Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] Le lecteur aura observ� notre insistance, ces derni�res semaines, sur la question de la d�mocratie. Il est en droit de se demander quelles en sont les justifications, nous qui l�avons habitu� aux commentaires �conomiques. Mais il lui est facile de comprendre que l�actualit� �v�nementielle r�gionale, par sa charge politique consid�rable, nous impose de quitter quelque peu l�analyse �conomique stricte pour la r�flexion politique ou plus exactement sociopolitique, dans le but d�essayer de d�coder le sens de �ce qui se passe� dans notre r�gion. La d�mocratie est � l�ordre du jour partout, ou presque, dans le monde arabe. Faut-il qu�en Alg�rie nous soyons, encore une fois, en retard sur un processus de modernisation qui touche aujourd�hui toutes les r�gions du monde ? Faut-il attendre que la transition d�mocratique soit impos�e de l�ext�rieur, cet ext�rieur qui tentera de r�cup�rer des col�res populaires l�gitimes et qui introduira, � n�en pas douter, dans le processus de d�mocratisation des conditionnalit�s favorables � ses seuls int�r�ts ? Nous nous sommes r�guli�rement pos� la question des causes de l��chec des r�formes �conomiques chez nous. Pourquoi donc, d�s que le FMI (et ses conditionnalit�s) s�est retir�, soit en 1998, les r�formes �conomiques se sont-elles brusquement arr�t�es ? Ne sommes-nous pas capables de concevoir et de mettre en application par nous-m�mes les r�formes dont a si besoin notre soci�t� ? La r�ponse � cette question passe par une seconde interrogation � laquelle il faut aujourd�hui r�pondre clairement : faut-il commencer d�abord par remettre sur l�ouvrage les r�formes �conomiques puis aller � la transition d�mocratique ou, au contraire, engager la transition d�mocratique, instaurer, non plus l��tat de si�ge, mais les libert�s publiques et l�ouverture politique puis aller, en ordre de bataille, tous ensemble, aux d�fis �conomiques qui nous attendent ? Notre propre exp�rience, c�est-�-dire celle de notre pays, nous apprend que le pr�alable au succ�s des r�formes �conomiques et � la mise en �uvre d�un nouveau r�gime de croissance fait de productivit�, de comp�titivit�, de performance, de mobilisation de tous les acteurs �conomiques, est la mise en application de la transition d�mocratique, la vraie, et pas celle des discours soporifiques qui ne trompent plus personne et certainement pas la jeunesse alg�rienne. Quand prendrons-nous donc conscience une fois pour toutes que le peuple alg�rien, de par son histoire et l�histoire de sa propre soci�t�, est certainement l�un des peuples arabes des plus politis�s, le plus � l��coute des faits et gestes qui touchent � son avenir. Ce n�est pas parce que cette vigilance ne dispose pas de cadre institutionnel pour manifester explicitement qu�elle n�est pas l�, r�elle et constante. C�est bien un ministre de la R�publique qui vient de rappeler � qui veut bien l�entendre et � juste titre : �Je n�ai jamais r�sum� les Alg�riens et les Alg�riennes � manger, boire et dormir. Les Alg�riens sont une conscience, une identit�, une culture, une dignit� et un combat pour la libert� !� Alors oui : r�duire les attentes et les revendications des Alg�riens � des enveloppes financi�res d�gag�es pour cr�er des emplois sociaux, des logements, des subventions pour l�huile et le sucre, faire la sourde oreille aux attentes des Alg�riens en termes de dignit� et de soif de libert�, c�est assur�ment m�conna�tre les valeurs sur lesquelles repose la soci�t� alg�rienne. Les Alg�riens n�ont pas besoin d�un Etat brancardier mais d�un Etat de droit, d�un Etat des libert�s publiques, d�un Etat r�publicain garant des valeurs de citoyennet�, de d�mocratie, de justice sociale. Il y a certes une demande d�Etat mais d�un Etat fort de l�adh�sion des Alg�riens, un Etat qui leur assure une participation active � la vie de la nation. Nous n�insisterons jamais suffisamment et, avec nous, tous ceux qui portent l�Alg�rie dans leur c�ur, sur l�urgente n�cessit� de l�oxyg�nation politique qui seule remettra tout le pays au travail. Nous comprenons que la t�che peut para�tre dans notre contexte financier actuel non urgente, non prioritaire. En effet, l�analyse des exp�riences de transition d�mocratique montre que le passage de l�autoritarisme � la d�mocratie a toujours eu comme d�clencheur une crise �conomique (cf. les transitions d�mocratiques dans les pays d�Europe centrale et orientale). Le probl�me se complique dans le cas de l�Alg�rie car la crise �conomique qui est une vraie crise du syst�me productif et une crise de l�emploi, est voil�e par la rente p�troli�re et l�aisance financi�re qu�elle a permis ces derni�res ann�es. La transition d�mocratique qui constitue pourtant la cl� de la modernisation �conomique du pays est constamment rel�gu�e au second plan et sans cesse ajourn�e. Mais ne nous y trompons pas : le p�trole ne permet pas de tout acheter : de la semoule, de l�huile, du sucre, des logements certes oui (et encore, pas �ternellement !) mais pas la dignit� (et Dieu sait combien les Alg�riens en ont !). La soci�t� alg�rienne a besoin d��tre oxyg�n�e, a besoin de briser les carcans qui la brident, la jeunesse a besoin de lib�rer son �nergie cr�atrice. Et il est �videmment souhaitable que tout cela se fasse pacifiquement et avec s�r�nit�. Alors �coutons-la et, tous ensemble, reprenons la fantastique aventure de l��mergence de notre soci�t�.