Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] Notre pays s�appr�te � conna�tre un nouveau texte de la Constitution et aura probablement � l�adopter. Les printemps arabes nous interpellent quant � la direction � prendre au cours de ce processus. Des le�ons sont en effet � tirer de tous ces �v�nements et devraient inspirer nos constituants. Nous savons � pr�sent, par l�analyse de la gen�se du �printemps arabe�, que la gouvernance autoritariste et la gestion patrimoniale des biens de l�Etat, que la surdit� affich�e face aux souffrances de la soci�t� par les pouvoirs en place, que la dilapidation du patrimoine public et la corruption ont produit des mouvements de r�volte populaire qui ne sont plus ax�s sur des revendications �alimentaires �, mais bien sur des exigences d�ouverture politique et de construction de la d�mocratie. Et ces mouvements ne doivent rien � l�islamisme comme ils ne sauraient s�expliquer par les seules �feuilles de route� �labor�es par les Occidentaux pour d�stabiliser compl�tement le monde arabe que ces derniers aient pris la juste mesure de la col�re des diff�rents peuples arabes et qu�ils l�aient attis�e : tr�s certainement. Mais �la cause externe n�agit que par l'interm�diaire de la cause interne� rappelait Mao Tse Toung qui pr�cisait �une quantit� de chaleur appliqu�e sur une pierre ne produit rien ; appliqu�e sur un �uf, elle donne un poussin�. Les peuples arabes ont soif de d�mocratie. Et cette revendication n�est pas de l�europ�ocentrisme mais bien comprise par ces peuples comme une condition n�cessaire � remplir s�ils veulent pouvoir r�gler leurs autres probl�mes de logement, de ch�mage, de besoins alimentaires. Sans acc�der au processus d��laboration de la d�cision selon les voies r�ellement repr�sentatives, ces peuples n�am�lioreront d�aucune autre fa�on leurs sorts. Quelles seraient les le�ons � tirer de ces printemps arabes ? (Tunisie, Egypte, Libye, Y�men, Syrie�) Il est �vident que les processus �tant toujours en cours, des analyses s�rieuses et plus fouill�es restent encore � faire avant de comprendre les tenants et les aboutissants de ces �printemps�. Il n�en reste pas moins que les soul�vements populaires qu�ont connus ces pays rappellent quelques acquis que la sociologie politique a permis d��tablir et sur lesquels il y a peu de r�serves. On peut en rappeler, ici, au moins cinq : 1/ L�Etat qui, sous l�emprise d�un homme, veut g�rer seul, par sa seule bureaucratie, la soci�t� verse in�vitablement dans l�autoritarisme et son corollaire le �tout s�curitaire� qui produisent les effets inverses de ceux qui �taient esp�r�s. Ils g�n�rent fracture sociale, d�sordre et violence. Le face-�-face bureaucratie d�Etat-population, sans interm�diation institutionnalis�e et accept�e, d�bouche irr�m�diablement sur la rue. 2/ Un Etat fort est un Etat l�gitime qui a confiance en son peuple et qui s�appuie sur lui pour g�rer la soci�t�. �C�est en faisant de chaque citoyen un membre actif de l�Etat, en lui donnant acc�s aux fonctions et aux services qui l�int�ressent le plus, qu�on l�attachera le plus � l�ind�pendance du pays� (Thomas Jefferson). Ce qui a fait tomber Saddam Hussein puis El Gueddafi et, probablement bient�t, Bachar Al Assad ce sont certes les agressions arm�es que leur infligent les pays de l'Otan et � leur t�te bien s�r les USA mais c�est aussi la d�saffection de leurs peuples vis-�-vis de r�gimes pourris et sanguinaires que ces dirigeants ont mis en place. Seuls les peuples de ces pays auraient pu d�fendre l�Etat avec efficacit� si celui-ci �tait l�gitime. 3/ La gestion de la soci�t�, la gouvernance comme on dit aujourd�hui, ne peut pas se faire sans rupture en l�absence d�institutions fortes = syndicats, partis politiques, structures de r�gulation, mouvement associatif � Toutes ces organisations qui remplissent l�importante fonction d�interm�diation entre les pouvoirs publics et la population dans ses diverses composantes. 4/ Les probl�mes politiques ne sont pas solubles dans l��conomie. Ce n�est pas en distribuant des emplois aid�s, des subventions et des transferts sociaux que l�on r�gle les probl�mes politiques qui minent une soci�t�. Les questions politiques ont leur propre logique et doivent faire l�objet de traitement sp�cifique. La croissance �conomique elle-m�me se heurte, t�t ou tard, au d�ficit de d�mocratie, de d�lib�ration, de dialogue social. 