Le printemps venu, l'engouement pour les plantes aromatiques saisit cuisiniers et cuisinières. L'usage des espèces aromatiques s'inscrivait dans les pratiques saisonnières du temps où l'on vivait en symbiose avec la nature. Aujourd'hui, la chose est empreinte de nostalgie. On évoque les petits plats de grand-mère avec des : “Ya hasrah zman ! Batata fliou, taâm bel halhal, aghrom aqoran, tchichet ezaâtar…” L'utilisation des herbes est loin d'être une fioriture culinaire. Elle relève d'une véritable médecine selon le concept : nourrir, c'est soigner. Les hchaouch ou hchaich n'étaient ingérées qu'avec l'alimentation. La tisane est d'introduction moderne. Des centaines de spécialités enfouies dans la mémoire ou toujours en pratique, surtout dans le monde rural, constituent le fonds de la cuisine algérienne de tradition. Il y a de quoi déplorer le thym laurier imposé par certains mimétismes en exergue dans la tendance d'aujourd'hui. Il faut plaider pour un retour au savoir-faire ancien. Dans ce pan du patrimoine culturel, il est de grandes spécialités qui nécessitent un véritable plan d'urgence pour leur revalorisation sous peine de disparaître à jamais. La fameuse hammama blidéenne Autour de l'Atlas blidéen, un mets nommé hammama, qui, selon les explications locales, tirerait son nom de hammam à cause des grandes sudations qu'il provoque après sa consommation, est un couscous aux herbes très particulier. Il a tout l'air d'être une fusion entre les savoir-faire berbère et andalous qui caractérisent la région. La belle saison venue, les femmes du piémont de l'Atlas blidéen partent à la cueillette des herbes. La composition du bouquet destiné à la hammama diffère d'une cuisinière à l'autre. Il semble qu'il y en ait plusieurs versions, selon les vertus qu'on voudrait en tirer. On cherchera saisonnièrement dans une hammama de printemps une action dépurative, une immunité en prévision des agressions du froid en automne… Il y en aurait même pour les femmes en relevailles de couches ou des messieurs déclinants. Difficile de nommer toutes les espèces qui y entrent, la transmission orale n'arrangeant guère les choses auxquelles s'ajoute la perte des appellations d'espèce. Dans certains bouquets, on vous dira qu'il y aurait une quarantaine de plantes. Mais au premier abord, un nez exercé y décèlerait la dominance des fragrances de plusieurs menthes, thymélées, sauges, etc. Sans oublier le fameux halhal, la lavande sauvage (lavandula stoechas). Toutes ces herbes sont soigneusement nettoyées, effeuillées et roulées avec de la semoule pour obtenir un couscous qui sera cuit à la vapeur d'une eau où infusent les tiges des herbes dont on a utilisé les feuille. Ce couscous est graissé à l'huile d'olives. Parfois sucré ou miellé. RECETTE KESSOUKSSOU BEL HÂL'HAL (http://www.mejliss.com/archive/index.php/t-278983.html) Ingrédients : 1 kg de semoule moyenne - 1 verre de grosse semoule - 2 bottes de lavande sauvage (hâl'hal) - 1 verre d'huile d'olive fruité - Sucre Préparation : Equeutez et hachez les fleurs de lavande, puis malaxez-les dans un litre d'eau. Enlevez ensuite le jus que vous mettez de côté. D'autre part, roulez la grosse semoule en humectant avec du jus de lavande recueilli, tout en ajoutant au fur et à mesure tantôt la semoule moyenne, tantôt de l'eau. Vers la fin, ajoutez une grosse poignée de fleurs hachées de lavande, puis roulez le tout. Faites cuire le couscous roulé à la vapeur (dans un couscoussier, ajustez de l'eau bouillante lorsque la vapeur commence à traverser le couscous. Laissez cuire encore et arrosez le grain de couscous de quatre verres d'eau salée). Egouttez le couscous, et versez-le dans un grand plateau (gass'âa). Mélangez les grains et laissez reposer pendant 10 minutes. Après, il ne vous reste qu'à huiler avec le creux de la main. Recommencer une deuxième cuisson à la vapeur (sans tasser le couscous). Au moment de servir, l'huiler une seconde fois. Vous pouvez décorer le tour d'un plat avec le sucre. Bonne appétit. Notez : Cette recette vient de ma grand-mère paternelle qu'elle préparait pendant l'hiver pour éviter la grippe, après le hammam et après les accouchements d'une parente, elle lui portait ce plat en cadeau. Ne pas donner aux enfants et aux allergiques à la lavande. Momo [email protected]