Par Dr Rachid Messaoudi [email protected] Apr�s le banjo dit �t�nor� et le portrait de son meilleur ambassadeur Amarouche Sid-Ahmed dit �Naguib�, nous parlerons du banjo �guitare �, instrument associ� indiscutablement � Mohamed Kabour dit �Ettailleur�. J�ai appris que les banjoistes cha�bi affectionnent le banjo � six cordes, au d�triment du banjo �t�nor� � quatre cordes abandonn� par les orchestres cha�bi depuis les ann�es cinquante. Ainsi, c�est le r�glage des accords de l�instrument qui peut en faire soit un banjo �t�nor� soit un banjo �guitare�. Du temps de cheikh Nador de son vrai nom Mustapha Saidji (1874/1926), un certain Abdelghani Bouchiba jouait d�j� du banjo donc bien avant qu�il ne soit int�gr� dans les orchestres d�El- Anka. Des enregistrements du medh, le genre anc�tre du cha�bi interpr�t� par Malek Sa�d et datant de 1924 seraient en possession de la Radio alg�rienne � travers ses archives. En raison d�une documentation r�duite et des moyens d�enregistrement peu performants de l��poque, nous n�avons pas pu parler de ces chanteurs ni des musiciens pr�curseurs du cha�bi. Esp�rons que nous pourrons leur rendre hommage et retracer l�histoire de cet art avec plus d��l�ments. Des t�moignages cr�dibles et des documents sonores � lib�rer de leur s�questration inexpliqu�e nous donneront une vision plus large de ce patrimoine. Nos radio et t�l�vision se limitent � quelques diffusions, souvent les m�mes, qui nous donnent une vision bien �triqu�e du cha�bi. D�s les ann�es 1920, aussi bien cheikh Nador que le meddahKouider Bensma�n � qui l�on doit la c�l�bre Zour El Wali Sahnoun ont introduit des instruments � cordes dans leurs orchestres respectifs. Mais revenons � Mohamed Kabour dont la coquetterie et l��l�gance vestimentaire �taient remarquables. Jouissant d�un physique avantageux et d�un regard bleu, il se coiffait avec art et d�gageait un profil de gentleman. Impressionnant avec son banjo, les musiciens de la troupe accordaient leurs instruments � sa baguette. D�f�rent et affable, il �tait entour� de tous les �gards aussi bien par le ma�tre des lieux que l�orchestre. Sa fa�on de jouer est consid�r�e comme ordonn�e, appliqu�e et tr�s personnelle. Ses istikhbarate font r�f�rence et ses r�pliques sont bien � propos. D�ailleurs Naguib et bien d�autres banjoistes le prennent pour exemple pour ne pas dire qu�ils s�en inspirent. Il est parti un jour de 1993, discr�tement, en l�guant � nos oreilles des sonorit�s graves que de jeunes talents essayent de perp�tuer. Son fils m�a confi� une interview accord�e � une journaliste alg�rienne et enregistr�e sur cassette dans laquelle il parle de son parcours avec humour et simplicit�. Il est n� en 1911 � Sidi Abderrahmane (Basse- Casbah) et est issu d�une famille modeste. En 1929, il entame sa vie professionnelle � la Grande Poste d�Alger en qualit� de t�l�graphiste. Par la suite, il sera apprenti tailleur � l��ge de vingt ans chez un tailleur belge. Le surnom de �Mohamed Ettailleur� vient de l�. Apr�s une bourde professionnelle commise en tentant de retoucher une doublure de veste d�un client, il fut renvoy� et re�ut, selon ses dires, une gifle de son patron, geste dont il se souviendra jusqu�� la fin de ses jours. La famille Kabour habita au Telemly puis � Fontaine fra�che pour s�installer ensuite d�finitivement � Saint- Eug�ne, l�actuelle Bologhine, au milieu de familles dites bourgeoises de l��poque, telles que les Tchekiken ou les Berrazouane et au sein du m�me quartier o� vivait une importante communaut� italienne et fran�aise. Mohamed Kabour allait alors sur ses vingt ans. En qu�te de travail, il papillonna en s�essayant dans plusieurs m�tiers. C�est ainsi qu�il fut plombier, ouvrier confectionnant des espadrilles et mules chez Ronda, laveur de voitures chez un garagiste, vendeur de pi�ces d�tach�es automobiles � Bab-El-Oued. Il fut m�me tailleur � la rue de B�ne apr�s avoir d�charg� des r�gimes de bananes au port d�Alger. C�est en 1941 qu�il rejoint la Marine nationale qu�il quitta vers 1945. Sa carri�re