5/ La d�mocratie est un besoin social fondamental. Elle est possible partout m�me si le processus de sa construction doit s�ancrer dans le concret r�el de chaque soci�t�. Et ce besoin ne peut �tre sans cesse ajourn�e. Et l�Alg�rie dans tout cela ? Notre pays conna�t depuis quelques ann�es, des col�res populaires, des contestations violentes et des �meutes. Ces mouvements de contestation populaire doivent �tre vus comme un r�v�lateur de probl�mes sociaux, certes, mais pas seulement. Ce sont aussi des r�v�lateurs d�une gestion politique de la soci�t� qui n�emporte nullement l�adh�sion des Alg�riens ni plu singuli�rement encore celle de la jeunesse. Les d�clarations des citoyens que nous font parvenir les cha�nes de TV Ennahar et Echourouk sont suffisamment �parlantes�. La col�re des Alg�riens est d�autant plus forte que le pays dispose d�un ensemble d�institutions en mesure d�assurer une transition d�mocratique �sans heurts ni fracas�. Pourquoi donc l�Etat g�le-t-il toutes ces institutions de d�lib�ration, de dialogue, de participation � la vie politique du pays ? Et que l�on ne nous sorte plus l��pouvantail de l�islamisme politique, les Alg�riens ont suffisamment pay� pour le r�duire consid�rablement et ont largement d�montr� r�cemment qu�ils n�en voulaient plus ! Quel est l��tat des lieux ? 1. Le pluralisme syndical est reconnu dans le droit, refus� dans les faits. Il revitaliserait pourtant d�une mani�re bien utile le dialogue social, la d�mocratie sociale. 2. La tripartite est bien l� mais elle fonctionne comme appendice du gouvernement et ne d�lib�re dans les faits sur aucun dossier �conomique ou social, la d�lib�ration �tant pourtant un lien de confrontation des avis et de construction �labor�e de consensus, pourquoi ne pas l��largir � tous les syndicats et l�institutionnaliser ? 3. Le Conseil national �conomique et social existe, dispose d�un budget mais n�a toujours pas �t� renouvel� et ne re�oit pratiquement pas de saisine. L�urgence est � sa redynamisation car c�est l� une formidable tribune de d�lib�ration, d��changes, de d�bats, de r�flexion sur les questions �conomiques et sociales qui int�ressent la nation. Il faut rappeler que cette instance r�unit repr�sentants de l�Etat, syndicats, patronat, experts� Bel espace de fonctionnement d�une d�mocratie de n�gociation qui permettrait une application des politiques publiques plus consensuelles. 4. Les conseils de l��ducation, de la jeunesse, de l�information ont exist� et ont permis des d�bats sur des dossiers cruciaux m�me s�ils avaient besoin d��tre dynamis�s et d��tre plus repr�sentatifs. Pourquoi les avoir supprim�s ? 5. Le Conseil national de l��nergie permet un �largissement de la r�flexion sur la politique �nerg�tique du pays et d��viter les erreurs que pourrait commettre l�administration en charge du secteur. Pourquoi ne fonctionne- t-il pas ? 6. Le mouvement associatif est reconnu l�galement. Il est r�glement�. Mais il fonctionne de mani�re anarchique, ne dispose pas de moyens, est laiss� � son propre sort et � une vie v�g�tative. Il y a partout l� un formidable outil d�aide � la soci�t� pour se prendre elle-m�me en charge, un outil de d�veloppement du civisme et de construction de la citoyennet�. Pourquoi donc toutes ces institutions ne sont-elles pas r�veill�es, remises au travail, laiss�es fonctionner sans immixtion ? Nous n�avons pas abord� le second volet de la transition d�mocratique. Celui du multipartisme. N�est-il pas grand temps de revoir le fonctionnement de la vie politique nationale. Lib�rer la parole, refaire fonctionner les institutions existantes en les d�mocratisant, revitaliser soci�t� politique et soci�t� civile, avancer sur les deux jambes et engager s�rieusement, avec d�termination, la transition d�mocratique dans notre pays, une �d�mocratie forte� comme la qualifie le politologue am�ricain Benyamin R. Barber, c�est-�-dire une d�mocratie enracin�e dans la soci�t� profonde. Allons-nous le faire ? La montagne ne vat- elle pas seulement nous renvoyer nos propres �chos ? Esp�rons que non, afin d��viter une transition violente, socialement co�teuse dont le pays n�a pas besoin.