Qu�est-ce qui pousse une jeune fille ambitieuse, respirant la joie de vivre et la sant�, qui ne manque de rien, et ne doit rien aux autres � s�investir totalement avec les malades auxquels elle vient en aide moralement et mat�riellement, jusqu�� sacrifier son travail et sa vie de famille et s�interdire tout droit au bonheur qui l�attend ? Pourtant, chaque jour, elle court d�un h�pital � un autre, pour distribuer son sourire aux patients dans un perp�tuel et singulier voyage au fond des �mes tissant entre les malades et la vie les r�seaux d�une nouvelle connivence. Certes, au d�part, il y eut cette perte cruelle d�une amie intime, disparue � la fleur de l��ge, laissant Tinhinane v�g�ter dans une vie qui a perdu tout son sens jusqu�� ce qu�elle l�eut retrouv�e aupr�s des patients dont la maladie est assimil�e � une meilleure connaissance de soi et � une nouvelle naissance. Un bien pour le mal, diront les philosophes. Mais au lieu d��tre solidaire d�une femme, d�un homme ou d�un enfant malade, Tinhinane est solidaire d�une humanit�. Et cette responsabilit� qu�elle ressent chaque jour plus forte sur ses �paules la pousse � des sacrifices qui lui font oublier la notion de temps et d�espace, n�gligeant sa vie personnelle et familiale pour la consacrer aux autres. Un malade en post-op�ratoire qui g�mit de douleurs en crachant du sang, pue l�urine et d�gouline de blessures purulentes, loin de la repousser, l�attire pour en att�nuer la douleur et les souffrances. Pour elle, ce sont des corps malades dans des �mes saines. Elle trouve toujours les mots et les gestes qu�il faut pour les r�conforter et les soutenir, car elle consid�re que la fatalit� n�existe pas dans la maladie. �Combien des personnes condamn�es sont miraculeusement revenues � la vie et que de personnes jouissant d�une sant� de fer disparaissent subrepticement � jamais ? Un concept que la science elle-m�me ne s�explique pas et que Tinhinane relaie aupr�s des malades les plus gravement atteints pour les encourager � lutter et � ne jamais abdiquer, tirant de leur courage une raison suppl�mentaire de vivre pour soi et pour les autres. Tel un rayon de soleil qui dissipe la brume matinale, elle sillonne quotidiennement les h�pitaux d�Alger et Boumerd�s o� sont trait�s les cas les plus lourds, pour aller au chevet des malades. Un terme que r�fute toutefois Tinhinane qui consid�re les patients comme des personnes � part enti�re clouant au pilori cette th�se qui dit qu�une fois franchi le seuil d�un h�pital, on n�est d�sign� que par le terme de �malade� fut-on prince ou roi, ministre ou chef d�Etat. Sa chevelure blonde et son l�gendaire sourire sont d�sormais connus de tous les malades et m�me des m�decins tr�s sensibles � son apport psychologique aux patients, et ses visites font alors figure d��v�nement dans ces lieux aust�res soudain transform�s en foyers de lumi�re et de douceur. Elle ne distribue pas que son joli sourire aux patients qu�elle accoste un � un pour leur apporter du baume au c�ur, satisfaisant leurs moindres caprices mat�riels et affectifs, mais aussi toutes les choses souhait�es par les malades berc�s par cette voix qui r�chauffe leurs c�urs meurtris par la maladie. Et de ces contacts avec les malades et leurs familles naissent des liens extraordinaires d�humanit� et d�affection, mais avec parfois des images bouleversantes qui marquent � jamais Tinhinane. Comme cet enfant de quatre ans atteint d�une maladie incurable et que les parents lui ont m�me confi� durant une p�riode de r�mission comme s�il �tait son propre enfant. Sa disparition a �t� ressentie comme une v�ritable onde de choc par la jeune fille dont les joues portent les stigmates des torrents