artistique d�buta presque fortuitement quand il croisa le chemin de Boudjema� El-Ankis et El-Hadj Baricha chez cheikh Brahimi dit Kaba�li qui fut par ailleurs le ma�tre d�Abderrahmane El- Kobbi et d�Amar Ezzahi. Au d�part, Mohamed Kabour jouait discr�tement de la fl�te loin des regards qui y trouvaient une note mal�fique et jeteuse de mauvais sorts. D�ailleurs, la m�re de Mohammed Kabour jetait tout morceau de roseau qui servait d�instrument musical � son fils. En 1932, il rencontre Hadj Boukemma qui jouait au mandole avec El-Hadj M�hamed El-Anka. Il appr�cia tellement l�instrument qu�il d�cida de s�acheter une mandoline italienne avec tous ses accessoires � la rue de Chartres avec ses quelques �conomies ramass�es sou par sou. La touchia moual fut sa premi�re ex�cution musicale. En accompagnant El-Hadj Boukemma, Mohamed Kabour s�exer�a longuement � la mandoline. De soir�e en soir�e, il se rapprocha des grands musiciens. Un jour, sur recommandation de Hadj Boukemma, il int�gra l�orchestre d�El-Anka pour jouer � la percussion, au tambour puis au tambourin ( derbouka puis tar). Parmi les musiciens qui composaient l�orchestre d�El-Hadj M�hamed El-Anka, un certain Bibioo faisait preuve d�indiscipline puisqu�il arrivait souvent en retard aux c�r�monies, ce qui aga�ait fortement le grand ma�tre qui dut s�en s�parer. El-Hadj M�hamed El-Anka demanda � Mohammed Kabour de l�accompagner chez lui � la fin d�une soir�e. Il lui mit entre les mains un vieux banjo et lui demanda de le nettoyer, de le r�gler et de le remettre en �tat. C��tait l�instrument de Bouzmali, grand musicien d�c�d�. Mohamed Kabour s�ex�cuta et acheta le n�cessaire � la place Hoche devenue aujourd�hui place Ahmed- Zabana. Un certain Cherif El-Anka imitait alors El-Hadj M�hamed El-Anka et avait sollicit� Mohamed Kabour pour faire partie de son orchestre. Quelques soir�es furent anim�es. Boukemma attira l�attention d�El- Hadj M�hamed El-Anka sur le talent de Mohamed Kabour. C�est ainsi qu�Ettailleur finit par faire partie de la troupe du g�ant de la musique cha�bi. Il sera son compagnon fid�le jusqu�en 1938. Radio Alger dirig�e � l��poque par un certain Commandant Bendaoud ne pouvait se contenter d�une programmation musicale exclusivement orientale. Le responsable se mit � la recherche de musiciens alg�riens pour faire d�couvrir un art plus autochtone. A La Casbah d�Alger, il prit attache avec El- Hadj M�hamed El-Anka, El-Hadj M�rizek, Khelifa Belcacem, El-Hadj Menouar, Moh Sghir �l�aveugle� de son vrai nom Aouli, Kaddour Bouheraoua dit Eccherchali et Boudjema� Ferguene qui avaient appris � jouer chacun de son c�t�, sans r�f�rence au solf�ge. Ce qui permit l��mergence de talents. Auparavant, Ettailleur jouait avec Hadj Menouar en compagnie de Boudjema� Ferguene. Hamdane, Mahmoud Zaouche qui aurait introduit la cithare ( quanoun) dans l�orchestre cha�bi. Sid- Ali Cheikh El- Hadra Ali Kiki�ou ont �galement �t� des compagnons de musique de Mohamed Kabour. Une audition fut programm�e par Radio Alger. C�est ainsi qu�El-Hadj M�hamed El-Anka prit la peine d�aller rencontrer Mohamed Kabour sur son lieu de travail au port d�Alger, au grand �tonnement de ce dernier. El-Hadj M�hamed El- Anka r�unit cette troupe de musiciens et chanteurs au caf� Malakoff pour les pr�parer � l�audition. Le Commandant Bendaoud fut subjugu� par la prestation de ces artistes en herbe. De l�, trois genres furent imagin�s : le cha�bi fut confi� � El-Hadj M�hamed El-Anka, le classique ou andalou � Fekkardji et le moderne � Mustapha Skandrani. Radio Alger d�cida d�une programmation bihebdomadaire. L�appellation cha�bi �mane de Boudali Safir qui a baptis� ce genre en 1946 pour �tre d�finitivement adopt� en 1964. Ettailleur sera invit� par plusieurs figures dominantes du cha�bi. Il jouera ainsi avec Boudjema� El- Ankis, El-Hadj El-Hachemi Guerrouabi, Aziouz Rais, Amar Ezzahi. Quand vous �couterez des enregistrements de concerts cha�bi, vous le reconna�trez � travers ses plages musicales o� une pluie des notes se fait apaisante, caressante