[email protected] Une r�cente contribution d��minents universitaires europ�ens passe en revue les relations entre les cinq plus grandes �conomies de l'UE et les pays de la rive Sud de la M�diterran�e (�gypte, Libye, Alg�rie, Tunisie et Maroc) qui partagent une longue histoire aux plans �conomiques et politiques et qu�on conna�t plus couramment sous l�appellation des �5+5�(*). Elle �nonce une �proposition audacieuse � pour surmonter les barri�res entre les deux rives : le d�veloppement d'une zone euro-m�diterran�enne d'ici 2030. La proposition comporte des r�formes internes au sud de la M�diterran�e, avec si n�cessaire une assistance � court terme, et le r�am�nagement de la relation d�essence n�ocoloniale qui r�git les �5+5�. En raison de sa taille (500 millions d'habitants) et de sa puissance �conomique, l'Europe est le centre de gravit� naturel des pays de la rive sud, m�me si ni l'Europe ni ses partenaires ne forment des blocs homog�nes. La proximit� g�ographique, l'histoire et une langue commune ne suffisent pas � construire un ensemble coh�rent comme en t�moignent les indicateurs relatifs au commerce, aux flux d'investissement et de capitaux, aux migrations et � l'aide, avertissent les auteurs de l��tude. En mati�re commerciale, les courants d��changes au sein de la r�gion MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) sont �tonnamment bas. Dans la r�gion, on �change davantage de salamalecs et de coups bas et tordus que de biens et services. Nous sommes, pour l�essentiel, dans une configuration de march�s captifs que se partagent encore les anciennes puissances coloniales, � l�exception notable de l��gypte dont l��tude souligne �l�isolement�. �Le premier constat est que les cycles �conomiques dans les pays d�velopp�s sont fortement corr�l�s. En revanche, les cycles �conomiques de l'�gypte, du Maroc et de la Tunisie ne sont pas corr�l�s. Cela corrobore l'id�e que les �conomies de la sph�re arabe ne sont pas �conomiquement int�gr�es. �Le deuxi�me constat est que le cycle �conomique de la Tunisie s�est le plus fortement corr�l� � celui de tous les pays d�velopp�s entre 2002 et 2009. La trop grande importance de l'agriculture � tr�s sensible aux conditions m�t�orologiques � dans le PIB du Maroc et de l'�gypte expliquerait la faible corr�lation du PIB de ces deux pays avec celles des pays d�velopp�s �. En mati�re d�investissements directs �trangers, la situation est extr�mement contrast�e d�un pays � l�autre. Au cours de la derni�re d�cennie, le Maroc a significativement augment� la part d�IDE en provenance de l'UE � elle passe d'environ 6% du PIB en 2000 � environ 16% en 2009. Par contre, la part des IDE europ�ens vers la Libye, la Tunisie et l'Alg�rie est rest�e relativement faible et constante par rapport au PIB (respectivement 6, 6 et 2%). Les pays les plus proches g�ographiquement (l�Italie, la France et, dans une moindre mesure, l'Espagne) sont les plus actifs (comparativement au Royaume-Uni, aux �tats-Unis et � l�Allemagne). La France reste l'une des deux principales sources d'IDE pour les cinq pays de la rive sud, en raison d�une forte pr�sence de ses capitaux au Maroc. L'Italie a investi relativement plus que la France en Tunisie, en Alg�rie et en �gypte. L'Espagne affiche une certaine pr�sence en Libye et au Maroc. Le Royaume-Uni, les �tats-Unis et l'Allemagne ne sont pas actifs dans la r�gion. L'Allemagne l�est encore moins en Alg�rie et en �gypte, y compris lorsqu�on la compare � un pays g�ographiquement plus �loign�, comme les �tats-Unis. S�agissant des flux financiers, les banques des pays de la rive sud affichent, � des degr�s tr�s diff�rents, une ouverture certaine. L'�gypte et le Maroc disposent des secteurs bancaires les plus ouverts, m�me si les raisons de cette ouverture diff�rent : en �gypte, les mesures de lib�ralisation et de privatisation totales visaient � am�liorer la contribution du secteur financier au PIB suivant des directives du FMI datant de 2010. Au Maroc, ces politiques ont �t� mises en �uvre dans le cadre d�une ouverture de l'�conomie tout enti�re. En Tunisie, trois des plus grandes banques d'�tat se partagent encore environ la moiti� du march�. Par contre, les secteurs bancaires de la Libye et de notre pays sont �toujours herm�tiquement ferm�s � la participation �trang�re�. Ce qui semble avoir �t� tr�s salutaire pour elles pour faire face � la crise financi�re internationale qui n�a pas fini de d�rouler ses effets. La quasi-totalit� de l'argent �tranger qui coule dans les secteurs financiers des cinq pays du sud vient d'Europe. Le pourcentage des cr�ances �trang�res d�tenues par les banques europ�ennes est plus faible en Alg�rie (74%, le pays ayant entrepris un remboursement anticip� de sa dette ext�rieure qui s�est lui aussi av�r� salutaire) et plus �lev�e en Libye (99%). En Alg�rie, au Maroc et en Tunisie, les banques fran�aises sont les principaux d�tenteurs de cr�ances ext�rieures, tandis que les banques italiennes affichent une forte pr�sence en �gypte. Enfin, l'Union europ�enne demeure la destination pr�f�r�e des migrants de tous les pays de la rive sud. Toutefois, les chiffres et les pr�f�rences diff�rent sensiblement d�un pays � l�autre. La France est clairement la destination la plus attractive pour les migrants en provenance d'Alg�rie, du Maroc et de Tunisie. Dans le cas de l'Alg�rie, les migrations sont extr�mement concentr�es sur la France (l�Alg�rie �tant un ancien d�partement fran�ais). Les migrations �gyptiennes sont tr�s diff�rentes de celles des pays de l�Afrique du Nord. Plus des trois quarts des migrants �gyptiens choisissent les pays du Golfe (42% en Arabie saoudite, au Kowe�t, aux �mirats arabes unis et au Qatar), la Jordanie (23%) et la Libye (11%). Bien que peu significatif, le facteur g�ographique n�est pas �tranger � ces tendances. L'Italie est une destination majeure pour les Marocains et les Tunisiens, tandis que l'Espagne semble r�serv�e aux Marocains. L'�migration de nos pays vers les �tats-Unis, le Royaume- Uni et l'Allemagne est n�gligeable. Il reste � conna�tre la part de l�aide dans la configuration de ces rapports entre les deux r�gions UE-MENA. Entre 2003 et 2010, les cinq pays europ�ens ont d�bours� environ 9 milliards de dollars d'aide publique au d�veloppement (APD) au profit des pays de la rive sud. Cela correspond � 4% de leur aide publique au d�veloppement totale. Les Etats-Unis ont d�pens� 3 milliards de dollars ou 2% de leur aide totale, habituellement r�serv�e � l�Asie et l�Am�rique latine. La France est le principal pourvoyeur d�aide dans tous les pays, sauf pour l'�gypte. Elle r�serve 9% de son aide globale � la r�gion. L'Espagne est active en Alg�rie, au Maroc et en Tunisie. Les �tats-Unis et l'Allemagne ne jouent aucun r�le en Afrique du Nord-Ouest. Leurs portefeuilles d'aide �trang�re sont r�serv�s � l'�gypte et � la Libye. Le Royaume- Uni est pratiquement absent de la r�gion. L��tude conclut � un certain nombre d�enseignements. Le plus �vident est que la politique �trang�re europ�enne est encore largement d�finie par ses Etats membres en fonction de leurs int�r�ts nationaux. La guerre en Libye � o� la France �tait une force motrice tandis que l'Allemagne s��tait abstenue � illustre clairement cela. �Cette relation particuli�re porte un risque.� La concentration des flux des IDE, du commerce et du financement ext�rieurs sur un nombre limit� de partenaires est une strat�gie risqu�e car elle rend ces flux partiellement conditionn�s pour le bien-�tre �conomique d'un nombre limit� de pays partenaires. Les trois parties concern�es (les pays m�diterran�ens de l'UE, l'UE non-m�diterran�enne et les pays de la rive sud) gagneraient alors � r��quilibrer les flux �conomiques. Comment ? �Les pays m�diterran�ens de l'UE devraient soutenir leurs partenaires de l'UE du Nord � �tre plus actifs dans la r�gion, par exemple en c�dant une partie de leurs march�s captifs. Les pays non-m�diterran�ens de l'UE devraient augmenter leur pr�sence �conomique dans la rive sud, par l'investissement et la promotion du commerce et en permettant une certaine migration circulaire. Et, enfin, les pays de la rive sud devraient encourager l'activit� �conomique des partenaires non traditionnels en r�duisant les obstacles devant tous les partenaires, par une r�glementation plus �quitable et un processus de d�cision plus transparent.� A. B. (*) Georg Zachmann, Mimi Tam et Lucia Granelli, How Wide is the Mediterranean ?, mai 2012, disponible sur www.bruegel.org