de larmes � ces douloureux souvenirs qui viennent raviver son envie d��tre encore plus proche de ce qu�elle consid�re comme son milieu et son antre. Et les parents du b�b� d�plor�rent la perte de leur enfant, mais se sont dit heureux d�avoir gagn� dans cette �preuve l�amiti� et la g�n�rosit� de Tinhinane. Ou encore ce jeune Batn�en de 24 ans que ses parents ont accueilli chez elle durant une quinzaine de jours. A sa disparition, Tinhinane et sa famille, inconsolables, se rendirent jusqu�aux lointains Aur�s pour assister � l�inhumation. R�cemment, un adolescent auquel elle a donn� son sang a exig� de son chirurgien la pr�sence de la jeune fille avant la d�licate intervention chirurgicale, clamant que tout se passera certainement bien puisque ses veines sont d�sormais irrigu�es du sang pur de cette fille regorgeant de vie et d�amour pour son prochain. Comme elle aimerait irriguer tous les malades de son sang, n��taient les contraintes qui s�opposent au don quotidien de sang. Soutenir les malades m�me au m�pris de sa sant� ou de sa vie Derni�rement, une op�ration de don de sang tourna court. Affaiblie par l��preuve, elle ressentit un grand malaise ayant n�cessit� une hospitalisation imm�diate de deux jours. Singuli�re encore fut cette terrible exp�rience de ce qui s'est pass� dans la r�gion de Kabylie, plus pr�cis�ment lors du r�cent attentat des Ouacifs o� elle se trouvait au moment du drame. Tinhinane trouve toujours les mots et les gestes qu�il faut pour r�conforter les malades et les soutenir, car elle consid�re que la fatalit� n�existe pas dans la maladie. Avec son jeune fr�re, elle accompagnait � bord d�un v�hicule familial une oncologue dans une rencontre de sensibilisation sur le cancer du sein au chef-lieu, campagnes dont elle est habitu�e. Avant le retour sur Alger, le v�hicule gara devant un magasin d'alimentation g�n�rale situ� en face du commissariat cibl� par l�attaque. C�est alors que les balles siffl�rent au dessus de leurs t�tes, ne devant leur salut qu�� la providence. Mais loin de la d�courager, l��preuve l�a renforc�e� R�cemment, avec les dynamiques membres d�une association qu�elle a rejointe il y a quelques mois, elle a distribu� un couscous aux malades de l'h�pital Mustapha qui fut un r�gal pour les 50 malades du service, plat pr�par� avec d�licatesse par la g�n�reuse bienfaitrice qui r�fute toutefois ce qualificatif, elle qui pr�f�re agir dans la discr�tion estimant qu�elle n�a aucune gloire � tirer en �tant constamment proche des malades. Sans avertir, elle gave les malades venant de loin de mets d�licatement pr�par�s, mais aussi, pour les plus �loign�s dans ces structures accueillant des malades des quatre coins du pays, de v�tements et autre mat�riel hygi�nique et friandises. Mieux que quiconque, elle conna�t la situation des malades et des traitements lourds qui vous laminent le corps, l�esprit, le c�ur et m�me parfois l��me et qu�� l�h�pital, le temps qui passe semble suspendu et comme arr�t� et les jours n�en finissent plus de s��terniser. A l�esp�rance d��ue des malades, elle apporte une pr�sence, un r�confort et parfois des r�ves de gu�rison totale qu�elle v�hicule par l�espoir qu�elle leur donne. Elle sait bien qu�on r�alise des miracles quand on y met du c�ur. Et le c�ur elle en conna�t quelque chose, elle qui, mieux que quiconque, sait s�y faire pour am�liorer psychologiquement leur sort. L�espace d�une visite, Tinhinane fait le tour d�Alg�rie avec ces malades venus des quatre coins du pays. Elle sait parler la langue mais aussi le langage de tous ses compatriotes trahis par la vie. Des malades avec qui elle entretient des secrets, des confidences et des choses d�espoir et d�esp�rance. S�interdisant