Par Hassane Zerrouky On attendait un duel entre l�ancien secr�taire g�n�ral de la Ligue arabe, Amr Moussa, et le candidat dissident des Fr�res musulmans soutenu par les salafistes Abdel Momein Aboul Foutouh. Le deuxi�me tour de cette pr�sidentielle opposera finalement l�islamiste Mohamed Morsi, surnomm� �la roue de secours�, candidat officiel des Fr�res musulmans, � l�ancien Premier ministre et ex-g�n�ral Ahmed Chafiq, candidat du syst�me. Le premier a obtenu 5,7 millions de voix (24,35%) et le second 5,5 millions de voix (23,25%). Un peu plus de 200 000 voix les s�parent. Toutefois, la vraie surprise du scrutin, c�est le candidat nass�rien de gauche, Hamdeen Sabahhi, arriv� en troisi�me position : il a r�colt� 4,8 millions de voix, soit 20,36%, devan�ant l�islamiste dit mod�r� Abdel Momein Aboul Foutouh que tous les sondages donnaient largement en t�te de cette �lection pr�sidentielle. S�estimant l�s� par le scrutin et soup�onnant une manipulation des urnes, le candidat de gauche a d�cid� d�introduire un recours contre Ahmed Chafiq. Hamdeen Sabahhi, 58 ans, que personne n�attendait en troisi�me position, est le candidat de la place Tahrir, de cette jeunesse r�volutionnaire qui, au prix d��normes sacrifices, a contraint Hosni Moubarak � jeter l��ponge. C�est aussi le candidat de la paysannerie, des classes d�favoris�es. Membre du parti nass�rien d�mocrate, fondateur du mouvement Kefaya (�a suffit), plusieurs fois emprisonn� sous l��re Sadate puis sous celle de Moubarak, il incarne aux yeux de nombreux Egyptiens l�alternative aux candidats islamistes et � celui du syst�me, Ahmed Chafiq. �Je suis l�un de vous�, proclamait l�une de ses affiches �lectorales. Pourvu de peu de moyens quand ses principaux rivaux islamistes disposaient d�une incroyable force de frappe m�diatique (radios, t�l�s priv�es, cha�nes satellitaires) se greffant sur une logistique financi�re et organisationnelle leur permettant de quadriller les quartiers des villes, Hamdeen Sabahhi faisait figure de �mesquine�. Les observateurs ne lui accordaient aucune chance de passer la barre des 5%. Peu nombreux �taient ceux qui se risquaient � parier une livre �gyptienne sur lui. Mais voil�, gr�ce � une campagne de proximit� dans les quartiers d�favoris�es, suppos�s acquis aux islamistes, mettant au rang de ses priorit�s les questions sociales � la r�duction du ch�mage et de la pauvret� � la libert� d�expression et de la presse, mais aussi dans cette �gypte qui donne l�image d�un pays rong� par l�islamisme, la la�cit� et la s�paration des pouvoirs. Le score r�alis� par le candidat nass�rien de gauche � moins d�un million de voix le s�pare de Mohamed Morsi � montre si besoin est qu�il ne faut pas d�sesp�rer de cette �gypte que les m�dias occidentaux ne voient qu�� travers le prisme de l�islamisme. Outre les 4,8 millions d��gyptiens qui ont vot� pour lui, il ne faut pas oublier qu�une partie de ceux qui ont accord� leurs voix � Ahmed Chafiq et Amr Moussa l�ont fait par peur de l�islamisme, en faisant le choix de voter utile d�s le premier tour, estimant sans doute que le candidat de gauche n�avait aucune chance. Autrement dit, les voix d�mocrates ne sont peut-�tre pas aussi minoritaires que le laisse penser une lecture simpliste de la r�alit� �gyptienne. Certes, on peut �piloguer sur la faible participation (46%) et, par cons�quent, sur le taux �lev� d�abstention. Mais quand on conna�t la puissance politico-organisationnelle et financi�re des Fr�res musulmans et des salafistes, cette forte abstention montre que l�islam politique, toutes tendances confondues, a peut-�tre fait le plein de ses voix. Tout au moins, l�examen des r�sultats de ce premier tour montre qu�il existe une partie importante de la soci�t� �gyptienne sur qui le discours islamiste ne prend pas ou qui s�en est d�tourn�. A contrario, voter � gauche dans cette �gypte o� les islamistes ont pignon sur rue, n�h�sitant pas � user de moyens violents contre leurs adversaires la�ques et progressistes, est l�expression d�un courageux choix de soci�t�, celui du progr�s social et de la modernit�. Cette �lection pr�sidentielle �gyptienne a montr� que les forces de gauche, de progr�s et de la soci�t� civile moderniste, que d�aucuns croyaient lamin�es sur le plan des id�es, disposent d�une marge de progression. Et que rien n�est encore jou� sur le moyen terme dans cette �tonnante �gypte.