Dans un article publi� dans votre journal le 5 juillet 2012, sous le titre �Les yeux d�Emma�, son auteur, R. M., a fait le lien entre le geste de Messali Hadj �jetant une poign�e de terre au-dessus de l�assistance, � Alger, d�but des ann�es 1930�, � accompagn� de ces mots : �Cette terre n�est pas � vendre��, et le Manifeste de Ferhat Abbas qui aurait, selon lui, reconnu aupr�s de Messali Hadj �ses erreurs quand bien m�me elles seraient justifi�es (�)� Il convient de rappeler, en premier lieu, que le geste en question date du 2 ao�t 1936, c�est-�-dire deux mois apr�s les travaux du Congr�s musulman qui, le 7 juin 1936, a regroup� la F�d�ration des �lus pr�sid�e par le Dr Benjelloun (et dont Ferhat Abbas �tait un membre actif), l�Association des Oul�ma et le Parti communiste alg�rien. La tenue de ce congr�s repr�sentait un tournant historique dans la mesure o� il a regroup� trois organisations qui sont arriv�es � transcender leurs diff�rences et leurs divergences id�ologiques, politiques et programmatiques pour poser ensemble la question de l��mancipation du peuple alg�rien. �La Charte revendicative du peuple alg�rien�, adopt�e par les congressistes, reprenait les revendications des jeunes Alg�riens et de l��mir Khaled et mettait l�accent, entre autres, sur l�acc�s des musulmans � l�exercice des droits politiques, l��galit� dans tous les domaines ainsi que leur assimilation politique, avec le maintien de leur statut personnel. Cette charte proc�dait d�une d�marche pragmatique et �loign�e du nationalisme turbulent, contreproductif et quasi virtuel qui se manifestait violemment � l��poque. Elle fut combattue avec acharnement par les extr�mistes de tous bords, surtout par les repr�sentants de la grosse colonisation, et Messali Hadj ne contribua pas peu � la neutralisation de cette dynamique de regroupement des forces politiques alg�riennes. Quant au Manifeste du peuple alg�rien, r�dig� et adress� par Ferhat Abbas aux Alli�s en f�vrier 1943, il constitue un r�quisitoire sans concession de la colonisation, r�clame pour les musulmans alg�riens la mise en �uvre du droit des peuples � disposer d�eux-m�mes, une Constitution et l�octroi des libert�s fondamentales. Il s�agit l� d�un document fondateur qui a �t� � l�origine de la constitution des Amis du Manifeste de la Libert� en avril 1944 � pr�sid� par Ferhat Abbas�, un front avant le front que Messali Hadj a fini lui-m�me par rejoindre. Alors, peut-on se demander en quoi le geste de Messali Hadj fut-il � l�origine de l��volution politique de Ferhat Abbas ? Et comment ce dernier a-t-il pu souscrire � un texte qu�il a lui-m�me r�dig� ? On ne peut �tre que dubitatif devant une m�connaissance aussi grave de l�histoire. Une autre question � R. M. : d�o� tient-il l�information fantaisiste selon laquelle Ferhat Abbas a �reconnu ses erreurs� aupr�s de Messali Hadj ? Et de quelles erreurs s�agit-il ? La r�ponse � ces questions, tous les gens de bonne foi la connaissent. Elle r�side dans le parcours clair d�un homme qui a assum� jusqu�� la fin de sa vie ses positions doctrinales, ses choix et ses alliances politiques. Le r�formisme politique qui fut le sien n��tait ni un reniement de ses racines et de son id�al, ni une forme sophistiqu�e de compromission. Face � une r�alit� coloniale brutale, � l��tat de faiblesse extr�me de la soci�t� alg�rienne et aux divisions de son �lite, l�ensemble de sa d�marche ne pouvait que s�inscrire dans le cadre d�une strat�gie du possible irrigu�e par un humanisme et un pacifisme authentiques et sinc�res. Un dernier mot : les relations de Ferhat Abbas avec Messali Hadj furent de tout temps cordiales et empreintes d�un grand respect mutuel. Mais Ferhat Abbas n��tait pas Messali Hadj et ne pouvait pas l��tre. Il aurait pu choisir d�adh�rer � l�Etoile nord-africaine, au PPA et au MTLD, mais il ne le fit pas. Il choisit, en toute conscience, de rejoindre la F�d�ration des �lus puis de cr�er l�UPA, les AML, l�UDMA, pour r�pondre finalement � l�appel du Front de lib�ration nationale. Fait � Alger le 6 juillet 2012. Nassim Abbas, neveu de Ferhat Abbas