femmes �taient soigneusement les fleurs bleues et dans le pilon, elles les �crasaient avec un peu d�eau. On peut aussi les frotter entre les mains pour en d�gager les p�tales. Aujourd�hui, � l��re de l�automatisme, on peut utiliser le mixeur.� C��tait une joie � l��poque, par une journ�e printani�re et ensoleill�e, de d�guster ce couscous fumant accompagn� de petit-lait, nous raconte lla Fifi. En g�n�ral, quand il est pr�par� pour la premi�re fois et pour marquer l��v�nement, les voisines sont invit�es � la f�te. La maisonn�e embaume alors l�odeur de la lavande et chatouille les papilles de ses habitants. �Et c�est autour de la sahfa que les femmes, profitant du midi o� les hommes sont affair�s dehors, appr�cient en toute libert� leur couscous � l�ext�rieur des ghrouf (chambres). La lavande �tant am�re, et malgr� son m�lange avec le sucre, est peu ou pas appr�ci�e par les enfants, c�est un plat destin� plut�t aux adultes. On ne peut parler de cette petite plante sans �voquer ses vertus. Elle est antispasmodique, diur�tique et aide aussi � nettoyer l�organisme d�une mani�re naturelle.� RECETTE DE LLAFIFI Prenez les bouquets de lavande, lavez-les soigneusement, puis �tez d�licatement les p�tales car ils sont fragiles. Passez-les au mixeur, ou � d�faut, frottez-les entre les mains pour les lib�rer. Les fleurs mix�es peuvent �tre congel�es dans des bo�tes herm�tiques jusqu�� 12 mois. On utilise environ une mesure de fleurs mix�es pour deux mesures de couscous. Mais les mesures ne sont pas fig�es, on peut les changer selon le go�t de chacun ; il y en a qui aiment que dans le m�lange il y ait plus de lavande, d�autres pas. Mais � force d�en pr�parer, on arrive � adopter les bonnes doses. La mesure de sucre qui sera ajout�e juste avant de servir est laiss�e � l�appr�ciation de la ma�tresse de maison. Cuisson * M�langez les fleurs mix�es en prenant le soin de les mouiller apr�s la deuxi�me �tape de la cuisson du couscous, ensuite remettre le m�lange � cuire une troisi�me fois � la vapeur. * Une fois le couscous bien cuit, le verser dans une sahfa( djefna) ou un plat creux � votre convenance. Arrosez de beurre que vous aurez fait fondre au pr�alable dans une casserole � feu doux (c�est plus pratique, �a vous �vite d��craser le beurre qui mettra plus de temps � fondre). * Le beurre peut �tre remplac� par de la margarine, du smen, ou de l�huile d�olive nouvelle. Saupoudrez enfin de sucre glace ou de sucre cristallis�. * Servir chaud, accompagn� de petit-lait ou de lait caill�.