absolument d�interf�rer sur les probl�mes internes des h�pitaux, elle s�en tient � son r�le de femme qui soulage les souffrances morales, aide et soutient les malades � supporter parfois durant des mois une hospitalisation loin des siens. Son aide aux malades et aux parents d�sempar�s devant les formalit�s administratives est aussi � souligner, elle se poursuit avant, pendant et apr�s l�hospitalisation. Que ce soit dans les fastidieuses proc�dures d�admission, dans la qu�te de donneurs de sang � travers son r�seau sur la Toile ainsi que dans l�orientation et le soutien tous azimuts. Inventive dans le domaine social, elle agit de fa�on ind�pendante uniquement guid�e par l�int�r�t des malades et par l�am�lioration de sa sant�. Cela avant de donner quelques conseils sur leur fa�on de g�rer leurs projets de vie une fois gu�ris pour mordre dans la vie � pleines dents. Une activit� humanitaire tr�s touchante et qui ne manque pas de faire r�agir les malades eux-m�mes surpris par le courage et la volont� de leur sauveuse tr�s sensible � la d�tresse humaine. Le regard qu�elle porte sur ces personnes, en situation de handicap ou vivant dans une angoisse permanente, et sa fa�on de tout faire pour am�liorer leurs conditions laissent ainsi perplexe. R�volt�e face � la fatalit� de la maladie, elle pense que lutter ensemble, prendre son destin en main et se battre contre l�indiff�rence des gens est la meilleure solution pour en venir � bout. Ses rapports avec les malades sont ceux-l� m�mes qu�on a avec les �tres qui nous sont chers. Dans ces h�pitaux qui accueillent les patients venant des quatre coins du pays et o� les pensionnaires sont d�sign�s par la toponymie de leurs r�gions (El Annabi, Qcentini, Sta�fi, Skikdi, El Wahrani, Leqbayli�), Tinhinane est chez elle. Un c�ur sans fronti�res d�limit� par la g�n�rosit� et la tendresse infinies qu�elle porte � tous ceux qui souffrent. �Je veux un surv�tement, lui dit cet enfant, et moi un livre d�images, ajoute un autre�, alors que leur voisin a envie de poires. Choses que l�adorable fille s�empresse de ramener sans omettre de satisfaire ces discr�tes demandes de malades ne pouvant s�offrir qui un v�tement qui un objet n�cessaires � leurs s�jours � l�h�pital. Accroch� dans sa chambre, un carton biff� de plusieurs mentions lui sert d�agenda o� les visites et rendez-vous planifi�s aux h�pitaux prennent le dessus sur son planning professionnel. Souvent, elle n�a m�me pas le temps de prendre une douche ou de manger un morceau, car sit�t descendue de voiture elle y remonte le c�ur battant vers ses malades devenus ses fr�res, ses s�urs et ses parents par la seule affiliation de l�humanisme. Le soir venu, elle s�affale sur son lit, le sommeil berc� par l�espoir de jours meilleurs pour les malades devenus sa raison de vivre depuis d�j� quatre ann�es et jusqu�� la fin de son existence, assure-t-elle. Car pour Tinhinane, qui grappille les instants d�intimit� avec ses patients en autant d��tincelles vol�es � la p�nombre, aider les malades n�a pas de prix. Et le sourire dont elle illumine les h�pitaux dans l�insondable tristesse des pensionnaires att�nue les supplices de leurs corps et de leurs �mes qui se surprennent � esp�rer... Et, miracle, il lui arrive, par sa seule pr�sence, de leur apporter l�optimisme et le bonheur par la seule magie de la confiance que tout le monde place en elle. Normal pour une fille consid�r�e par les malades � la fois comme une s�ur, une m�re, une tendre �pouse, une camarade, une amie ou m�me comme une fianc�e avec qui construire sa vie. Mais la vie de Tinhinane est insaisissable car, appartenant aux anges, elle plane au-dessus des gens et des contingences.